• Mado, Claude Sautet, 1976

     

     Mado, Claude Sautet, 1976

    Mado intervient dans la filmographie de Claude Sautet, après toute une série de succès populaires, juste derrière César et Rosalie et Vincent, François, Paul et les autres. Sautet est donc bien installé dans le paysage culturel de la France, ses films se vendent bien aussi à l’étranger. La cinquantaine, sûr de son métier, il a la liberté de faire exactement ce qu’il veut. Claude Néron avait été un peu fâché lorsqu’il n’avait pas vu son nom comme dialoguiste au générique de Vincent, François, Paul et les autres. Et c’était pour Sautet une manière de se réconcilier avec lui que de retravailler ensemble. Cela n’est pas sans importance parce que selon moi, le meilleur de la filmographie de Sautet est dans sa collaboration avec Néron justement. Jean-Loup Dabadie était aussi selon Sautet plutôt habile dans la construction, mais Néron amenait cette noirceur mélancolique qui a donné le meilleur de Sautet. En ce milieu des années soixante-dix, la fièvre de Mai 68 est retombée, et la gauche a le vent en poupe. Elle est promise à un grand avenir politique, malgré les réticences d’une union de la gauche. Parmi les idées qui portent la gauche, il y a une critique du leg de Pompidou, décédé en 1974, puis du giscardisme : les deux sont rongés par les scandales et l’affairisme. L’immobilier est sous les feux de la critique, notamment dans la région parisienne où se multiplient les projets grandioses. Mado n’est pas le seul film dont la toile de fond est faite des scandales immobiliers, en 1977 Bertrand Tavernier tournera Des enfants gâtés. C’est un film différent, un film sociale et politique, bien sûr de celui de Sautet qui est un film noir, mais nous sommes encore en prise avec les scandales immobiliers de l’époque. En outre les deux films sont interprétés par Michel Piccoli. Sur Wikipedia, à la page dédiée au film de Tavernier, on peut lire : « … on peut également voir que le personnage de Bernard Rougerie est inspiré de Claude Sautet, que ce soit pour son phrasé, son apparence physique ou sa méthode de travail. À 1 h 31 de film, on voit d'ailleurs punaisé en arrière-plan un pense-bête rappelant au personnage "Rendez-vous Yves Robert Jeudi 20 h". Un détail qui signe l'inspiration, Sautet et Yves Robert ayant été très amis et ayant collaboré ensemble à plusieurs reprises ». Si le film de Tavernier qui n’a pas connu un grand succès à sa sortie, est un peu oublié, à l’inverse le film de Sautet est revalorisé et considéré aujourd’hui comme une pièce majeure de sa filmographie. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Simon qui vient d’engager Pierre tente de comprendre le trou de 600 millions de francs dans ses comptes 

    Pierre et Alex qui rêve de s’installer à la campagne reviennent à Paris pour chercher du travail. De son côté Simon entretient une liaison avec Mado qui se prostitue pour ne pas avoir à travailler. Grâce à Mado Pierre va être embauché par Simon, un riche promoteur immobilier. Mais celui-ci a de gros ennuis, il est en train de découvrir qu’une de ses sociétés dans laquelle il était associé avec Julien est quasiment en faillite, avec un trou de 600 millions – de francs bien entendu. Simon et ses amis cherchent Julien partout, mais celui-ci s’est suicidé dans son bureau en se tirant une balle dans la tête. Rapidement ils comprennent que Julien s’était acoquiné avec Lépidon, et, menant une vie au-dessus de ses moyens, il s’était endetté, plombant la société immobilière. Lors de la cérémonie funéraire, Simon croise Lépidon. Ils se retrouveront un peu plus tard, et Lépidon propose à Simon de lui racheter ses parts pour le tirer d’affaire. Mais Simon refuse et annonce à Lépidon que ses traites seront honorées. Simon ne sait pas comment s’en tirer, il veut se battre, mais n’a guère de moyens. C’est Mado qui va d’abord lui conseiller de rencontrer un certain Reynald Manecca, un ancien associé de Lépidon qui connait semble-t-il ses secrets et qui a été condamné par la justice. Mais Simon refuse de le rencontrer parce que Mado couche aussi avec lui ! Il va voir ensuite Hélène, son ex-épouse qui est sous l’emprise de l’alcool pour lui marquer son affection. Avec ses amis, Simon rencontre un avocat, Vaudable, qui lui parle d’un certain Barachet, un ancien fonctionnaire, qui a sûrement magouillé avec Lépidon. Il avance que Manecca connait sans doute les secrets de Barachet. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Julien s’est suicidé 

