• Crime société anonyme, Murder inc., Stuart Rosenberg, 1960

     murder-inc-1.png

    C’est le premier film de Stuart Rosenberg qui fera par la suite quelques  films intéressants avec Paul Newman, dont le très fameux Luke la main froide. Le scénario est basé sur un ouvrage de Burton Turkus, le procureur qui se rendit célèbre en mettant un terme aux activités mafieuses de Lepke, un truand de haut vol qui travailla la main dans la main avec la mafia sicilienne. Lepke était un truand multicartes comme on dit aujourd’hui, il donnait aussi bien dans l’extorsion de fonds, que la manipulation des syndicats de travailleurs, et il passe pour avoir mis en place un « syndicat du meurtre » qui envoyait des tueurs à la demande, ceux-ci pouvant ensuite échapper rapidement à la police car ils n’avaient pas de lien avec la victime, ni même quelques habitudes dans la région qu’ils visitaient.

     murder-inc-2.png

    Reles et son complice commettent un meurtre qui va les conduire à Lepke 

    Nous sommes dans la fiction semi-documentaire. Pour cela il n’y aura pas de personnages héroïques. C’est donc un film à la fois pluriel, et en même temps curieusement centré sur le personnage de Reles, petit tueur caractériel, rusé et sournois. C’est ce qui fait d’abord l’intérêt de ce film. On aura droit ainsi à une série de portraits, les flics étant finalement les moins bien développés. Les tueurs, grand sou petits, sont le plus souvent des expressions de la rue, issus du petit peuple. Typiquement américain cependant, il montre que des individus courageux, comme Dewey, ou comme Turkus d’ailleurs, peuvent enfin passer au-dessus d’un système judiciaire et policier qui est très corrompu. Il est d’ailleurs assez plaisant de voir que ce film critique implicitement le FBI. En effet, le film est censé se passer dans les années trente. Or le FBI, et particulièrement Hoover, niera jusque dans les années soixante-dix l’existence d’un crime organisé. Le film est tourné en 1960, l’année où Kennedy accède au pouvoir et ou justement le FBI est de plus en plus critiqué pour sa passivité dans la lutte contre la mafia.

     murder-inc-3.png

    Lepke et Mendy Weiss embauchent Reles pour tuer Sage 

    C’est film sans effet, le montage et rapide et les scènes sont autant de coups de poing. Le meurtre de Reles, les manières de Lepke qui a un ulcère à l’estomac, sont des petites touches qui donnent de la crédibilité à l’ensemble. On pourra regretter que le scénario à partir de la moitié du film abandonne quelque peu Reles qui va revenir après. Cet abandon fait perdre un peu d’unité à l’ensemble, mais c’est une critique assez légère par rapport à la qualité générale.

     murder-inc-4-copie-1.png

    Reles va  utiliser Joey pour atteindre Sage 

    Film à petit budget, les acteurs ne sont pas très connus à cette époque. C’est le débutant Peter Falk qui va porter le film sur ses épaules. Il est tout simplement extraordinaire, aussi bien quand il joue les terreurs que quand il se transforme en balance, ou lorsqu’il viole la femme de Joey. Si les acteurs ne sont pas très connus, ils sont pourtant très bons, à commencer par David Stewart qui incarne un Lepke un rien neurasthénique. A côté de ces deux principaux acteurs, May Britt, qui fit une petite carrière et qui fut surtout connu comme la femme de Sammy Davis jr, incarne Eadie et joue avec un accent suédois à couper au couteau, mais cela se marie bien avec l’esprit du film. Stuart Whitman qui est en haut de l’affiche, non seulement est moins présent, mais il joue un peu à contre-emploi le rôle d’un homme un peu lâche qui se décidera à parler et envoyer Lepke sur la chaise électrique. Ce sera le premier grand gangster à être exécuté.

     murder-inc-5.png

    Lepke est sommé par le syndicat de se livrer à la police 

    La photographie est excellente surtout en ce qui concerne les scènes d’extérieur. Et l’écran large ajoute une touche de modernité à l’ensemble, modernité renforcée – pour l’époque – par la musique de jazz qu’on entend dans les cabarets et qui ressemble plus à un jazz des années soixante qu’à celui plus sautillant des années trente

     murder-inc-8.png

    Le détective Tobin essaie de faire parler Joe 

    Il y a pas mal d’inventivité, comme cette scène où Reles enferme une femme qui téléphone dans la cabine et l’empêche de sortir, ou alors la bataille en prison entre Joey, l’éternel soumis, et Reles qui commence à perdre de sa superbe. Le film ne fut pas un grand succès, probablement à cause de ce côté  un peu froid d’aborder la réalité du crime organisé, mais il eut de bonnes critiques, et au fil des années il trouva son public, il conserve une bonne appréciation auprès des cinéphiles. Ajoutons qu'à cette époque on a eu pas mal de portrait de tueurs à gages, comme dans The Lineup de Don Siegel, ou Blast of silence d'Allen Baron.

     murder-inc-6.png

    En échange d’une protection Reles accepte de balancer Lepke

     murder-inc-7.png

     

    Reles sera défénestré

    « Anthony Summers, Le plus grand salaud d’Amérique, The secret life of J. Edgar Hoover, Le seuil, 1995Nous avons les mains rouges, Jean Meckert, Gallimard, 1947 »
    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :