• L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

     L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

    Les années soixante-dix ont été une décennie heureuse pour le cinéma occidental. C’est vrai pour la France avec des réalisateurs comme Claude Sautet, pour les Etats-Unis avec ce qu’on a appelé le Nouvel Hollywood, et aussi pour l’Italie qui plus encore que n’importe quelle contrée a su diversifier les genres populaires du faux western au film de guerre en codifiant le giallo, dérivée du film noir. On peut parler d’une véritable révolution, d’autant plus qu’elle n’est pas sans rapport avec la déferlante des idées politiques qui balaie la planète. Dario Argento en est le pur produit, et du reste à partir des années quatre-vingts, sa production marquera un net déclin. Dario Argento est considéré à juste titre comme un disciple de Mario Bava. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir un style très personnel et reconnaissable au premier coup d’œil. Beaucoup plus jeune que Mario Bava, il a été aussi bien moins éclectique que lui et représente la quintessence du giallo. Lui aussi a eu du mal à accéder à la reconnaissance de la critique qui n’a jamais aimé le cinéma populaire, ni le cinéma de genre. Et quand elle l’apprécie, c’est presque contrainte et forcée, comme à regret. L’uccello dalle piume di cristallo est le premier film de Dario Argento comme réalisateur, auparavant il avait travaillé comme scénariste,  entre autres sur des western à l’italienne, C’era una volte il west, de Sergio Leone, ou encore Une corde, un colt de Robert Hossein. Comme Mario Bava, il était né dans le milieu du cinéma, son père, Salvatore, était un producteur de cinéma, et c’est avec lui qu’il monta sa première société de production, justement pour réaliser ce film. La raison était assez simple, Bernardo Bertolluci avec qui il avait travaillé sur le film de Sergio Leone devait adapter le roman de Fredric Brown, The screaming mimi, ouvrage qui avait déjà été porté à l’écran en 1958 par le très sous-estimé Gerd Oswald, sous le même titre, avec notamment la pulpeuse Anita Ekberg. Mais au fur et à mesure que Dargento travaillait le scénario, il s’éloignait de plus en plus fortement du roman de Fredric Brown, et ce sujet devint tellement personnel qu’il voulu passer à la réalisation, il n’en a retenu pratiquement que le profil de l’assassin. Fredric Brown est considéré comme un petit maître du roman noir, plutôt dans sa version thriller, donc avec un accent mis sur l’aspect « suspense ». Il eut une reconnaissance passagère à la fin des années soixante et au tout début des années soixante-dix, quand on a commencé à faire vraiment sortir le roman noir du ghetto  où elle avait été enterrée par la critique. Il a été en conséquence souvent adapté au cinéma, et si ses histoires le rapprochent souvent de William Irish, son humour un peu grinçant explique sans doute pourquoi un réalisateur aussi barroque que Jean-Pierre Mocky s’y est intéressé. L’uccello dalle piume di cristallo va s’imposer, malgré des critiques défavorables et va ouvrir une trilogie dite animalière qui comprend Il gatto a nove code et ensuite 4 mosche de velluto grigio. Les titres sont volontairement énigmatiques, mais ils annoncent la couleur si je puis dire : nous ne serons pas de le domaine du réalisme, mais dans celui d’une poésie vénéneuse et colorée. Si Bava est une des sources d’inspirations de Dargento, Hitchcock en est une autre, et non des moindres. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970  