    Simon se décide alors à rencontrer Manecca, pour cela il revoit Mado avec qui il a rompu. Manecca vient voir Simon en catimini, il se cache en effet pour éviter Lépidon. Il montre la photocopie d’un document falsifié par Barachet et qui a permis à celui-ci d’acheter un terrain pour 1 franc du mètre carré, tarif des terrains agricoles. Mais Lépidon compromis avec des hommes politiques s’est débrouillé pour que ce vaste terrain puisse être constructible. Il en vaut donc maintenant vingt fois plus ! En échange du document Manecca demande 150 millions de francs, afin de quitter la France et de refaire sa vie. Simon doit trouver la moitié de cette somme, et pour cela il vend des œuvres d’art que sa famille a accumulé au fil du temps. Il va donc récupérer le document de Manecca et il va trouver Barachet pour le faire chanter. Ce dernier n’a pas le choix et il revend le terrain à Simon au tarif où il l’a acheté. Pour fêter ce succès, Simon, Mado, Pierre et toute la bande vont visiter les terrains acquis. Simon commence à comprendre que Mado qui a été lâchée par Manecca est attirée par Pierre. Pendant qu’ils sont sur les terrains, Lépidon apprend par Barachet la perte du terrain. Il charge ses hommes de main de retrouver Manecca. Ce qu’ils font par l’intermédiaire d’un photographe qui devait faire des faux papiers à Manecca. Les tueurs font leur boulot. Simon apprend la mort de Manecca, il en fait part à Mado qui est très touchée. Simon ensuite va conduire Hélène à la clinique où elle suivra une cure de désintoxication. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Lépidon propose à Simon de lui racheter ses parts 

    Si l’intrigue est facile à comprendre, c’est pourtant un scénario compliqué par les intentions qui y sont mises. Au premier niveau, il y a donc un homme, Simon, qui se débat pour se sauver de la faillite et se défendre de son ennemi. Simon se voudrait un honnête entrepreneur immobilier, et Lépidon est une crapule qui n’hésite sur aucun moyen pour arriver à ses fins, y compris le meurtre. Il est l’âme damnée des politiciens et des hauts fonctionnaires qui se laissent corrompre. C’est là qu’intervient le deuxième niveau, le discours des jeunes générations, représentées par Pierre et Alex pour qui entre Lépidon et Simon il n’y a pas une grande différence, puisque tous les deux visent à faire du profit. A ces deux là on peut ajouter aussi Mado qui se prostitue pour s’en tirer. Ces jeunes sont finalement les victimes indirectes des magouilles des plus anciens qui brassent des millions et transforment le paysage en quelque chose qui va devenir invivable rapidement, car au fond le but des promoteurs immobiliers qu’ils s’appellent Lépidon ou Simon, c’est toujours de détruire l’ancien, la campagne comme les vieux quartiers pour en faire du neuf, avec tous les défauts que comporte cette modernité frénétique.    

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Mado dit à Simon qu’elle connait un certain Manecca qui pourrait l’aider 

    Simon c’est le fil rouge du film, c’est de son point de vue que le film est construit et organisé. Mais le personnage central, le pivot, comme on le voit tous c’est en effet Mado. Elle est le lien qui fait tenir plus ou moins bien toute cette société ensemble. Non seulement elle relie la vieille génération de Simon à la nouvelle, mais elle fait se rencontrer ses deux amants, Simon et Manecca pour qu’ils combattent Lépidon. Cela va provoquer la jalousie de Simon, parce que non seulement Manecca ne la paie pas, mais en plus on comprend qu’elle va cesser de se prostituer en retournant travailler à l’usine. Comme on le voit tous ces personnages ont des déterminations incertaines. Mado se détourne de Simon parce qu’elle le trouve trop égoïste, mais elle est amoureuse de Manecca qui avoue lui-même être une crapule mais pas un salaud ! Simon va trouver une forme de conscience. Il n’est pas bête et se rend compte que son comportement est douteux. Il comprend bien que c’est lui qui est la cause de la mort de Manecca. Mais ce dernier aurait-il pu éviter de se faire assassiner sans cela ? Il vivait caché, sachant que Lépidon le ferait tuer au moindre faux pas. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Simon est allé voir Hélène

