• Denitza Bantcheva, Alain Delon, amours et mémoires, Editions de La Martinière, 2023.

     Denitza Bantcheva, Alain Delon, amours et mémoires, Editions de La Martinière, 2023.

    Denitza Bantcheva a déjà consacré deux ouvrages aux réalisateurs fétiches d’Alain Delon. D’abord en 2007, elle publiait un très bon Jean-Pierre Melville, de l’œuvre à l’homme, aux Éditions du Revif[1]. Puis, en 2008, elle publiait un excellent René Clément toujours aux éditions du Revif. Forcément cela l’a emmené jusque vers Alain Delon qui a tourné quatre films avec le premier, dont Plein soleil qui lancera sa carrière, et trois films avec le second dont Le samouraï qui deviendra une référence mondiale dans le film noir. Pour son livre sur ce grand réalisateur encore trop sous-estimé aujourd’hui, elle avait interviewé Alain Delon lui-même, interview qui figure à la fin de son ouvrage et où on apprend que le film préféré de ce grand acteur est Quelle joie de vivre ! de René Clément. Ce film trop méconnu est une belle comédie – genre assez rare dans la filmographie de Delon – avec une tonalité anarchiste assumée ! Malheureusement il n’a pas eu le succès qu’il aurait mérité. Bien entendu, Delon c’est aussi une quantité impressionnante de chefs-d’œuvre, avec des incursions chez Visconti – Rocco e i suoi fratelli, puis Il gattopardo, film qui obtiendra la Palme d’or à Cannes en 1963. Un des meilleurs films de Michelangelo Antonioni, avec la superbe Monica Vitti, L’ecclise, montre que déjà en 1962 il avait un métier exceptionnel. Il fit aussi de très bons films chez Joseph Losey – L’assassinat de Trotski et Monsieur Klein, film qu’il produisit lui-même. D’ailleurs en tant que producteur, à côté de machines comme Borsalino, il prendra des risques financiers importants, par exemple en produisant l’excellent L’insoumis – selon moi un de ses plus beaux rôles – d’Alain Cavalier. 

    Denitza Bantcheva, Alain Delon, amours et mémoires, Editions de La Martinière, 2023. 

    Mais l’ouvrage de Bantcheva n’est pas une analyse de la carrière de Delon. C’est un hommage à un homme de cinéma qui, quel que soit son caractère et ses défauts (qui n’en a pas ?), était aussi un homme de fidélité. Cet ouvrage abondamment illustré est un album souvenir, qui permet sans doute de mieux apprécier l’importance de l’homme dans l’histoire du cinéma français. Après une jeunesse extrêmement tourmentée, sa vie s’est confondue avec le cinéma. On m’opposera qu’il n’a pas fait que des chefs-d’œuvre, mais tous les acteurs, même les plus grands, ont tourné dans un très grand nombre de navets. Cependant les choix de l’acteur ont été réfléchis et intelligents, alliant le cinéma populaire à la détermination artistique. Ses choix furent parfois très paradoxaux. Voilà un homme qui affiche des convictions politiques de droite, et qui pourtant tourne avec Visconti le communiste, ou encore avec un autre communiste, Joseph Losey, banni d’Hollywood pour ses opinions politiques. Très à gauche. De même, lorsqu’il présentait des films à la télévision, il avait présenté l’excellent Body and Soul de Robert Rossen, un autre banni d’Hollywood lors de la chasse aux sorcières de sinistre mémoire. Et à cette occasion, il présentait John Garfield comme son acteur préféré. Ce qui me fait un autre point commun avec lui ! 

    Denitza Bantcheva, Alain Delon, amours et mémoires, Editions de La Martinière, 2023. 

    Alain Delon avait un goût assez prononcé pour les truands et les pas-de-chance marqués par la fatalité. Il interprétera avec une grande conviction Gino Strabliggi dans Deux hommes dans la ville, plaidoyer de José Giovanni contre la peine de mort, réalisé en 1973. Il n’était pas pour rien l’acteur préféré des petits et des grands voyous ! Il est mort un nombre de fois au cinéma, le plus souvent pour avoir défié une société dont il se tenait à l’écart des règles usuelles. Bantcheva retrace en même temps la carrière cinématographique de Delon, avec ses rencontres, ses succès et ses échecs, et aussi sa vie privée, sans rentrer dans le détail scabreux et le jugement moral, elle s’appuie aussi sur un grand nombre de témoignages qui montrent que Delon est tout de même différent de l’image que certains se plaisent à projeter de lui. Le 8 novembre 2023 Alain Delon a quatre-vingt-huit ans. Il appartient à l’histoire d’un art auquel il aura beaucoup donné. J’aime beaucoup ce livre, avec de très belles photos, ouvrage grand-format, relié, il est idéal comme cadeau pour ceux qui aiment cet acteur, les autres sont en effet irrécupérables ! Les fêtes arrivant à grandes enjambées, c’est le moment de l’acheter ! 

    Denitza Bantcheva, Alain Delon, amours et mémoires, Editions de La Martinière, 2023. 

    PS J’apprends que va être publié en janvier 2024, un ouvrage de Gilles Antonowicz, José Giovanni, histoire d’une rédemption aux éditions Glyphe. José Giovanni a lié une grande partie de son œuvre cinématographique à Lino Ventura, mais aussi à Alain Delon, on en reparlera en temps voulu, d’autant que les raisons des condamnations de José Giovanni sont très lourdes, et le mèneront au pied de l’échafaud.

    [1] C’est selon moi le meilleur livre qui existe sur ce réalisateur, avec bien sûr l’indispensable ouvrage de Rui Nogueira, ; Le cinéma selon Melville, Seghers 1974, réédité chez Capricci en 2021.

    « Emil-Edwin Reinert, Quai de Grenelle, 1950Luigi Bazzoni & Franco Rossellini, La femme du lac, La donna del lago, 1965 »
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