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    C’est un excellent film noir, malgré la leçon de morale du début qui explique que le crime ne paie pas. Les séquences introductives sont en effet ridicules. Le film démarre sans générique et fait intervenir trois politiciens véreux qui nous explique qu’en durcissant la loi, on éradiquera bien le crime, et que surtout, les jeunes ne doivent pas se laisser aller à cette facilité. Mais en réalité le film n’a pratiquement rien à voir avec ce catéchisme.  

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    Legenza est le chef du gang des trois Etats 

    C’est l’histoire d’un gang emmené par Legenza, qui pille les banques dans trois Etats différents, sans se soucier de laisser derrière eux des témoins. Ils sont froids et méthodiques, récidivistes aussi, ils ont tous fait de la prison et ne comptent pas y retourner. Ils vivent un peu d’une manière clanique, tous ensembles, avec leur conquête du moment. Legenza mène son équipe d’une main de fer et n’hésite pas à tuer sa propre compagne qui menace de le dénoncer. Bien entendu la police essaie de trouver qui compose ce gang, mais  c’est difficile car ils sont très prudents, se déplaçant rapidement à travers plusieurs Etats. Néanmoins, ils vont finir par avoir une piste, l’immatriculation d’une voiture dont ils ont usé pour commettre l’attaque d’une banque. La traque va commencer, et tandis que l’étau se resserre, les tensions augmentent à l’intérieur de la bande de criminels. Legenza se montre impitoyable, commençant par assassiner la régulière qui a menacé de la quitter, puis le garde d’un camion blindé qui transporte des fonds. Il tuera également l’indicateur qui les a mis sur un coup un peu foireux. Bref il ne fait pas de détail. Les choses empirent lorsque l’un des gangsters, Bill Phillips est tué dans une fusillade et que sa compagne Lee va vouloir s’extraire de la bande. En même temps que la police se rapproche, Legenza est obligée de pister Lee pour éviter qu’elle aille témoigner. Mais il n’y arrivera pas et son destin s’achèvera sur une voie de chemin de fer, écrasé par un train.

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    L’attaque de la banque est menée de main de maître

     Bien que le film se passe dans les années cinquante, il s’inspire en fait de faits similaires, le gang des trois Etats, qui se sont passés au début des années trente, à une époque où l’Amérique sombrait dans le crime et la dépression. Cette décontextualisation est sensée donner un caractère universel à la nécessité de lutter contre des criminels endurcis qui finalement possèdent cette mauvaise manière dans le sang. Ils n’ont pas d’excuse. Mais en réalité, c’est un petit film fauché qui ne pouvait pas se permettre des frais de reconstitution. Mais comme de toute façon Legenza (qui dans la réalité s’appelait Walter et non pas George) est mort et oublié de tous depuis longtemps ce n’est pas là le problème. 

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    Tout le gang se retrouve dans une boîte

     Andrew Stone est un réalisateur assez peu connu, qui a débuté sa carrière dans l’époque du muet et dont la plupart des films n’ont pas traversé l’Atlantique. Si en Amérique il s’est d’abord fait connaître par des comédies musicales, en France on connait surtout Cri de terreur et Nuit de terreur qui reprenait le sujet de La maison des otages, le film de William Wyler avec Humphrey Bogart qui sortira en même temps. Stone est un auteur complet qui écrit ses scénarios, les met en scène, et qui parfois en écrit aussi la musique. 

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    Legenza n’hésite pas à abattre sa régulière 

    Ce qui est frappant dans ce film, c’est d’abord la maîtrise de la mise en scène. En effet, Highway 301 est un de ces films noirs et froids qui ne s’embarrassent pas de psychologie et visent d’abord à une analyse clinique d’une réalité. A part les scènes du début et la scène de la fin où le policier vient faire sa petite leçon de morale, Stone reste très distancié dans son approche du sujet. On pourrait dire que dès lors qu’il filme les gangsters, il met en contradiction le message apparent du film. Certes ce sont des criminels qui usent d’une violence féroce, mais cela fait partie en quelque sorte de leur métier. D’ailleurs ils ne sont pas décrits comme des psychopathes, et leurs motivations ne sont jamais discutées ni même montrées. Si Legenza est un peu plus cruel que les autres membres du gang, c’est aussi parce qu’il est le plus prudent. Mais il ne semble jamais prendre de plaisir à tuer.  

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    L’attaque du fourgon blindé est minutieusement calculée 

    Au-delà de ce parti pris behavioriste comme on dit, Stone réussit des scènes d’une grande beauté, surtout dans la maîtrise de l’attaques de la banque ou de celle du fourgon blindé. Par exemple, dans la première attaque de banque il y a un mouvement de grue qui saisit l’ensemble en enfilade. De même les scènes de poursuite dans la nuit entre Legenza et Lee utilisent d’une manière très esthétique les ombres des personnages qui se déplacent dans la nuit. Il y a un vrai langage cinématographique personnel dans ce film. Je pense d’ailleurs que l’attaque de la banque au début du film a inspiré Jean-Pierre Melville qui n’en était pas à un emprunt près, pour la séquence d’ouverture d’Un flic.  

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    C’est en se cachant dans un camion qui transporte des œufs que les gangsters passent à travers le barrage 

    Bien entendu l’excellence de ce film repose également sur un montage très serré qui donne un rythme rapide et violent à l’ensemble. C’est très visible dans les scènes de hold-up, mais également dans la course poursuite la nuit, ou encore la visite à l’hôpital de Richmond.  

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    Bientôt la police va remonter la piste de Legenza

     Le film doit beaucoup à son acteur principal, Steve Cochran, mort trop tôt, il avait le physique voulu pour les rôles de bandits, de voyous sans états d’âme, grand brun, enjôleur, il savait mettre en avant une violence rentrée très crédible, mais aussi une mélancolie un peu inhabituelle pour ce genre de personnages. A l’époque où il fut engagé sur Highway 301, il venait tout juste de tourner L’esclave du gang avec Joan Crawford, et l’année suivante il allait tourner Les amants du crime, sous la direction de Felix Feist, sans doute son meilleur film. Mais il s’était fait connaître aussi en 1949 dans le film de Raoul Walsh, L’enfer est à lui, film dans lequel il trahissait James Cagney. C’est donc un acteur incontournable dans l’univers du film noir américain dont le talent n’a pas été suffisamment utilisé à mon sens.

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    Lee essaie d’échapper à Legenza 

    Le reste de la distribution est sans surprise, mais très solide, que ce soit Virginia Grey dans le rôle de Mary la fidèle du gang, ou les membres de la bande, Richard Egan, Robert Webber. On reconnaîtra aussi l’actrice française Gaby André qui se fit connaître dans l’adaptation à l’écran de l’ouvrage de Léo Malet 120 rue de la gare. Mais c’est en quelque sorte la moins intéressante du film, sauf pour son accent français bien évidemment.  

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    Lee fuit dans la nuit 

    Le film a fait finalement son chemin, et les amateurs de films noirs le célèbrent à juste titre comme une grande réussite du genre. Bien sûr c’est un avantage pour ceux qui ne le connaissent pas que de pouvoir le découvrir : il n’a pas pris une ride et nous donne en même temps une leçon de mise en scène.  

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    Legenza va la retrouver  

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    A l’hôpital ils essaient d’assassiner Lee  

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    Legenza n’échappera pas au châtiment   

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    Andrew Stone et sa femme Virginia

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  •       Marilyn 1

    D’Anthony Summers, j’ai parlé il y a quelques semaines de l’excellent ouvrage qu’il a écrit sur J. Edgar Hoover pour en dire tout le bien que j’en pensais. Son ouvrage sur Marilyn Monroe est tout autant intéressant, sauf que le personnage de Marilyn est bien sympathique que celui d’Hoover, ce qui n’est pas difficile. Sauf aussi qu’il est un peu plus connu. De sa vie tumultueuse à sa mort mystérieuse, le grand public connait beaucoup de choses. Les scandales sexuels, ses mariages, ses tentatives de suicide sont autant d’aspects de sa personnalité qu’Hollywood vendait comme une manière de promotion de ses films.

    La question qui pose à la lecture de cet ouvrage est la suivant : Marilyn a-t-elle existé, autrement que comme un fantasme sexuel ? Volontiers exhibitionniste, elle représentait la femme fatale et innocente à la fois, s’étalant dans les journaux sur son enfance malheureuse, sur ses difficultés d’aimer.