    Simon n’est d’ailleurs pas dénué d’humanité. On comprend bien qu’il a de la tendresse pour Hélène, mais aussi que s’il est jaloux de Manecca c’est bien parce qu’il est amoureux de Mado ! Au fil de cette histoire, on comprend sans le dire jamais qu’il y a chez lui une prise de conscience, aussi bien par ses rapports avec les plus jeunes, notamment Mado qui le remet à sa place, que parce qu’il comprend qu’au fond il est un peu comme Lépidon. Et justement le fait qu’il amène ensuite Hélène à la clinique, va apparaître comme une recherche de rédemption. Simon est peut-être fort pour affronter Lépidon, une canaille sans scrupule, mais il est faible vis-à-vis de lui-même. Il ne sait pas exactement ce qu’il veut. Quinquagénaire tourmenté, il comprend qu’il est passé à côté de lui-même. Dans ce film Claude Sautet met encore une fois un fils face à son père. Or le père de Simon représente le vide des bonnes familles, un petit jouisseur qui se laisse totalement aller au point de conditionner son fils et le pousser dans une voie qui n’est pas pour lui. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    L’avocat Vaudable parle d’un certain Barachet et de Manecca 

    Les jeunes ne sont guère déterminés, plutôt désabusés, ils représentent cette France qui doute et qui est en crise, peut être plus sur le plan de ses envies et de sa culture que sur le plan économique, après tout, Pierre, Alex et même Mado vont retrouver assez facilement du travail. Ils ne sont pas désespérés, mais manifestement ils manquent d’envie et de détermination. Ils sont ficelés dans cette société que leur ont fabriqué les hommes de la génération qui avait vingt ans à la Libération. Ils sont désabusés. Le conflit que l’on perçoit entre ces deux générations, ce n’est pas une question d’âge, mais juste le résultat qu’elles sont faites de personnes nées dans deux époques différentes. Et en effet, c’est vers cette période, malgré le sursaut de l’élection de 1981 qui va venir, qu’on commence à promouvoir en France ces idées venues des Etats-Unis où l’accumulation du capital est le signe le plus évident de la réussite sociale. Ça reprendra avec une grande violence après le virage de 1983 quand les « socialistes » rallieront la logique de l’Union européenne. Il y a donc bien un discours politique sous-jacent à cette histoire de spéculation immobilière qui entraîne aussi la mort des personnages qui empêchent le pouvoir financier de fonctionner sans à-coups. On comprend alors que les hommes politiques sont au service des hommes qui comme Lépidon savent manipuler des masses d’argent. 

    Mado, Claude Sautet, 1976

    Manecca veut 75 millions en échange d’un document compromettant 

    Ce sont des histoires de clans, celui de Simon et de ses amis, contre le clan de Lépidon. Ils travaillent tous en famille, ce qui donne un petit air moyenâgeux à l’histoire. Mais le clan n’évite pas la confrontation de l’individu avec la solitude. Si on s’en tient à Simon, on s’aperçoit que c’est un homme inquiet, rongé de solitude. Beaucoup, à commencer par son propre père, ne le comprennent pas. Et si lui-même semble comprendre les plus jeunes, c’est qu’en vérité il se rend compte qu’il a raté sa vie. Il se révèle d’ailleurs assez incapable de se joindre à un groupe, contrairement aux plus jeunes, ou même à Lépidon qui est comme un poisson dans l’eau avec la crapule. Il représente le mal, l’antisocial si on veut et face à lui, les autres ont du mal à se positionner, même Manecca qui est une canaille, mais dit-il pas un salaud ! Là se pose le problème de Mado, qu’est-ce qui a bien pu la séduire dans ce personnage louche ? L’aventurier, le réprouvé ? Elle sera complètement déçue quand elle comprend qu’il ne l’amènera pas avec elle pour refaire sa vie ailleurs qu’en France. S’est-elle trompée ? Le préfère-t-elle à Simon parce qu’il est moins hypocrite ? On peut également se demander si sa relation avec Manecca est plus importante parce que lui ne la paye pas ! Ou encore qu’elle joue de la jalousie de Simon en mettant en scène Manecca après tout, c’est elle qui parle la première de Manecca et qui semble inciter Simon à le rencontrer ! 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Mado pointe à l’usine 

