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    Contrairement à ce qu’on pourrait croire, je lis aussi de la littérature dite « sérieuse », mais je n’en parle que rarement sur ce blog, je ne suis pas sûr qu’on y trouve encore quelque chose de vivant, surtout s’il s’agit d’ouvrages récents.

    Naguère Kundera a beaucoup impressionné toute une série de lecteurs par sa vaste culture et ses principes d’écriture. Mais si quelques uns de ses livres sont excellents, d’autres le sont beaucoup moins. La fête de l’insignifiance est de ceux-là. Objet minimaliste, il n’a même pas la qualité d’être bien écrit. Si on ne sait pas trop à quoi sert cet objet – à part nous rappeler que Kundera est vivant – on sait par contre que le lecteur s’ennuie à mourir.

    La critique a été, au moins pour ce que j’en ai vu, dythirambique, du Monde à Télérama, en passant par le Figaro, l’unanimité s’est faite sur cet auteur récemment « pléiadisé ». Les mêmes remarques ont été faites, comme une répétition d’éléments de langage fournis par les équipes de communicants de Gallimard. Ce qui est le plus étrange c’est que tous ces critiques stipendiés n’ont même pas su émettre une légère réserve vis-à-vis de cet écrit. Ce manque de personnalité est tout de même un peu génant et achève de décrédibiliser une sous-profession qui, il est vrai, n’a jamais été très bien considérée. Il a donc été décidé que tous les ouvrages de Kundera avaient finalement la même valeur. Mais évidemment ce n’est pas le cas : parmi ses derniers écrits, seul L’ignorance vaut le déplacement. La lenteur ou L’identité sont des romans très mauvais. Mais comme Kundera est un auteur en voie de canonisation, il est plutôt défendu d’en dire du mal.

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    Le titre est déjà en soit toute une affaire. Si le mot fête est codé des années cinquante-soixante, souvenons-nous du roman de Roger Vailland La fête, et renvoie en conséquence à une époque où on aimait bien avancer la phrase de Saint-Just : « le bonheur est une idée neuve en Europe », l’idée d’insignifiance est à rapprocher des petits éléments de la vie quotidienne qui tissent ce que nous sommes.

    Kundera visant ouvertement la légèreté, son texte – on n’ose pas dire roman – met en scène d’une manière volontairement décousue quatre personnages un peu fatigués, un peu vieux, qui vivent à la va comme je te pousse une petite vie de consommateur sans perspective et sans avenir. Ils ont tous renoncé et renoncé à tout. Ils semblent plutôt cultivés et ont des conversations qui vont avec leur statut. Ce sont des bourgeois mélancoliques qui aiment la bonne humeur et les blagues, mais qui manifestement n’y arrivent plus.

    Des anecdotes minuscules et presque désincarnées, des ruminations sur Staline qui justifie au fond le renoncement, alors que dans la jeunesse de Kundera, le combat contre le stalinisme et pour « un socialisme à visage humain » avait structuré toute une génération.

    Ce n’est pas le premier et le dernier roman qui s’est écrit et qui s’écrira sur la décadence de la bourgeoisie. C’est même assez à la mode. Le problème c’est plutôt que non seulement on s’en moque un peu des états d’âmes et des gémissements de cette engeance, mais qu’au surplus l’ouvrage est mal écrit et sans rythme. Le vocabulaire est tout aussi médiocre. On est bien loin du Kundera qu’on a pu apprécier, tant ce bref récit est désincarné, à mille lieues de la réalité de la vie contemporaine, fut-elle parisienne. Pour dire les choses autrement, c’est presqu’aussi ennuyeux et pompeux que du Jean d’Ormeson. Si dans sa jeunesse Kundera avait une vigueur de rebelle à insinuer entre les lignes de ce qu’il pondait, ici il est en voie d’académisation.

     

    L’ignorance l’avant dernier roman de Kundera, est paru il y a 10 ans. Certes Kundera est vieux, il a eu 85 ans, mais 140 pages en 10 ans, ça fait 14 pages par an, et encore ces pages ne sont pas très tassées, les plus pleines font 26 lignes, soit 26 multiplié par 140, ce qui nous fait 3640 lignes, donc en comptant large presque 10 lignes par an ! Est-ce de là que vient l’impression d’un désèchement ?

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