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    Un physique quelconque 

    Jeune elle avait pourtant un physique des plus quelconques. Mais elle sut le transformer sciemment en une bombe sexuelle admirée par les Américains, et aussi un peu partout dans le monde. Cependant, il serait assez limité de ne regarder que du côté du travail de Marilyn en ce sens. Si elle est capable de prendre de l’importance, tout en tournant avec des réalisateurs de première qualité, c’est aussi parce que ce qu’elle exprime correspond à l’évolution radicale de la société américaine. Elle sera de celles qui vont affirmer une sexualité libre et spontanée dans une Amérique guindée en proie aux démons de la lutte anti-communiste.

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    Avec Groucho dans Love happy, 1949

          Avec Marilyn Monroe, il n’y a pas de coupure entre le personnage public et les rôles qu’elle incarne. En dehors des studios, elle met en scène le personnage de Marilyn Monroe, comme s’il ne lui appartenait pas, comme si elle ne l’habitait pas. Beaucoup dénonceront cette attitude un peu schizophrène. Quoiqu’il en soit, elle se montre à la fois très pugnace pour obtenir de l’avancement, mais aussi très fine pour gérer les moyens de se faire de la publicité. Evidemment elle n’hésite pas à payer de sa personne, et ses amants sont aussi bien le résultat d’un désir, que la nécessité d’obtenir ce qu’elle veut dans le système.

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    Asphalt jungle, John Huston,  1950

     Sa vie était marquée d’un déséquilibre conséquent, elle venait d’un milieu très pauvre, sans père reconnu, et sa mère avait été internée à plusieurs reprises. Mais malgré cela elle n’avait rien d’une imbécile. Bien au contraire, non seulement elle se cultivait beaucoup, s’intéressant à la littérature, aux arts en général, mais elle affichait aussi des idées politiques de gauche, à une époque où cela aurait pu être dangereux. Le FBI possédait déjà sur elle des dossiers, bien avant qu’elle ne fréquente les frères Kennedy. Certainement que son positionnement progressiste explique aussi son attraction pour Arthur Miller désigné comme membre du parti communiste américain et qui sera convoqué par l’HUAC, il ne donnera d’ailleurs aucun nom.

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    Clash by night, Fritz Lang, 1952 

    Tous ceux qui l’ont connue lui accordent de l’intelligence et de l’instinct, une volonté de se cultiver. Il est d’ailleurs remarquable que dès qu’elle fut devenue une tête d’affiche, elle ne tourna qu’avec de grands réalisateurs, leur donnant aussi l’occasion de renouveler leur thématique, voire leur façon de filmer.

    Tous les témoignages avancent qu’elle était une actrice très difficile pour les metteurs en scène, toujours en retard, ayant un trac terrible avant de tourner, elle était pourtant aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie. C’est d’ailleurs son rôle de psychopathe dans Troublez moi ce soir qui la fit remarquer comme une actrice de talent. Comme dans Niagara où elle interprète une femme adultère compliquée et qui court à sa propre perte.

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    Troublez-moi ce soir, Roy Ward baker, 1952 

    Elle ne développa pas seulement des personnages égocentriques et pervers, elle incarna aussi une forme de naïveté attachée à ce qu’on pense être l’innocence des Américaines de basse extraction qui vivent entre les difficultés d’une vie quotidienne un peu misérable et les rêves d’une vie meilleure et confortable. C’est cette image qu’elle présentera dans Bus stop, dans La rivière sans retour, ou encore dans Les misfists.

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          Niagara, Henry Hathaway , 1953

    Il semble pourtant que ce soient ses rôles dans des comédies qui lui aient donné son statut de très grande star. Il y a les comédies légères comme Comment épouser un millionnaire, ou Les hommes préfèrent les blondes, mais aussi les comédies plus grinçantes notamment celles de Billy Wilder, Sept ans de réflexion, et ensuite le triomphe de Certains l’aiment chaud. C’est d’ailleurs ce dernier registre qui est le mieux connu aujourd’hui.