    Sam Dalmas, un écrivain américain qui vit en Italie, est à cours d’inspiration. Par hasard, passant devant une galerie d’art, il observe deux personnes qui se battent, un homme vetu de noir, portant gants et chapeau tente de poignarder une femme. Sam intervient comme il peut, mais reste bloqué entre les portes automatiques de la galerie. Néanmoins, il a réussi à prévenir quelqu’un qui alerte la police. L’agresseur s’enfuit. La femme n’est que blessée. Elle est l’épouse du galeriste, Alberto Ranieri. Le commissaire Morosini qui est chargé de l’enquête, tente d’apprendre de Sam quelque chose qui le mettrait sur la piste de l’assassin. Il semble que ce soit un tueur en série qui s’attaque à des femmes seules. Sam va ainsi se transformer en détective avec l’aide de sa fiancée, Giulia. Il va découvrir qu’un tableau important a été vendu par un antiquaire, et ce tableau parait avoir joué un rôle dans les meurtres. Mais les meurtres continuent, et Sam tente de faire appel à un proxénètes dont une des filles a été assassinée pour retrouver le meurtrier. L’assassin entre temps téléphone à la police pour la défier. Un soir, un homme au gilet jaune tente d’assassiner Sam et Giulia, malgré la protection policière. Il le poursuit pourtant et tombe dans une sorte de congrès de boxeurs professionnels. Il perd sa trace, mais il a bien vu son visage. Avec l’aide des gens du milieu, il remonte la piste de l’homme au gilet jaune, mais celui-ci a été tué. Il revient au tableau et rencontre l’homme qui l’a peint, un illuminé qui a muré sa maison et qui mange ses chats. En analysant les enregistrements de l’assassin, on se rend compte de deux choses, d’abord qu’ils semblent être deux, et ensuite qu’un bruit étrange difficile à identifier se trouve en arrière-plan.  L’assassin veut alors s’en prendre à Giulia qui se barraicade chez elle mais cela n’empêche pas l’assassin de fracasser sa porte. Mais Sam arrive. Entre temps un ami de Sam est arrivé à découvrir que le bruit qu’ils cherchaient à identifier est en fait le cri de l’oiseau au plumage de cristal ! Or il n’y en a qu’un, au zoo ! Sam se rend compte alors que le zoo est situé très près de l’appartement de Ranieri. Il se précipite chez Ranieri, il le trouve dans une posture qui semble indiquer qu’il veut maintenant assassiner sa femme. Dans la bagarre qui s’ensuit, Ranieri passe par la fenêtre et s’écrase au sol. On croit l’affaire close. Mais cela rebondit avec la disparition de Monica Ranieri. Elle a enlevé Giulia et va essayer de tuer Sam. Mais la police arrive à temps pour la maitriser. Sam et Giulia s’envole vers l’Amérique. On apprend que Monica avait été agressée et que cela l’avait traumatisé au point qu’elle se glissa dans la peau d’un assassin. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

    L’écrivain Sam Dalmas se retrouve coincé entre deux portes vitrées 

    C’est un premier film et donc Dario Argento y a mis beaucoup de lui-même et de références, d’hommages nombreux à la cinéphilie qu’il aime. Ce qui est aussi une manière de créer des gardes-fou. Bein entendu, il y a comme c’est la règle pour le cinéma de genre, un écart important entre ce qu’est censé dire l’intrigue et ce que disent les images. C’était déjà le cas chez Bava, et ce l’est encore plus chez Argento son disciple. En même temps on remarque que ce premier essai est moins audacieux que les films qui suivront. Ou plutôt ce qu’il y a de dérangeant dans le film est passé en contrebande. Ce qui domine dans cette histoire à suspenses, c’est d’abord un discours sur l’art et la culture occidentale qui semblent arrivés à un point d’achèvement, n’ayant plus rien à dire. Dalmas est un écrivain sans inspiration, et on ne croit pas une minute qu’il reprendra son travail d’écrivain une fois rentré à New York. Il troque son métier pour celui de détective qui va être  un peu plus près de la vérité. Berto Consalvi est un peintre totalement nul, un demi-fou, qui arrive à démontrer que la peinture au fond n’est qu’un ressassement du passé. Les marchands d’art, le couple de galeristes, mais aussi l’homosexuel qui vend des antiquités, sont des personnage louches et vulgaires, sans consistance. L’art est mort, ce n’est plus qu’un décor pour les riches bourgeois qui transforment leur logement en un décor baroque et surchargé, l’accumulation remplaçant la joie qu’on peut retirer des objets acquis chèrement. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970 

    Sam Dalmas est convoqué pour identifier un assassin potentiel 

    L’écrivain Sam Dalmas va alors entreprendre un périple à travers la société italienne, il va passer d’un monde bourgeois et plutôt étriqué aux bas-fonds de la ville où règnent des sortes de monstres, des caricatures grotesques dont la logique est mal identifiée. Lui-même semble vivre pauvrement, à la limité de la misère dans un appartement promis à la démolition. Pris par la passion de découvrir la vérité, il va entrer en concurrence avec la police officielle, et bien qu’il entretienne des relations cordiales avec le commissaire Morosini, les deux se livrent à une bataille sourde. Morosini va tenter de retenir Sam contre son gré en lui confisquant son passeport – c’est-à-dire son identité, puis il va tenter de s’en débarrasser quand celui-ci commence à vraiment avancer plus vite que la police. Ici on a remarqué que cet individu seul et isolé est opposé à une police qui est censé être suréquipée, avec des ordinateurs et des machines ultramodernes qui finalement ne l’aident pas vraiment. L’impuissance de la police est d’ailleurs démontrée aussi bien quand le couple Giulia-Sam est attaqué par l’homme au gilet jaune, ou quand l’assassin défonce la porte pour régler son compte à Giulia. Dans les deux cas les policiers étaient censés veiller sur leur sécurité, mais leur maladresse les en empêche. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

