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Pendulum, George Shaefer, 1969
Pendulum est un film néo-noir qui annonce en quelque sorte la vague des poliziotteschi qui va déferler sur l’Italie bientôt. En effet, on retrouve, dans une Amérique qui doute, la contradiction entre la loi et la justice, l’impuissance des policiers, mais aussi la décomposition des liens familiaux. Le scénariste, Stanley Niss, et le réalisateur, viennent tous les deux de la télévision, ce qui veut dire qu’ils sont habitués à travailler vite, avec peu de moyens. Mais les gens qui ont l’habitude de travailler pour la télévision, à cette époque ont une capacité intéressante à gérer les décors urbains, les équipes mobiles. Cela va donner un style parfaitement reconnaissable à ces films néo-noir qui depuis le milieu des années soixante-dix se frayent un chemin à parlant directement aux spectateurs, à travers une œuvre de fiction, des problèmes de la vie moderne. George Schaefer est connu pour seulement trois films, Pendulum, Doctors’ Wifes avec Dyan Cannon et Gene Hackma, et An Enemy of the People, un des tous derniers films de Steve McQueen, d’après une pièce bien connue d’Henrik Ibsen, un film très engagé qui n’aura pas du tout de succès.
Mathews a été décoré pour avoir arrêté l’assassin et violeur Paul Sanderson
Frank Mathews est un policier qui est fêté pour avoir arrêté un assassin et un violeur, auteur de plusieurs crimes, Paul Sanderson. Le chef de la police lui remet une décoration. Sa femme est venue en retard pour le féliciter. Frank soupçonne sa femme de le tromper. Lui-même est surchargé de travail parce qu’il s’est engagé auprès d’un politicien, le sénateur Cole, qui se sert de lui pur sa campagne électorale, se présentant comme un tenant de la fermeté. Mais lors du procès, l’avocat Woodrow King ne discute pas de la culpabilité de Paul Sanderson, il avance que l’arrestation et l’inculpation du violeur ne se sont pas réalisées dans les règles, et donc il demande l’annulation de toutes les preuves. Mathews est écœuré, mais le juge décide de remettre l’assassin en liberté. Le sénateur veut l’envoyer à Baltimore afin qu’il parle à sa place. L’avocat King qui n’est pas dupe conseille alors à Sanderson de se faire soigner. Mais avant de partir pour Baltimore, Mathews aperçoit sa femme avec un autre politicien de Washington, il n’a plus de doute. A Baltimore, Mathews se demande s’il va prendre le train pour retourner chez lui et prendre son épouse en flagrant délit d’adultère. Cependant Adele et son amant son assassinés au domicile des Mathews.
Mathews soupçonne sa femme de le tromper
La police enquête, et deux policiers de Baltimore sont chargés d’apprendre ce double meurtre à Frank et de le ramener à Washington. Les recoupements montrent cependant des contradictions dans ce que raconte Mathews. Le chef de la police est maintenant persuadé que Mathews a tué sa femme et son amant. Voyant que cela tourne mal pour lui, Mathews va s’adjoindre les services de l’avocat King ! Parallèlement le sénateur Cole décide de faire démissionner Mathews, ayant peur pour sa réputation. Mais le chef Hildebrand décide finalement de faire arrêter Mathews, et King conseille d’ailleurs à ce dernier de se rendre. Lorsque ses collègues viennent chez lui pour l’arrêter, Mathews va s’enfuir. En fait il a une idée du vrai coupable. Tandis que la police se lance à la recherche de Mathews, celui-ci va s’introduire chez la mère de Sanderson, une pauvre femme qui essaie de protéger son enfant, mais qui avoue finalement que la nuit du double crime, il n’était pas à la maison. Quand Sanderson arrive, une bataille féroce va s’engager entre Mathews et lui. Sanderson va révéler où il a caché l’arme qui a tué sa femme. Alors qu’il menace de tuer Mathews, c’est la propre mère du violeur qui va l’assommer avec une buche.
Mathews affronte l’avocat de Sanderson
Le scénario est sans surprise l’histoire est linéaire, et à vrai dire, il n’y a pas de vrai suspense, même si le réalisateur essaie de nous faire croire que Mathews pourrait avoir été contaminé par la fréquentation du psychopathe Sanderson. L’intérêt est ailleurs. D’abord il y a le contexte social qui est symbolisé par le pendule – d’où le titre Pendulum. Le fait qu’on puisse dédouaner un assassin avéré à cause de vices de procédure, est un sujet qui a passionné les Etats-Unis, avec des affaires emblématiques comme celle proprement ubuesque d’O.J. Simpson qui fut relaxé au pénal mais condamné au civil pour le meurtre en 1994 de sa femme et de son amant. Ce n’est pas seulement que la justice serait trop laxiste envers les délinquants, mais plutôt qu’elle est tellement contradictoire qu’elle devient un terrain de jeu pour les avocats. L’idée est que si avant la police américaine abusait de ses pouvoirs, ce sont aujourd’hui les avocats qui abusent. La justice est malade, mais au fond elle n’est pas plus malade que cette société qui suinte la corruption, les hommes politiques sont peu attentifs au bien public, ils soignent seulement leur image, et l’idéal de la famille est foulé au pied pour des raisons obscures. La femme de Mathews consomme en effet indifféremment des vêtements, des soins esthétiques et des amants ! Dans cette société sans morale, le portrait de la police est sans concession, le chef Hildebrand après avoir applaudi et décoré Mathews veut le jeter en prison pour ne pas avoir de problème avec l’opinion publique.