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    La rivière sans retour, Otto Preminger, 1954

          A partir de 1955, elle va diminuer ses apparitions à l’écran. Elle ne se produira plus que dans un film par an, sans qu’on sache très bien s’il s’agit d’une volonté de se faire rare et désirée auprès de son public, ou au contraire si cela vient du fait qu’elle avait de plus en plus de mal à gérer sa carrière et sa vie privée en même temps. Au fur et à mesure que le temps passera, elle aura de plus en plus de difficultés à tenir son rôle d’actrice, et son dernier film sous la direction de George Cukor devra être abandonné, inachevé. Entre temps elle avait multiplié les scandales, comme par exemple sa liaison avec Yves Montand qui défraya la chronique, aussi bien en France qu’aux Etats-Unis.

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    Sept ans de réflexion, Billy Wilder, 1955 

    C’est qu’en même temps qu’elle devient un symbole sexuel dans le monde entier, symbole dont elle a renouvelé presque toute seule les canons, sa vie privée devient de plus en plus dissolue. Et c’est là que la vie de Marilyn Monroe va prendre les aspects d’un roman noir. Passons sur les frasques de Marilyn avec Joe DiMaggio ou durant son mariage avec Arthur Miller. Après tout, c’est un peu extravagant, mais c’est toujours dans la logique d’Hollywood, mise en scène comprise. Mais elle va commencer à fréquenter à la fois la mafia, Frank Sinatra et surtout les frères Kennedy. Cela devient de plus en plus dangereux et la mènera à sa perte.

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    Bus stop, Joshua Logan, 1956 

    Elle a eu une liaison plutôt torride avec John Kennedy, avant et après qu’il ne soit président. Et elle eut même la prétention semble-t-il d’exercer un chantage sur lui, chantage visant à le faire divorcer d’avec Jacqueline et à l’épouser par la suite. On peut mettre cette extravagance sur le compte d’un caractère de plus en plus déséquilibré. Elle avait à cette époque fait plusieurs tentatives de suicides aux médicaments, et puis elle buvait beaucoup. C’est dans ce contexte d’épuisement physique et moral que la mort de Marilyn intervient. Officiellement c’est une overdose de médicaments qui serait à l’origine de son décès. Mais les détails regroupés et analysés par Andrew Summers, laissent entendre qu’elle a été assassinée. Le dossier judiciaire fut rouvert plusieurs fois, mais de nombreuses pièces à conviction ayant disparu, cela n’aboutit pas.

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    Certains l’aiment chaud, Billy Wilder, 1959 

    Quelles pourraient bien être les raisons d’un tel assassinat ? La première idée est justement qu’elle exerçait une pression très forte sur les frères Kennedy. Et s’il semble bien qu’elle ait été amoureuse de John Kennedy, ce n’était sans doute pas réciproque. Rejetée par John, elle jeta son dévolu sur Robert, alors ministre de la justice. On prêtait à celui-ci un avenir tout aussi glorieux que celui de son frère. Quoiqu’il en soit de nombreux éléments viennent pour épaissir le mystère : quel a été le rôle du FBI et de Hoover pour détourner l’enquête vers un simple suicide ? Jusqu’à quel niveau la mafia était impliquée dans son assassinat ? Cela reste encore à démontrer. Il est vrai qu’en tant que femme et actrice, elle semblait au bout du rouleau, elle perdait la tête, ne semblait plus motivée par sa carrière cinématographique. Ce qui allait finalement assez bien avec l’idée d’un suicide. Mais si le suicide était tout à fait plausible, le problème est qu’il y a trop d’éléments louches dans le déroulement de l’enquête et un simple recoupement des faits permet de contester cette idée.

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    Le milliardaire, Georges Cukor, 1960 

    Ce n’est pas tant la preuve qu’elle aurait été assassinée qui importe, mais le fait qu’elle était au centre d’une vaste conspiration contre les frères Kennedy qui étaient ses amants. Non seulement elle était sur écoute en permanence de la part du FBI, de Jimmy Hoffa et de la Mafia, toutes personnes qui voulaient la peau des Kennedy, mais en outre elle faisait l’objet d’un suivi de la part du FBI pour ses convictions de gauche. C’est le passage le plus hallucinant du livre qui montre combien la politique pouvait rendre fou à peu près n’importe qui. Elle fut donc utilisée, aussi bien par la Mafia, par l’intermédiaire de Frank Sinatra, que par les frères Kennedy qui se la repassaient, comme « un morceau de viande » selon la propre formule de Marilyn. La fin de sa vie est un calvaire, perdant la tête, complètement sous l’emprise des médicaments, elle vivait une solitude extrême. A noter aussi le portrait très émouvant de Joe DiMaggio qui lui sera assez fidèle et qui n’hésitera jamais à lui porter secours dans les moments les plus difficiles. En tous les cas il est clair que si elle conquit Hollywood puis le monde, le prix à payer fut élevé, Hollywood la détruisit complètement, tant sur le plan physique que sur le plan moral. Et si elle n’est pas la seule enfant perdue dévorée par le cinéma, c’est probablement celle qui a le plus souffert.

