• Death in small doses, Joseph M. Newman, 1957

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957

    Voici un film noir tardif. Il mêle deux approches assez traditionnelles. D’abord le flic infiltré qui cherche à démanteler un réseau de vente d’amphétamines, et puis le film de camionneurs. On suppose que le modèle se sont les films d’Anthony Mann, T-Man etRaw deal. Physiquement le héros resemble assez à Dennis O’Keefe, même carrure, même cheveux blonds et surtout même métier. Le scénario s’inspirerait d’un histoire vraie, ce qui est confirmée par le fils d’un des protagoniste de l’histoire. Cette histoire avait été racontée le journaliste Arthur L. Davis dans le Saturday Evening Post. On joue la carte du film semi-documentaire en posant un problème de société dans toute son ampleur et comment la police tente de mettre un terme à ce trafic. Evidemment Joseph M. Newman n’est pas Anthony Mann. Il a assez peu fait de films noirs, dont le plus connu est 711 (Ocean drive, un film sur les bookmakers avec Edmond O’Brien, Il travaillait plutôt dans le western, puis il bifurquera vers la télévision. Il est resté cantonné aux films à petits budgets 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957 

    Les patrons de la FDA demandent à Tom d’enquêter sur un trafic d’amphétamines 

    Jerry Owens est mort dans un accident de camion, sur lui on a trouvé des pilules d’amphétamines qu’il utilisait pour rester éveillé. Comme des accidents de ce type ont arrivent souvent, la FDA – Food and Drug Angency – décide d’enquêter avec la coopération du syndicat des camionneurs. Ils envoient l’agent Tom Kaylor à Los Angeles qui va infiltrer le milieu en se faisant passer pour un camionneur novice. Il doit découvrir les fournisseurs. Sur place il se fait engagé par Boomer, puis il trouve un logement chez Val Owens, justement la veuve de Jerry Owens. Son voisin est un certain Mynk qui travaille dans la même entreprise, qui aime faire la fête et écouter de la musique à fond. Mais dans un premier temps il va faire équipe avec Wally Morse, un vieux camionneur, qui lui explique les dégâts que causent les pilules de Benzédrine, aussi appelées  Bennies. Rapidement, sur les parcours qu’il fait, il s’aperçoit que tout le monde en prend dont Mynk qui est excité en permanence. On comprend que les pilules aident à surmonter les fatigues liées aux longs horaires de travail. Au Six Points il repère qu’Amy la serveuse non seulement se charge, mais qu’en outre elle revend les amphétamines.  Cependant, Wally Morse lui aussi enquête, mais ne veut rien dire de ce qu’il a appris à Tom. Cette enquête va amener les trafiquants à s’intéresser à lui. Une nuit, alors qu’ils arrivent aux Six Points, deux gangsters qui les ont suivi matraquent à mort Wally, tandis que Tom se reposait dans la cabine. Tom décide d’accélérer son enquête, en même temps qu’il courtise avec succès Amy. Il va faire équipe avec Mynk qui semble avoir perdu la tête et qui risque l’accident à chaque fois. Il va apprendre que Dunc qui possède une station service sur le parcours vend aussi des pilules. Il essaie de faire parler Amy, mais celle-ci hésite et se dérobe, elle lui dit de revenir le lendemain. Mais le lendemain elle a disparu. Mynk est de plus en plus dangereux après avoir ennuyé la patronne du Six points, il agresse Tom et manque de le tuer. Mynk est interné, à l’hôpital il dit ne se souvenir de rien. Il continue son enquête. Il approche Dunc au prétexte de mettre en place une nouvelle filière de trafic. Une lettre d’Amy va le mettre sur la piste d’un laboratoire peu scrupuleux qui commercialise illégalement les pilules, mais Val Owens commence à le soupçonner lorsqu’elle trouve la lettre d’Amy. Tom demande des explications, mais le piège se referme sur lui. Elle a fait venir la bande de trafiquants pour l’éliminer. Elle semble cependant avoir du roman car elle avait probablement des sentiments pour lui. Les gangsters veulent le tuer et l’enterrer dans la colline. En réalité il va être sauvé par Dunc qui se rend compte que le prochain à être éliminé ce sera lui. Les gangsters sont éliminés, et Val va être arrêtée. 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957 