    L’antiquaire aiguille Sam sur la piste d’un tableau étrange 

    Mais le personnage de Sam fait penser aussi à ces héros modernes qui ne veulent pas rentrer chez eux car ils n’y trouveraient que le vide. Il erre ainsi dans la ville à la recherche de lui-même, et quand il a l’autorisation de retourner aux Etats-Unis, il va finalement y renoncer, préférant de loin patauger dans la fange de crimes sordides plutôt que de retrouver une vie sans aspérité. On le voit donc qui fuit en permanence, non seulement sa maison et sa vie, mais aussi sa fiancée. Il fait semblant de désirer fortement Giulia, mais dès qu’il le peut il interrompt son approche sexuelle et s’en va à la recherche d’autres sensations plus fortes. Sam est donc un caractère ambigu. On peut s’interroger sur son identité sexuelle, en effet quand il rencontre l’antiquaire manifestement homosexuel qui veut lui sauter dessus, il négocie pour obtenir l’image du tableau qui représente un meurtre. Mais cette négociation réussi, sans qu’on sache ce qu’il a donné en échange pour l’obtenir. Le trouble de l’identité qui est d’ailleurs un thème qu’on trouve chez Hitchcock, est aussi représenté par Monica Ranieri qui se déguise en homme pour prendre la place de celui qui l’avait agressée. Elle manie le couteau ou le rasoir comme autant de substituts du pénis qu’elle n'a pas. Mais les relations entre Sam et le commissaire Morosini sont également très ambiguës. C’est un vrai couple dont les éléments passent leur temps à s’attirer évidemment sans consommer quoi que ce soit, ce qui augmente fatalement le degré de frustration. Il se sentira aussi mal à l’aise quand il sera obligé de traverser une assemblée de boxeurs vêtus d’un gilet jaune qui représentent une forme de virilité qu’il ne possède pas. Il faut ajouter aussi que les femmes dans ce film ont plutôt un rôle passif, soumises qu’elles sont à leur rôle de victime expiatoire, sauf évidemment Monica qui se rebelle contre cet ordre là et le renverse en endossant le statut de serial killer, normalement dévolu à l’homme. Presque tout le long de la filmographie de Dario Argento ce sont les femmes qui occupent la place du criminel de compétition, les hommes sont plutôt leur complice, même s’ils participent aux crimes en série. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970 

    Le proxénète Garullo, en prison, donne à Sam des indications 

    La qualité de la mise en scène a été soulignée dès la sortie de ce film, mais on a moins insisté qu’elle était tributaire des décors choisis. Commençons par le plus évident. Sam est dès le début du film coincé entre deux portes vitrées qui forment une sorte de cage dans laquelle il est enfermé. Cette transparence subie face au crime est l’image de son impuissance. Mais c’est aussi celle du piège de la modernité. On le verra d’ailleurs mettre les bras en croix tentant de pousser cette vitre, filmé en plan large, dans une image quasi-christique. Il y a ensuite l’opposition entre le petit appartement un peu pauvre et miséreux habité par Sam et Giulia, et les riches demeures que Sam visite, à commencer par l’appartement surchargé d’objets des Ranieri, mais aussi l’opposition avec les locaux de la police présentés comme froids et impersonnels, mais aussi très modernes, avec les couleurs qui vont avec, les bleus soutenus coupant les beiges tendres. Et puis il y a cette maison de Consalvi dont les fenêtres et les portes sont murées. Le peintre fou s’est emmuré lui-même, c’est un mort-vivant, s’isolant du monde extérieur pour recréer son propre monde. Cette maison qui manifestement a une âme, reviendra d’une manière inattendue dans l’étonnant film de Pupi Avati, La casa dalle finestre che ridono, en 1976. Cette bâtisse est l’image d’une résistance à l’uniformité envahissante de l’architecture moderne qui vide d’espace de son humanité en remplaçant les matériaux naturels par du béton, du verre et des structures métalliques.   