Woodrow King demande à Sanderson de se faire soigner
Sanderson est un psychopathe ordinaire, mais il a des excuses, c’est sa mère qui les donnera : elle culpabilise en effet de ne pas avoir sur le garder dans le droit chemin. Dans cette galerie de portrait Mathews est bien seul. Il est droit, même si en effet, il avait songé à surprendre sa femme en flagrant délit d’adultère. Après tout, il n’est qu’un homme, jaloux, il ne comprend pas très bien cette trop grande liberté de mœurs qui a envahi l’Amérique à la fin des années soixante. Notez qu’on n’oserait plus faire un tel portrait d’un officier de police ordinaire, mais honnête, de crainte de passer pour un fieffé réactionnaire. Mais ce n’était pas le cas, et George Peppard lui-même était classé à gauche de l’échiquier politique, un militant des droits civiques. Mathews lui-même s’est laissé embringué dans des histoires de politicaillerie, il le regrettera.
La femme de Mathews et son amant ont été assassinés
Dans l’ensemble de ces portraits, il est fait appel à la conscience. On verra ainsi l’avocat King douter d’avoir si bien défendu Sanderson car il pressent qu’il récidivera. Le chef Hildebrand essaiera de faire taire ses doutes, mais ceux-ci ne disparaitront pas, et il comprendra finalement qu’il a eu tort de s’en prendre à Mathews. Les collèges de celui-ci, le lieutenant Smithson et le sergent Thornton, qui aiment bien Mathews tenteront de l’arrêter pourtant, alors qu’ils pensent qu’il n’est pas coupable. Le juge qui élargira lors du second procès le psychopathe Sanderson est lui aussi chargé d’une mauvaise conscience, il le fait savoir, mais il applique bêtement la loi. On voit dans ces moments-là que la loi peut devenir l’ennemi du citoyen, alors qu’elle est censée le protéger. Trop sophistiquée, elle n’est plus lisible et s’oppose finalement à la morale ordinaire.
Le chef de la police soupçonne Mathews
Souvent donné comme un procédural, ce n’en est pas un. Les scènes de tribunal sont très brèves et ne sont là que comme décor. Et c’est tant mieux, on a trop vu de ces séances interminables où les deux parties hurlent leurs objections et avancent leurs bons mots. Les scènes les plus importantes sont d’abord le portrait lissé de Mathews en tant qu’homme jaloux qui semble provoquer ce qui lui arrive. Puis les oppositions entre les deux cotés de la justice, et les doutes qui s’ensuivent. Et bien sur le différent qui oppose l’avocat et son client. Mais la mise en scène de George Schaefer trace également portrait de Mathews, un homme seul, abandonné tous, il espionne sa femme, se bat avec Sanderson, bref, il ne se laisse pas abattre, malgré une situation qui ne lui est pas favorable. La réalisation accorde une grande importance à la ville de Washington, une ville tentaculaire qui écrase ses citoyens. L’ensemble est vif, bien rythmé, sans temps mort. Schaefer n’utilise pas de longs plans-séquence et préfère les montages alternés. La bagarre finale entre Sanderson et Mathews est le temps fort du film. Tourné en format 1,85 : 1, la photo soutient bien l’usage que Schaefer veut faire de ses décors urbains. Ce n’est pas une mise en scène brillante, mais elle est efficace.
Mathews va engager King pour le défendre
L’interprétation de George Peppard dans le rôle de Mathews est toujours très juste un mélange de nonchalance et de détermination. Les scènes où il montre à sa femme sa jalousie prouve qu’il est un bon acteur très nuancé. Au générique on retrouve Jean Seberg dans le rôle de son épouse volage. Elle est totalement éteinte, elle ne serait pas là ça serait pareil. Elle sourit à contretemps et ne manifeste rien. Il est probable que ce soit la conséquence du harcèlement constant qu’exerçait sur elle le FBI parce qu’elle était très active dans la défense des afro-américains. Certes elle n’a jamais été une grande actrice, mais là, elle est franchement mauvaise. Elle disparait d’ailleurs assez rapidement de l’écran. L’avocat King c’est Richard Kiley, un acteur de théâtre, il tient son rang avec beaucoup de métier. Le psychopathe est joué par un acteur assez peu connu parce qu’il a surtout fait de la télévision. Il est très bon, et sait jouer parfaitement avec son corps pour montrer le mal qui le ronge. Tour à tour misérable et provocateur, lâche et violent, sa petite taille ne l’empêche pas d’être inquiétant.
Ses collègues sont venus pour l’arrêter
Hollywood est un vivier de seconds rôles de qualité. A croire que d’être comédien est une seconde nature pour les Américains ! Madeleine Sherwood a assez peu joué au cinéma, mais dans des films de qualité, elle incarne la mère de Sanderson, elle est très juste, c’est-à-dire qu’elle évite d’en faire trop dans l’épanchement quand elle est confrontée à Mathews, tout en montrant combien elle est déchirée d’avoir engendré un tel monstre. Son physique sinistre ne risque pas de passer inaperçu. On retrouvera Charles McGraw dans le rôle du chef Hildebrand. Figure du film noir classique, il en fait un peu trop, se parodiant sans vergogne. Les deux flics qui viennent arrêter Mathews, sont les excellents Frank Smarth dans le rôle du lieutenant Smithson, et le non moins excellent Dana Elcar dans celui du sergent Thornton.
Mathews s’est introduit dans la maison des Sanderson
C’est un bon film noir, avec une dose d’amertume bienvenue, sans être un chef d’œuvre bien entendu. Ce film malheureusement n’est pas disponible sur le marché dans une bonne version DVD ou Blu ray. Des copies acceptables de ce film trainent cependant sur la toile sur You Tube par exemple.
Une bataille à mort s’engage entre Mathews et Sanderson
Tags : George Schaefer, George Peppard, Jean Seberg, Richard Kiley, néo-noir
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