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    The misfists, John Huston, 1961 

    La mort de Marilyn Monroe plongea le monde entier dans la stupéfaction, alimentant les rumeurs les plus diverses quant à un possible assassinat. Mais curieusement, un demi-siècle plus tard elle reste terriblement présente dans notre paysage culturel. Et si on l’apprécie toujours autant pour son sex appeal, ses films sont maintenant considérés comme des classiques du cinéma hollywoodien et on redécouvre aussi la profondeur de son jeu, bien au-delà de l’image d’écervelée qu’elle aimait à donner aux journalistes. 

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    Something's Got to Give, George Cukor, 1962 

    Marylin Monroe est un personnage de roman noir, à la fois touchant et horripilant. C’était plutôt une actrice de comédies, mais elle a aussi joué dans des films noirs de première qualité. Quand la ville dort de John Huston, et Clash by night de Fritz Lang. Mais dans ces deux films elle n’avait que des petits rôles. Puis ensuite elle se révéla enfin une grande actrice dans Troublez-moi ce soir de Roy Ward Baker, film un peu méconnu dans lequel elle joue le rôle d’une femme déséquilibrée, envahie de pulsions meurtrières. Elle y est à ses débuts et pourtant étonnante. Ensuite il y aura l’excellent Niagara d’Henry Hathaway.

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    Marilyn ici avec Robert et John Kennedy 

    Sa vie fut brève, elle passa comme une étoile filante dans le cœur des hommes. Mais on se souvient d’elle.

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    John Cassavetes est un metteur en scène qui a acquis avec le temps une réputation d’auteur. Quand The killing of chinese bookie sort en 1976, il est salué comme un événement. Si je trouve certains Cassavetes très intéressants, comme Shadows, ou Une femme sous influence, je trouve au contraire The killing of chinese bookie plutôt morne et décevant.

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    Cosmo, mélancolique patron de boîte de nuit est un flambeur 

    L’histoire est relativement banale. Un patron de boîte de nuit, Cosmo Vitelli, perd beaucoup d’argent au poker, et il va devoir une forte somme à un gang de Los Angeles. On va lui demander d’assassiner un bookmaker chinois et en échange on se propose d’effacer sa dette. Après avoir refusé, Cosmo va finir par accepter cette mission. Il réussit à tuer le vieux chinois, mais il est blessé et le gang veut aussi le tuer pour ne pas laisser de traces de son forfait. Il n’échappera pas à son destin, et on suppose qu’il s’en ira mourir dans un coin après avoir perdu tout ce qui faisait la fierté de son existence : sa boîte, ses femmes et son argent.

    Tout est donc dans le traitement de ce sujet particulièrement noir. C’est plus un portrait d’un homme à la dérive qu’une histoire à proprement parler. Cosmo n’est pas un gars mauvais, bien au contraire, il sait s’occuper de ses filles qui animent aussi les soirées dans des numéros un peu crasseux, un peu vulgaires. Il traite son personnel plutôt bien. Mais la façon qu’il a de flamber apparaît tout de suite suicidaire. Il sourit, bien sûr, mais il n’a pas l’air de croire en son avenir, ni même que tout cela est très sérieux. Il porte du reste un regard un peu ironique sur les gangsters qui eux au contraire ne prenne pas grand-chose à la légère.