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970 

    Un homme en jaune poursuit Sam pour le tuer 

    On retrouvera cette modernité mortifère dans le cinquième meurtre, quand une jeune femme monte les escaliers pour rentrer chez elle. La scène est d’abord filmée par-dessus, dévoilant des escaliers qui forment non pas une spirale, mais une sorte de triangle dont les pointes annoncent un danger imminent, encore plus douloureux qu’une plongée dans les abîmes de la conscience quand il s’agit d’escaliers en colimaçon. La jeune femme est réduite au cœur de l’image, comme une sorte d’insecte pris au piège. Dans l’appartement de Sam et Giulia, il y a aussi une verrière, comme dans un atelier de peinture, elle sépare l’appartement du reste du monde. Mais quand l’assassin tente de pénétrer dans l’appartement pour tuer Giulia, celle-ci tente de briser la vitre et de passer de l’autre côté pour se sauver, mais cette vitre ne se brisera pas, et elle restera piégée comme Sam est resté piégé entre les deux portes vitrées de la galerie des Ranieri. Il n’y a donc pas de passage entre les deux mondes, ni de possibilité de s’évader pour trouver une solution à l’ennui existentiel. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

    Dans la foule Sam poursuit maintenant l’homme en jaune 

    Bien évidemment les couleurs vont jouer un grand rôle, Argento a retenu la leçon de Sei donne per l’assassino. Le rouge est très présent comme contrepoint, il est même annoncé dès le générique où on voit les mains de l’assassin en train de choisir un instrument pour tuer encore une fois. Et puis il y a le jaune, en italien giallo, s’il manifeste aussi l’irréalité de l’histoire, il prouve l’isolement de Sam, censé être une personne normale dans un univers factice et désincarné. La photographie excellente de Vittorio Storaro qui débutait alors dans le métier et qui travaillera par la suite avec Bernardo Bertolucci, mais aussi avec Coppola sur Apocalypse Now, sur Tucker et sur A day long dream, appuie sur les oppositions entre les couleurs neutres et pastellisés aux couleurs insaturées. C’est un élément de langage régulier du giallo mais qu’on retrouve aussi d’une autre manière chez Antonioni. L’utilisation précise des couleurs renforce le manièrisme de Dario Argento que s’est plu à souligner Alice Laguarda[1]. Si le travail sur les couleurs appelle les grands peintres modernes comme Hopper, il renvoie forcément à une lecture critique de la modernité. Mais Dario Argento n’est pas un professeur de rhétorique, c’est un narrateur, et l’histoire avec les thèmes qu’elle développe sera tout aussi importante que la construction de l’image. Les deux marchent de pair, et il ne faudrait pas, sous prétexte que Dario Argento développe une esthétique originale, que la construction de l’histoire n’a pas d’importance. Lui-même était conscient de vouloir toucher un public populaire, tout en maintenant des exigences très élevées en matière d’esthétique, c’est sans doute ce que les critiques de profession auront le plus de mal à admettre. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

    Il a disparu au milieu d’une réunion de boxeurs 

    Comme on l’a dit, les citations cinématographiques sont nombreuses, on pourrait même parler de détournement. Celles de Sei donne per l’assassino sont évidentes. Mais il y en a bien d’autres, notamment l’Hitchcock de Psycho, Hitchcock qui semble s’être inspiré aussi de L’ucello dalle piume de cristal pour Family plot avec le personnage de Karen Black. Plus discrets sont les hommages à Melville notamment, avec la scène de retapissage à laquelle Sam doit se plier, Melville qui a été une influence importante pour Mario Bava et donc par suite pour tout le giallo. Cette référence est souvent oubliée par les commentateurs du giallo. Et puis on verra aussi la foule passer devant un cinéma où se joue La femme écarlate de Jean Valère qui rend aussi hommage à Monica Vitti et indirectement à Michelangelo Antonioni, et ouù le rouge une fois de plus joue un rôle déterminant. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970 

    La cinquième victime rentre chez elle 

    Il y a très peu de décors extérieurs, on verra peu de choses de Rome où l’histoire est censée se passer, mais ce peu est largement compensé par l’usage d’une architecture bien réelle où s’oppose le moderne clinquant et l’ancien chargé d’histoires et de mystères. L’usage du cinémascope, 2,35 :1, manie de Dario Argento est remarquable. Surtout dans la manière de multiplier les angles de prise de vue, il y a une fluidité savante dans cette capacité de passer du plan large au plan rapproché pour suivre les effets de l’action sur les sentiments des protagonistes. Il y a ainsi un usage subjectif de la caméra, avec cette volonté de ne pas montrer directement les meurtres, mais plutôt leurs conséquences, ou encore quand on voit le meurtrier probable prendre des photos de ses futures victimes en les recadrant. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970 