    Comme on le voit, c’est une histoire faite avec des personnages ambigus, donc une trame de film noir, pourtant ça n’est pas traité comme un film noir. Par exemple les scènes violentes, la mort de Julien, le chantage exercé sur Barachet ou encore le meurtre de Manecca sont à peine évoquées à l’écran. C’est que pour Sautet le principal est ailleurs. C’est mettre l’homme face à ses responsabilités. Autrement dit c’est sa position par rapport au groupe auquel il appartient qui est le plus important. De la découle les principes de la mise en scène, on voit constamment Simon entouré, il ne se déplace jamais seul, il décide seul, mais pour le reste il vit avec son groupe, comme avec une petite famille. Les scènes de bistrot et de restaurant, montrent non pas le côté choral du film, mais plutôt le brassage entre les classes sociales et entre les générations. C’est pourquoi elles sont filmées en plans assez resserrés, comme si Sautet les prenait lui-même en charge. Ils sont dans une sorte de bulle, au milieu de la foule. Sautet ne filme jamais en écran large, ce n’est pas sans raison, parce que ce format donne un côté trop épique à l’histoire et donne trop d’importance à l’espace. On remarquera que le film s’ouvre sur Pierre et Alex qui sont sur une route de campagne et qu’il se ferme pratiquement quand toute la bande se retrouve embourbée sur une route où les travaux de réfection transforment le chemin en boue. Entre ces deux séquences, on est en ville, là où se décide les transformations de la campagne. Et bien sûr ce sont les promoteurs immobiliers qui activent se travail de soumission de la nature aux exigences de la rentabilité. Tous les films français qui traitent de l’immobilier à cette époque oppose les formes de la vie traditionnelle à celles de la modernité. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Simon et ses associés calculent ce qu’ils peuvent faire du terrain de Barachet 

    Cette vieille France résistante si on peut dire est représenté par le maire du petit village qui marie sa fille et qui invite Simon et ses amis à la noce. Les images de la campagne et de la petite localité où Simon a acheté le terrain de Barachet sont les seules qui sont filmées en plan général avec de la profondeur, mais cette profondeur est gâchée par la pluie, comme si celle-ci voulait noyer les personnages et les ensevelir dans la boue. Mais la pluie, c’est bien aussi ce qui lave de nos péchés. Simon est celui qui observe et qui ne veut pas se mouiller. Il est en retrait de lui-même et ce sont seulement les événements dramatiques, la mort de Julien et sa possible faillite qui vont le faire sortir de lui-même. C’est pourquoi Sautet le film souvent derrière des fenêtres, en train de regarder la vie s’écouler. Il regarde la noce, mais il observe aussi Mado qui se rapproche de Pierre. Remarquez qu’avec Max et les ferrailleurs, c’est le deuxième film de Sautet où le héros entretient des relations sexuelles avec une prostituée. Mais ici Mado est une prostituée qui s’interroge. Elle n'est pas la seule à s’interroger sur son statut. Alex le fait aussi face à Pierre. C’est pourquoi lors de ces réflexions qui sont parfois un peu pesantes, Sautet s’attarde sur les visages qui expriment justement le doute, ce qui justifie aussi l’abondance des gros plans. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Pour donner de l’argent à Manecca, Simon vend ses œuvres d’art 

    Dans la manière de filmer, il y a une façon propre à Sautet de prendre son temps. C’est ce qui donne de l’épaisseur, non pas à l’intrigue, mais aux personnages. Ainsi on verra longuement le père de Simon et ses amis s’extasier devant un Château-Margaux de 1947. Ou encore on verra toute la bande se mettre à danser et à délirer alors qu’ils sont embourbés et retenus pour toute la nuit, coincés sous la pluie et dans la boue jusqu’au cou. Les scènes avec Hélène qui au départ n’étaient pas prévues et que Sautet allongera parce que Romy Schneider voulait absolument un petit rôle chez Sautet, au premier abord semblent un peu superflues, mais elles expliquent indirectement l’âme de Simon et une partie de ses problèmes. La photo de Jean Boffety qui atténue les nuances dans les couleurs, donne un aspect nostalgique à l’ensemble. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Simon fait chanter Barachet 

    Le film s’est construit autour de Michel Piccoli qui est Simon. Le film est tourné du point de vue de Simon, et donc il est présent de bout en bout. C’est un peu le même rôle que celui de max, sauf qu’évidemment Simon n’est pas fou, mais il reste tout autant incurablement triste. Il domine le film et trouve là un de ses meilleurs rôles par les nuances qu’il apporte à son personnage. Il passe très facilement de l’accablement à la colère et à l’autorité quand notamment il s’attaque à Barachet. Michel Piccoli c’est le double de Sautet, son porte-voix. C’était le quatrième film qu’ils faisaient ensemble et le dernier. Je me suis posé la question de savoir pourquoi cette collaboration si fructueuse avait cessé. Michel Piccoli dira, avec une pointe d’amertume semble-t-il : « Après Mado, nous n’avons plus travaillé ensemble. Je crois qu’ensuite, pendant près de dix ans, on ne s’est pas vus. Mais sans aucune raison, sans fâcherie. Simplement parce que je ne faisais plus partie de sa vie de travail. Je comprenais cela et l’acceptais, mais il me manquait. Je lui ai écrit quelques lettres qui sont restées sans réponse. On s’est revus, c’était comme si on ne s’était jamais quittés. Nous n’avons jamais eu d’explication : "Pourquoi m’as-tu abandonné ?" Et la mécanique s’est remise en route, notre amitié, notre intimité. J’aurais pu jouer Arnaud, mais heureusement qu’il ne me l’a pas demandé, il a choisi Michel Serrault...vous avez vu la ressemblance, le mimétisme. » Évidemment remplacer Michel Piccoli par Michel Serrault c’est bien difficile. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Simon regarde par la fenêtre Mado se rapprocher de Pierre 

