• Midi Gare centrale, Union station, Rudolph Maté, 1950

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    Si l’histoire proprement dite est assez faible, le traitement formel en est par contre très intéressant. Une jeune fille, Joyce, qui voyage en train trouve suspect le comportement de deux voyageurs. Elle déclenche une enquête auprès de la police de la Gare centrale de Chicago. C’est Calhoun, interprété par William Holden, qui va s’en charger. Rapidement on comprend qu’une jeune aveugle qui n’est autre que la fille d’un milliardaire dont Joyce est par ailleurs la secrétaire, a été enlevée et que les kidnappeurs demandent une rançon. Dès lors la police met en place un vaste dispositif pour faire échouer la demande de rançon et faire en sorte que Lorna soit retrouvée saine et sauve.

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    Joyce est témoin malgré elle d'un étrange trafic

     Le scénario ne porte guère d’attention aux gangsters dont on ne sait rien à part qu’ils sont mauvais et habitués des mauvais coups. Il n’en porte du reste guère plus aux policiers dont les caractères se diluent dans leur grand nombre. Le personnage central du film est finalement la Gare, avec sa foule anonyme, ses recoins, ses sous-sols. C’est là que toute la technique de Maté donne le meilleur d’elle-même. Il multiplie les panoramiques, modifie les profondeurs de champ et les angles des prises de vue pour donner un sentiment de  bouillonnement continue. L’architecture est utilisée pour faire ressortir des contrastes de noir et blanc de grande beauté. C’est là qu’on comprend l’importance d’utiliser un grand photographe dans ce genre le film. Daniel Fapp possède toute la grammaire esthétique du film noir, les grandes diagonales, les contre-plongées, les mises en abîme des tunnels.

    Le rythme est très bon, et ne mollit jamais. Le film dure à peine quatre-vingts minutes – avec un tel sujet, le laborieux Tarantino en aurait fait une saga en trois épisodes de deux heures chacun. 

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    Calhoun va prendre au sérieux les allégations de Joyce

    Certains reprocheront, à juste titre, le moralisme de l’histoire, les méchants sont très punis et les bons retrouvent leur équilibre antérieur. C’est vrai que cette morale est désuète, mais elle vaut bien celle qu’on nous sert platement tous les jours à base d’antiracisme ou de féminisme. Dans les deux cas, c’est toujours le manque de nuance qui gêne et les mêmes formes de politiquement correct. On retrouve le même manichéisme aujourd’hui dans le fillm de Tarantino par exemple, Django unchained, sauf que les codes se sont déplacés.

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    Lorsque Calhoun est maltraité, Joyce vient à son secours

    Il y a des scènes tout à fait excellentes. La filature dans le train qui a été une inspiration pour la poursuite dans le métro du Samouraï, avec les changements de policiers assurant les relais. D’ailleurs il n’y a pas que cette scène qui ait inspiré Melville pour Le samouraï. On retrouve la même organisation policière de la surveillance à partir d’un plan, ou encore le duel au pistolet au-dessus d’une voie de chemin de fer. Comme on sait aussi que ce film a été très inspiré par Tueur à gages de Franck Tuttle, on en déduira que Melville était un grand détourneur d’images.

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    Calhoun poursuit le criminel jusqu'au bout

    D’autres scènes sont remarquables avec la poursuite d’un gangster au milieu d’un troupeau de vaches qui va aller vers l’abattoir. Ou la poursuite finale dans les sous-sols de la Gare, sous-sols parcourus de lignes électriques haute tension, tout ça au milieu des couinements de la jeune aveugle qui crève de peur. C’est un film de train et le train sert à tout. C’est ainsi que les policiers pour faire parler un membre de la bande des kidnappeurs vont le menacer de le jeter sous un train qui entre en gare dans un bruit de fer.

    L’interprétation est bonne, mais sans relief car le ton général du film ne prête guère à des numéros de bravoure. William Holden est très bien dans le rôle du jeune policier consciencieux et un brin taciturne. Nancy Olson est comme à son ordinaire insignifiante. Barry Fitzgerald  cabotine juste ce qu’il faut. On est tout de même ravi de retrouver Jan Sterling dans le rôle de la garce abandonné par son truand de fiancé. Elle n’a qu’un petit rôle, mais elle sort le film de son côté un peu trop bien léché. Elle aura sa revanche avec le film de Billy Wilder l’année suivante, Ace in the hole

    Une des curiosités de ce film est qu’en France il a été distribué sous le titre de Midi gare centrale, et en Belgique où les montres ne sont pas les mêmes, Minuit gare centrale. C’est un film à voir pour les amoureux de l’esthétique du film noir. 

    « Le temps du châtiment, The young savages, John Frankenheimer, 1961Xavier Canonne, Requiem pour un homme seul, Les marées de la nuit, 2011 »
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