• L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946

     L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946

    Roy William Neill est surtout connu pour avoir travaillé sur un scénario qui sera récupéra par Alfred Hitchcock et qui deviendra The lady vanishes. Pour les cinéphiles un peu plus pointus, il est le réalisateur de plusieurs aventures de Sherlock Holmes. Il n’a jamais laissé l’impression d’un réalisateur de première importance. Il avait commencé sa carrière par un film patriotique et muet intitulé Vive la France, en 1914. Black angel sera son dernier film. Mais Black angel présente pour les amateurs de noir bien d’autres intérêts. D’abord c’est un des innombrables romans de William Irish à avoir été portés à l’écran. Il s’insère dans la série des récits signés Cornell Wollrich et qui portent le mot « black » dans le titre, The black curtain, Black alibi, The bride wore black, j’en passe. Cette série est toujours marquée par des histoires scabreuses où la morale élémentaire n’est pas toujours respectée. Il s’agit d’un film de série B, avec un budget assez maigre, mais avec un scénario relativement imaginatif, si on passe sur les invraisemblances qui l’émaillent. Incidemment il est bon de rappeler que c’est Roy Chanslor qui a adapté l’ouvrage, soit l’auteur de romans comme Johnny Guitar ou Cat Ballou.   

    L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946

    Marty Blair est un pianiste et compositeur de chansons. Mais sa femme l’a quitté, et depuis il boit plus que de raison. Il va chercher à revoir Marvis, mais celle-ci a demandé au portier de l’empêcher de monter la voir. Il s’en va donc. Mais tandis qu’il part, il remarque qu’un petit homme a la permission de rentrer. Quelque temps plus tard, tandis que Marty se saoule dans des bars de nuit, un homme Kirk Bennett, découvre que Marvis a été assassinée, étranglée avec son écharpe. Il prend la fuite, mais la bonne de Marvis l’a vu. La police va donc le ramasser et va se trouver convaincu qu’il est le meurtrier. Se défendant plutôt mal, on apprend que Marvis le faisait chanter, il va être condamné à mort. Sa femme, Catherine Bennett, est convaincue de son innocence, et va partir à la recherche de preuves ou de témoignages qui pourraient l’aider. Rapidement elle va tomber sur Marty qui se propose d’enquêter avec elle. Bientôt ils vont repérer que l’homme qui est rentré à la suite de Marty est un certain Marko, louche propriétaire de boîte de nuit. Marty et Catherine vont donc se faire engager pour tenter de découvrir si c’est ce même Marko qui a volé la broche que Marty avait offert à son ex-femme. Marvis finit par obtenir la combinaison du coffre-fort de Marko, mais au moment où elle accède au contenu du coffre, Marko revient. Une confrontation a lieu entre elle et Marko sous les yeux de la police et de Marty. On apprend qu’effectivement Marvis faisait chanter Marko et que celui-ci en avait un peu marre de cette situation. Cependant, les horaires du meurtre ne concordant pas, et comme on ne trouve pas la broche, le capitaine Flood est obligé de le laisser filer. Une sorte d’idylle s’était un peu développée entre Marty et Catherine, et il lui avait même écrit une chanson. Mais Catherine lui avoue qu’elle reste fidèle à Kirk qu’elle croit toujours innocent. Marty est choqué de cette nouvelle déconvenue, il s’en va et se met à picoler, alors qu’il avait renoncé, au contact de Catherine à la boisson. En traînant de bar en bar, il va retrouver une jeune femme à qui il avait en réalité donné la fameuse broche qui est sensée désigner le coupable véritable. Il récupère la broche, mais dans la bagarre, la police l’embarque et l’emmène dans une clinique où on lui passe la camisole de force. Ayant pleinement retrouvé sa lucidité, il comprend que c’est lui qui est en fait l’assassin, mais que son ivresse lui avait fait complètement oublier ce drame. Il décide de prévenir la police et de se livrer, avant qu’on exécute le malheureux Kirk Bennett. Les difficultés viennent de ce que le capitaine Flood est difficile à joindre. Mais finalement tout rentrera dans l’ordre, sauf pour le pauvre Marty qui n’aura vécu que l’illusion d’un amour avec Catherine. 