    Derrière il y a Ottavia Piccolo dans le rôle de Mado. C’est une très bonne actrice, elle a une présence incroyable, son jeu démentant en permanence le côté enfantin de son physique par sa dureté. Elle a tourné dans une quantité incroyable de chefs-d’œuvre, notamment chez Mauro Bolognini aux côtés de Massimo Ranieri. Elle fera quelques belles incursions dans le cinéma français, La veuve Couderc, de Pierre Granier-Deferre, Un aller simple de José Giovanni. Son rôle est pourtant assez court, même s’il est décisif. Jacques Dutronc incarne Pierre. Il est là essentiellement parce qu’il était le cousin de Claude Sautet ! Prouvant comme Simon que Sautet aime travailler en famille. Son rôle est étroit, sans relief non plus, il a peu de chose à faire et encore moins à dire. Très passif il a l’air de s’ennuyer fermement. Il apparait ainsi comme le récitant, celui qui enregistre sans se mouiller jamais ce qui se passe, laissant aux autres cette faculté de commenter.  

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Cherchant à se protéger de la pluie, ils arrivent dans une noce 

    Dans ce film on va aussi retrouver de nombreux habitués de la filmographie de Sautet, à commencer par Romy Schneider dans le rôle très secondaire d’Hélène, elle a une seule scène importante mais très brève, quand Simon vient la voir. Sautet disait que cette scène avait ému lors de son tournage toute l’équipe du réalisateur. Je le crois volontiers. Il y a aussi Bernard Fresson que Sautet aimait beaucoup, mais ici c’est à peine une silhouette, celle de Julien au moment de son suicide. Plus importants sont les escrocs. D’abord l’excellent Julien Guiomar dans le rôle du sinistre Lépidon. Il est vraiment excellent, on dirait qu’il a été mauvais toute sa vie à la manière dont il fronce les sourcils. Puis Charles Denner dans le rôle de Reynald Manecca. Il est bien, sans plus, jouant toujours sur sa voix si particulière et sa petite taille. Enfin pour en terminer avec la canaille, Michel Aumont est le peureux Barachet, très bon. Chez les jeunes c’est moins bien, Jean-Denis Robert dans le rôle d’Alex, scandalisé que Mado se prostitue, est assez hésitant. Des petits rôles aussi pour des comédiens que Sautet aimait beaucoup, Jean Bouise qui couve Hélène et qui tente de l’apaiser, est très bon, sobre, élégant. Claude Dauphin qui incarne l’avocat Vaudable, il n’a qu’une scène, mais il est exactement à sa place, juste. 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Lépidon apprend que Barachet a cédé au chantage 

    Le film est très bon, Sautet en connaissait les défauts, on les a dits, mais malgré cela il est très attachant. La musique de Philippe Sarde, compositeur attitré de Claude Sautet soutient très bien le film, même si elle n’est présente qu’au début et à la fin, soulignant la fragilité des personnages en l’annonçant. La critique a été bonne dans l’ensemble, mais le public ne s’est pas précipité à sa sortie. Je crois que cet échec très relatif, a refroidi Sautet et l’a entraîné vers d’autres formes, d’autres sujets. Il va revenir vers un gros succès commercial avec son film suivant, Une histoire simple, moins noir, plus social, et surtout avec Romy Schneider. Cependant avec le temps, il semble bien que Mado ait été revalorisé à la hausse et c’est tant mieux. Mado clôture le moment de grâce de Sautet, commencé avec Les choses de la vie. Ensuite ce ne sera plus comme avant. Il marchera au métier, hésitant entre le renouvellement de ses thématiques, de nouveaux acteurs et la recherche de ses succès d’avant. Je ne veux pas dire que les films postérieurs à Mado n’ont pas d’intérêt, seulement qu’ils sont moins inspirés et inspirants.   

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Manecca a été assassiné par les hommes de Lépidon 

    Mado, Claude Sautet, 1976 

    Simon conduit Hélène à la clinique pour qu’elle fasse une cure 

    « Max et les ferrailleurs, Claude Sautet, 1971Les SS frappent la nuit, Nachts wenn der Teufel kam, Robert Siodmak, 1957 »
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