    La lumière s’est brusquement éteinte 

    La distribution est un peu ce qu’on attend dans un film sans gros moyens. Ce sont des acteurs de second rang. Sam Dalmas est interprété par l’excellent Tony Musante dont c’est sans doute le rôle le plus important. Souvent habitué à jouer les tueurs ou les déments du fait de son physique un peu tourmenté, il est ici à contre-emploi.il s’est fortement impliqué dans le film, on dit qu’il réveillait Argento au milieu de la nuit pour discuter de son rôle. Il y a ensuite Enrico Maria Salerno dans le rôle du commissaire Morosini. C’est un vétéran, il est toujours très bon, plutôt subtil, il n’en fait jamais trop. Il endossera par la suite très souvent ce rôle de commissaire obstiné et tenace. Mario Adorf est le peintre fou Consalvi. C’est un grand acteur, mais ici il cabotine beaucoup trop. Mais comme son rôle est assez court, ça n’est pas trop génant. Les femmes sont moins gâtées. Suzy Kendall, ex-James Bond Girl, eut des difficultés pour trouver des rôles consistants. On l’a cantonnée dans des rôles décoratifs et ici elle n’y échappe pas, sans qu’on puisse dire qu’elle démérite. Eva Renzi est Monica la criminelle, sans beaucoup d’éclat d’ailleurs, actrice allemande, elle a fait une carrière internationale sans qu’on la remarque vraiment. J’aime bien les seconds rôles comme Reggie Nalder qui joue le tueur en jaune, il vient de chez Hitchcock, et quand il ne jouait pas les assassins, il jouait les nazis, son physique le contraignait à un choix très limité. Il y a aussi Gildo Di Marco dans le rôle du proxénète Garullo, il est vraiment extraordinaire, avec son débit haché et rapide, comme avec sa manière de rouler ses gros yeux et de terminer toutes ses phrases par « adios ». Il y a en effet des traits d’humour dans ce film, mais c’est moins niais que ce qu’on trouve chez Hitchcock, ce sont essentiellement les marginaux qui en prennent pour leur grade. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

    L’excentrique Berto Consalvi vit dans une maison murée 

    Disons un mot sur la subtile musique lancinante d’Ennio Morricone. Elle est tout à fait en adéquation avec le sujet et se trouve être un élément de la dramaturgie, autrement qu’en soulignant les effets visuels à coups de cymbales. Du reste le film s’intéresse aux sons en général, comme par exemple évidemment la quête de l’identité du bruit d’arrière-plan qui va mener les enquêteur jusqu’au zoo et à l’oiseau au plumage de cristal. Dario Argento avait retenu déjà la leçon de Mario Bava dans l’utilisation de la musique, au-delà d’un contrepoint, c’est un dialogue entre l’image et le son. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970 

    Giulia a peur que le tueur n’enfonce la porte 

    Au début de sa sortie, le film a été plutôt mal accueilli, mais il devint tout de même un gros succès au fil des mois. Et puis la critique a commencé à suivre, certes un peu en trainant les pieds, mais elle a suivi tout de même. Depuis ce film est considéré comme fondateur, c’est très exagéré, il est clairement inscrit dans la lignée des films de Mario Bava, mais c’est un très bon film avec un style très personnel. Le succès public du film va lui permettre ensuite de continuer dans cette voie et de boucler sa trilogie animalière. Etrangement, il n’existe pas de version Blu ray sur le marché français. Ça manque vraiment d’autant que les qualités esthétiques s’y prêteraient. 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

    Carlo a identifié le bruit des enregistrements, c’es le cri de l’oiseau au plumage de cristal 

    L’oiseau au plumage de cristal, L’uccello dalle piume di cristallo, Dario Argento, 1970

    L’assassin est Monica Ranieri 



    [1] Alice Laguarda, L’ultima maniera, le giallo, un cinéma des passions, Rouge profond, 2021.

    « Patrick pécherot, Pour tout bagage, Gallimard, 2022Le chat à neuf queues, il gatto a nove code, Dario Argento, 1971 »
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