    Tom trouve un logement chez Val Owens 

    C’est une histoire linéaire, sans réelle surprise. Il y a cependant une timidité dans le scénario qui consiste à mettre l’accent sur les méchants qui vendent de pilules mortelles, mais pas sur les exploiteurs qui obligent les salariés à des longs horaires, à des tâches difficiles, ce qui entraine la dépendance aux amphétamines. Certes le discours est sous-jacent, mais il se pourrait que ce soit le studio qui soit effrayé de trop d’audace et qui ait incité à la modération. On note que le syndicat des routiers est présenté positivement comme soucieux de la santé de ses adhérents et coopérant avec la police, alors que Jimmy Hoffa est dans la tourmente et que les studios – avec l’aide d’Elia Kazan et son immonde On the waterfront  – sont partis dans une croisade antisyndicale qui prolonge la chasse aux rouges. Présenté comme semi-documentaire, il révèle un problème de société. Pour cela le film s’éloigne des concepts à la gloire du FBI ou du LAPD, et en choisissant la discrète FDA, et en n’engageant pas trop son héros dans des scènes d’actions trop spectaculaires, il donne une impression de sérieux. Si le thème principal est la chasse à des laboratoires pharmaceutiques peu scrupuleux qui se moquent des conséquences de leur commerce illicite, suivant la bonne logique capitaliste, il est partagé avec l’image du milieu des routiers. Ici ce sont des routiers sur de longues distances qui sillonnent l’Amérique. Portland-Los Angeles c’est pratiquement 1000 kms. Et donc tout le long de la roue, il y a des repères qui rythment le voyage. Ce sont des marqueurs de la conquête de l’espace chère aux Américains. 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957

    Sur la route Wally et Tom s’arrête chez Dunc 

    Bien que cela se passe à Los Angeles, on ne verra rien de la ville. En dehors du ruban d’asphalte, ce sera la banlieue où Tom loge. Tous ces lieux présentent une force décousue d’occupation de l’espace qui explique le caractère inquiet de ces camionneurs qui vont risquer leur vie en permanence, aussi bien parce que la route est difficile que parce qu’on y risque l’agression. Cette façon de présenter l’espace renforce l’aspect diffus du danger porté par un réseau aussi dense que mal identifié. Du laboratoire pharmaceutique identifié à une sorte de mafia, jusqu’à la petite revendeuse de pilules, tout le monde semble impliqué. Mais peu ont la force et le courage de réagir. Amy l’aura finalement, elle partira. Les ressorts de cette coopération sont toujours les mêmes, l’accoutumance, plus on consomme de pilules et plus on doit en consommer, et aussi l’appât du gain. Val accumule de l’argent en organisant le trafic chez les camionneurs, mais ce n’est pas seulement la cupidité qui la pousse, c’est aussi une manière de rechercher une compensation à la mort de son mari. Il faut bien que ce décès ait servi à quelque chose. 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957

    Mynk drague Amy 

    Les rapports humains sont assez peu détaillés. Par exemple on peine à trouver les éléments de la solidarité légendaire entre les camionneurs. C’est seulement esquissé avec la relation entre Tom et Wally. Le plus vieux voulant protéger le plus jeune et le tenant à l’écart de son enquête pour ne pas le mettre en danger. La romance entre Val et Tom est plus détaillée, et cette attirance réciproque donne le caractère noir à ce film puisque leur amour est impossible. Ils sont attirés l’un par l’autre au-delà de leur métier si on peu dire. Val pense qu’elle pourrait finalement mener une autre vie. Mais c’est trop tard. Tom ne se doute pas de son rôle effectif et ressent de la compassion pour son statut de veuve. On pourrait ajouter que les images montrent qu’une femme de caractère, entreprenante et décidée, ne peut pas être aimé par un homme fort qui cherche plutôt une femme à protéger. C’est à mon sens le côté le plus intéressant de ce film. Derrière le devoir, Tom dissimule la peur qu’il a de s’embarquer avec une telle femme. Il est d’ailleurs assez curieux que le scénario ait écrit des rôles positifs pour les femmes. Amy est la seule qui a le courage malgré son addiction de se retirer du jeu. Elle compensera sa fuite en écrivant une lettre à Tom. C’est elle d’ailleurs qui lui permet de faire avancer enfin radicalement son enquête. 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957 