    L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946

    Marty après avoir vu son ex-femme se saoule 

    L’astuce du scénario est de présenter trois criminels potentiels, et celui qui est le moins plausible, c’est celui-là justement. Quand on est à la moitié du film, on pense que c’est bien Marko le coupable, et donc qu’on s’oriente vers une sorte de suspense : le couple Marty-Catherine va-t-il arriver à retrouver la broche en déjouant la surveillance de Marko et de son fidèle garde du corps ? Et puis nouveau rebondissement, ce n’est pas Marko ! Ce principe frustre toutefois le spectateur, parce que finalement l’idylle entre Marty et Catherine avorte lamentablement. Au détour de l’histoire, on reconnaitra quelques tics de William Irish. D’abord l’obstination féminine qui, comme dans l’excellent film de Robert Siodmak, Phantom lady[1], part à la quête de la vérité pour sauver l’homme qu’elle a choisi d’aimer. Le personnage de Marty rappelle par son ivresse et le flou de sa mémoire, également celui de Scott Henderson, toujours dans le film de Siodmak. On sait que la subjectivité est un des thèmes favoris du film noir, et ici cette subjectivité est déterminée d’abord par l’alcool. C’est en même temps l’alcool qui le mènera aussi sur le chemin de la vérité, malgré tout. Au passage on verra un des sous-thèmes favoris du film noir, l’individu confronté au système de la psychiatrie. Cela rappelle Murder my sweet, une des œuvres canoniques du film noir[2]. Ce dernier film semble aussi avoir inspiré Roy William Neill pour le tournage de la scène d’interrogatoire de Kirk Bennett. Basculements scénaristiques et références filmiques, c’est bien d’un film noir dont il s’agit. L’ambiguïté des personnages est aussi un des éléments décisifs : Marty évidemment, puisqu’il est à al fois coupable et innocent. Mais aussi Kirk Bennett qui a été piégé par Marvis Marlowe, et même sa femme qui laisse se développer une petite romance avec Marty pour ensuite s’en éloigner. Marty lui écrit une chanson, et elle la chante en mettant ses mains sur ses épaules. Elle inventera ensuite qu’elle ne voulait pas lui faire de la peine en lui faisant vivre une nouvelle déception amoureuse. Mais on n’est pas obligée de la croire.

    L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946 

    Kirk Bennett est accusé du meurtre de Marvis 

    Si le scénario est intéressant quoique bancal parfois, notamment lorsqu’on comprend comment Marty a commis le crime, alors qu’il était enfermé dans sa chambre, la réalisation n’est pas des plus dynamiques. On y trouvera cependant quelques scènes plutôt intéressantes, cet étrange ballet de trois hommes qui se bousculent presque à la porte de Marvis, avec des jeux d’escalier très bien venus. Ou encore l’interrogatoire feutré de Kirk Bennett au commissariat, comme on l’a dit plus haut, les bars enfumés aussi où tout semble se brouiller à travers la cohue des consommateurs. Mais à part quelques mouvements de grue, il manque singulièrement de rythme dans la mise en scène. Les décors de studio n’aident pas beaucoup aussi qui obligent à des cadrages très serrés. L’image est relativement sombre sans arriver toujours bien justement à faire ressortir les ombres.

    L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946 

    Il rapporte son argent à Catherine 

    L’interprétation est par contre très riche. D’abord Dan Durya qui, dans le rôle de Marty, porte le film sur ses épaules. Grand acteur du film noir et du western, habitué aux rôles de mauvais garçon, il est ici remarquable de fragilité. Ensuite il y a Peter Lorre, curieusement très sobre dans le rôle de Marko et qui arrive, une fois n’est pas coutume, à donner de la force à son personnage. C’est un dur ! On donnera aussi une mention spéciale pour Broderick Crawford, toujours très bon, dans le rôle du capitaine Flood. Les deux personnages féminins sont nettement moins brillants. June Vincent incarne Catherine Bennett. C’est une actrice qui n’a pas fait une grande carrière, sans doute parce qu’elle n’avait pas un physique extraordinaire, et que son jeu n’était pas très emballant aussi. Je pense que c’est dans Black angel qu’elle a atteint son sommet. Marvis Marlowe, l’ange noir si on veut, c’est Constance Dowling, elle n’a qu’un petit rôle puisqu’elle se fait assassiner. Elle non plus, quoi qu’elle ait un physique un peu plus avantageux, n’a jamais fait une très grande carrière.

    L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946 

    Marty compose une chanson pour Catherine 

    Si ce film un peu rare est une pièce de collection pour les amateurs de films noirs, le résultat n’est tout de même pas un chef d’œuvre, mais il se voit sans ennui et puis il ne dure qu’une heure vingt. Il y a une ambiance dans le cabaret de Marko qui est très bien rendue et des chansons glamour tout à fait intéressantes.

     L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946

    Marko a piégé Catherine

     L’ange noir, Black angel, Roy William Neill, 1946 

    A l’hôpital Marty retrouve sa lucidité

     



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/les-mains-qui-tuent-phantom-lady-robert-siodmak-1944-a148583314 

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/adieu-ma-belle-murder-my-sweet-edward-dmytryk-1944-a119648538 

    « La moucharde, Guy Lefranc, 1958I… comme Icare, Henri Verneuil, 1979 »
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