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    Les gangsters à qui il doit de l’argent viennent lui demander un service 

    C’est filmé à la manière de John Cassavetes, c’est-à-dire, avec une image assez troublée, des couleurs un rien baveuses et une caméra qui volette autour des acteurs. Cette façon désinvolte de filmer donne le meilleur comme le pire. La nuit en devient réaliste, mais la multiplication des gros plans trop resserrés, l’absence de profondeur de champ, finit par lasser. Il y a un parti pris douteux, celui de montrer ce monde de la nuit uniquement dans sa dimension glauque qui certes existe certainement, mais qui n’apporte rien de plus à l’histoire. Bien que le film ne soit pas très long, les scènes de cabaret durent un peu trop longtemps et lassent par leur misérabilisme appuyé.

    Reste le jeu des acteurs, ou plutôt le jeu de Ben Gazzara, un habitué du cinéma de Cassavetes, puisque c’est lui qui porte le film entièrement sur ses épaules. La caméra le suit partout, ne le lâche pas : elle est son point de vue. Il est très bon évidemment et c’est ce qui rend le film malgré tout supportable. On retrouve Seymour Cassel, un autre membre de la troupe de Cassavetes et l’étrange Timothy Carey, un second rôle spécialisé dans les affreux.

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    La fin est incertaine, mais il semble bien que Cosmo mourra

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    Depuis quelques années on assiste à un renouveau du film noir à caractère social aux Etats-Unis. Ça n’est pas seulement un effet de mode, mais c’est le reflet d’une société à la dérive qui ne sait plus que faire de ses déshérités. Formellement ces films atteignent un niveau élevé de naturalisme qui peut les faire désigner comme « hyperréalistes ». C’est bel et bien une esthétique nouvelle qui met en évidence le cadre matériel dans lequel le drame se noue et la violence explose. Pour mémoire il y a eu en 2010 l’excellent Winter’s bones de Debra Granik, en 2012, le moins bon Cogan d’Andrew Dominik, et aujourd’hui Out of the furnace.

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    Russell est heureux avec Lena

    Russell est un prolo de l’ancienne manière, travaillant dans une usine sidérurgique qui va fermer bientôt pour cause de concurrence avec la Chine. Mais il se contente de sa petite vie, il a Lena, une jeune institutrice, avec qui il vit. Les catastrophes ne vont pas tarder à s’abattre sur lui. Alors que son père est mourant, il doit s’occuper des affaires de son frère Rodney qui accumule les dettes et qui ne se décide pas à travailler. Un soir, un peu ivre, il a un accident de voiture, la mort d’un des passagers du véhicule qu’il a heurté, va l’amener pour un temps en prison. Durant sa peine, Lena le quitte et se met en ménage avec Wesley, le chef de la police du patelin, et son frère s’engage en Irak, plusieurs fois. Son père finit par décéder. Son retour à la vie civile ne se passe pas très bien. Il a du mal à se passer de Lena qu’il rencontre et qui lui annonce qu’elle est enceinte. Rodney déconne dans les combats truqués, ne respectant pas les règles des gangs locaux. Cela le conduira à se faire assassiner en compagnie de son mentor John Petty, par une brute épaisse qui règne sur les collines abandonnées, Curtis de Groat. Dès lors n’ayant plus rien à perdre, Russell va chercher à se venger de de Groat.

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    C’est le décor d’une Amérique qui n’a plus de considération pour son industrie et ses travailleurs 

    Qu’importe l’histoire et ses ressorts, il n’y a pas de suspense, le principal réside dans le comportement des personnages qui sombrent en même temps que l’Amérique. Tout est vieux et décrépit dans cette région industrielle abandonnée, et c’est cela qui mène les hommes à leur perte fatale. C’est un film sur l’envers de l’Amérique qui gagne, l’Amérique dont les valeurs du travail, de la famille et de la loyauté sont décalées et ne veulent plus rien dire dans le monde moderne. Qu’ils soient ouvriers, ou bien trafiquants de drogue, ils existent seulement derrière la façade du rêve américain, dans l’entre-deux de ces petites villes de province où même la peinture des panneaux de circulation s’écaille et disparaît. C’est un monde crépusculaire et sans avenir, où le drame intervient d’une manière naturelle, comme quelque chose d’attendu. On sent bien que cette Amérique arrogante et dominatrice a vécu et qu’elle ne reviendra jamais, du moins sous cette forme qu’elle a tant véhiculée dans ses films, ses livres ou ses chansons. Et cette amertume n’ouvre jamais la porte vers une transformation positive des individus ou de la société. Ici règne la mort comme métaphore de l’agonie du capitalisme.

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    Rodney se lance d’une manière suicidaire dans les combats 

    Les sources cinématographiques de ce film sont à rechercher d’abord du côté du film de Michael Cimino, Deer hunter. On y retrouve les mêmes hommes, la même passion virile pour la chasse, et jusqu’à ce geste où le héros évite de foudroyer le cerf qu’il tient dans sa ligne de mire, sauf que le temps a passé, et qu’il ne peut y avoir d’espoir de renouveau la guerre finie. Au-delà d’une conscience sociale qui pourrait se transformer en force de renouveau, ces individus à la dérive s’abandonnent à leurs tendances suicidaires : que ce soit Rodney qui brave les dangers des combats de boxe, que ce soit Russell qui ne veut pas s’empêcher de tuer l’ignoble de Groat. Lena tente bien un échappatoire en fondant une famille avec Wesley, mais c’est encore une autre forme de suicide.

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    La chasse est un loisir viril et ancien pour cette classe ouvrière entre deux mondes 

    Ce film est fortement inspiré par la crise et ses séquelles, bien plus que sur une crise économique, elle est une crise de civilisation : c’est l’impossibilité de marcher vers une société civilisée et fraternelle. Cette désespérance rappelle un autre film, Winter’s bones que j’ai cité ci-dessus. Ce sont les mêmes lieux, ces régions industrielles du Nord Est des Etats-Unis, qui s’en vont à l’abandon et qui n’intéressent plus personne, surtout pas les politiques – voir le discours décalé entre le politicien qui fait la réclame pour Obama et Russell seul accoudé au bar. Il s’ensuit qu’ici l’Etat de droit comme on dit n’a plus son mot à dire, il a tout simplement disparu. C’est le règne d’une violence primaire et désordonnée, tout autant désespérée que les habitants du coin : en effet, de Groat a une conduite ignoble tout autant que suicidaire.

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     Le chef de la police Wesley apprend la disparition de Rodney 

    L’histoire se tient bien, même si le rythme n’est pas tout à fait égal, même si parfois elle se perd dans des détails. La réussite du film c’est d’abord d’avoir choisi un sujet social comme moteur d’un film noir. Mais cela repose sur une distribution impeccable. Christian Bale sur qui est construit le film n’est pas mal dans le rôle de Russell, cependant, c’est Ben Affleck qui lui vole en quelque sorte la vedette dans celui de son frère Rodney. Il a un véhicule parfait ici pour montrer toute d’étendue de son talent, à la fois faible et hargneux, bagarreur et passif face aux choses de la vie. Il a des emportements terrifiants. Woody Harrelson est l’infâme de Groat, drogué, bête et méchant, il est extraordinaire. Forrest Whitaker a un petit rôle, Wesley, celui qui pique Lena à Russell, mais il est toujours très bien.

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    La police arrive trop tard pour coincer de Groat 

    Les décors évidemment jouent un rôle tout aussi important, avec une opposition saisissante entre une nature qui paraît encore presqu’intacte – la forêt, les animaux, les collines, tout ce vert qui apporte la paix – et une industrie en perdition qui dégrade le paysage et annonce la mort. On sera aussi gré au réalisateur de ne pas s’attarder sur les combats de boxe clandestins, de ne pas faire étalage d’une complaisance dans la violence. Celle-ci est plutôt intérieure que visuelle, même s’il y a bien sûr quelques scènes sanguinolentes. Si c’est correctement filmé, il manque peut-être un grain de folie pour que cela devienne un grand film.

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    De Groat essaie de mettre la main sur l’argent de Petty 

    En tous les cas cette Amérique qu’on commence à mieux percevoir dans son iniquité et ses misères est représentée avec colère, mettant l’accent sur la résignation de Russell. On a droit ainsi à un affrontement verbal entre les deux frères, celui qui courbe la tête et accepte de travailler dans une usine qui fermera à très court terme, et celui qui ne veut pas travailler, ni comme son père, ni comme son frère, mais qui ne se sait pas canaliser sa révolte.

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    Qu’importe ce qu’il adviendra, Russell réglera ses comptes avec l’ignoble de Groat

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