    Une voiture suit le camion de Wally et Tom 

    La réalisation est solide, mais pas assez aboutie cependant. Ça manque de rythme. Bien que filmé dans un format 1,85 :1, le jeu des ombres et des lumières est emprunté au cycle classique du film noir. L’élargissement de l’écran donne une impression de modernité. Du reste les camions sont les instruments de cette modernité qui trace son sillon en reliant tous les points du territoire. En même temps que l’accroissement de la densité des réseaux, le camion apporte comme contrepartie la dépendance aux amphétamines. Joseph M. Newman cependant ne filme pas, comme c’est l’habitude dans les films de routiers, les camions comme des monstres qu’il faut maitriser. En général on utilise la contreplongée pour montrer que le chauffeur doit être un homme fort qui maitrise le monstre. C’est ce qu’on a fait d’abord couramment avec les locomotives. Ici, le camion n’apparait pas dangereux en lui-même, comme s’il avait un caractère spécial. Il ne devient menaçant que quand les chauffeurs se livrent à des extravagances sous l’emprise de la Benzédrine. A l’écran ça donne une volonté de minimiser la masse des véhicules. Cette innocence des camions se traduit dans la manière de les filmer, Newman tire des diagonales, ou filme de face la cabine de conduite. 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957 

    Tom voudrait qu’Amy parle 

    Ce type de film ne peut pas se passer d’une description pointue du milieu des routiers. Donc on va détailler les points de relais des camionneurs. Et montrer à l’intérieur l’existence d’une communauté avec ses rites et ses manières d’amusement. Newman filme longuement les Six Points où on mange, ou on danse. Il utilise des angles toujours intéressants et souvent une profondeur de champ qui saisit très bien le mouvement des danseurs. Le bistrot n’est d’ailleurs pas toujours filmé dans le sens de la profondeur, la caméra glisse le long du comptoir pour saisir des moments un peu plus intimes. Sans surprise c’est cet aspect de la vie laborieuse américaine qui est le mieux saisi. La station service de Dunc est aussi filmée dans un fouillis indescriptible, ça sent l’huile de moteur, mais surtout c’est une image des tendances dissimulatrices de Dunc qui s’est laissé embarquer dans un trafic qui le dépasse. Même si ça manque un peu de liant, les scènes d’action sont bien filmées, surtout quand Mynk rentre en action, surexcité par les pilules qu’il a consommé. 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957

    Mynk est maintenant à l’hôpital 

    Dans ce genre de film à petit budget, les acteurs sont de catégorie B. Mais ce n’est pas un défaut parce que le but est de gommer le côté glamour des protagonistes et de les rapprocher des gens ordinaires, laborieux et fatigués. La tête d’affiche c’est Peter Graves dans le rôle de Tom Kaylor, le flic infiltré. Il n’est pas très connu à cette époque, il le deviendra sur le tard avec la série au succès mondial Mission impossible. Il n’est pas mal, il a l’air suffisamment réveillé pour incarner un flic qui enquête. Ensuite il ya Chuck Connors, encore plus grand que lui ! Il est  Mink le routier surexcité. On ne l’a jamais vu aussi nerveux, mais ici c’est sans doute le rôle qui le veut. Certains ont critiqué sa prestation, y voyant une sorte de pantin désarticulé. C’est un peu injuste car s’il est toujours vibrionnant, c’est parce qu’il est sous amphétamines. Il faut le voir sauté dans sa voiture décapotable ! Son physique particulier fait qu’on s’attend toujours à ce qu’il soit impliqué dans le trafic. Mais en vérité ce sont des gens ordinaires, presque transparents qui sont la clé de voute du réseau. A commencer par Mala Powers qui incarne Val Owens. Cette actrice assez terne n’est pas mauvaise, mais elle n’est remarquable en rien, sauf dans la scène finale quand on menace de l’envoyer en prison et qu’elle tente d’échapper à son châtiment. Merry Anders qui incarne Amy a un rôle plus court, mais elle est très bien dans le rôle de la serveuse rongée par le doute et la culpabilité. J’aime bien aussi Roy Engel dans le rôle de Wally Morse, le partenaire bougon de Tom. Le reste de la distribution est plutôt insignifiant.    

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957 

    Tom interroge Dunc

    Ce film n’a jamais été distribué en salle en France. On le trouve sur le marché américain en version DVD avec une image rognée façon wide screen. Certes ce n’est pas un chef d’œuvre, mais c’est un très bon film noir qu’on peut conserver sans honte dans sa dvdthèque !  Le cycle classique du film noir avait encore de beaux restes en 1957. 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957

    La fin est proche pour Tom 

    Death in smal doses, Joseph M. Newman, 1957

    Val est arrêtée

    « Jean Meckert, La tragédie de Lurs, Gallimard, 1954La cible vivante, The great Flamarion, Anthony Mann, 1945 »
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