• Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973

     Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973

    Dernier opus de la trilogie du milieu, Il boss est peut-être le film le plus représentatif de la cinématographie de Di Leo. Nous sommes en 1973, et les films sur la mafia, dans la lignée du Parrain, ne se compte plus. Di Leo s’est inspiré d’un ouvrage, Mafioso, de Peter McCurtin qui avait eu en son temps un certain succès chez les amateurs de romans noirs. C’est également Di Leo qui va écrire le scénario et lui donner un certain cachet qui le relie aux autres poliziotteschi qu’il a tourné.  C’est un film très violent, avec bien peu de morale. Mais cette fois Di Leo s’est déplacé, contrairement à ses habitudes, jusqu’en Sicile, à Palerme précisément. Cette transposition de ses thématiques va apporter un éclairage nouveau, non seulement sur ce que pense Di Leo, mais aussi sur la manière dont les Italiens voient les Siciliens. 

    Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973

    La bande du mafieux Attardi se fait une séance de projection de films pornographiques. Le tueur Lanzetta s’introduit dans la cabine de projection et massacre tout ce beau monde à coups de lance-roquettes. Il travaille pour D’aniello qui lui-même travaille pour Don Carrasco. La police parait impuissante. En outre le commissaire Torri est complètement corrompu et travaille lui aussi pour Don Carrasco. Cependant la file de Don D’aniello a été enlevé par la bande de Cocchi. Ceux-ci demandent une rançon. Don Carrasco veut gagner du temps et envoie Lanzetta négocier. D’aniello implore celui-ci de délivrer sa fille. Mais celle-ci est aussi une étudiante dévergondée, et se laisse violer avec plaisir par la bande à Cocchi. Au moment de procéder à l’échange, Lanzetta tue Maïone, le second de D’aniello qui vient lui de tuer D’aniello. Aidé de Pignataro, Lanzetta va délivrer la fille de D’aniello, et il l’emmène chez lui. Rina l’apprécie et ils font l’amour pendant toute une semaine. Cependant Lanzetta va reprendre le collier et sur l’ordre de Don Carrasco va détruire la bande de Cocchi. Mais ce n’est pas du goût de ceux qui à Rome tirent les ficelles. L’avocat Rizzo va demander à Don Carrasco d’éliminer Lanzetta et de faire la paix avec Cocchi. Mais Lanzetta ne se laisse pas faire, avec l’aide de Pignataro il élimine le flic véreux, Torri, dans la fusillade Rina est tuée. Pignataro va régler son compte à Don Carrasco. Puis l’avocat lui demande de tuer Lanzetta, mais celui-ci se révéera le plus malin. 

    Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973 

    Lanzetta s’est introduit dans la cabine de projection 

    La dernière image porte le mot « Continua » ce qui laisse entendre qu’une suite était envisagée, comme il y avait eu une suite pour Le Parrain. Mais elle ne fut jamais tournée, sans qu’on en connaisse les raisons. Peut-être parce que Il boss n’avait pas très bien marché, ou alors parce que le public commençait à saturer avec les films de mafia. Ce film se remarque cependant par sa froideur, et l’absence de sentimentalité. Certes D’aniello ferait tout pour sauver sa fille qui elle-même est plus que dévergondée et s’en fout de tout, y compris de son père qu’elle méprise. Mais c’est bien le seul personnage un peu positif. Le second aspect est que dans ce film, tout le monde trahit tout le monde, et le code de l’honneur, l’amour pour la famille, même au sesn mafieux du terme, c’est rient du tout. Il y a dans le ton de ce film deux choses, d’abord que la Sicile est pourrie, ensuite que les mafieux ont été déplacés vers le Nord de l’Italie, mais qu’ils gangrènent tout ce qu’il touche. La seule ambition des mafieux siciliens est de grimper à tout prix dans la hiérarchie pour avoir le pouvoir, encore plus que de faire de l’argent. On verra que Lanzetta qui a des kilos de billets, vit très modestement dans un petit deux pièces. Le police est tout autant vérolée, on est en Sicile, et les policiers qui ont encore un peu de passion pour leur métier compte plutôt les morts, se félicitant des règlements de compte qui les débarrasse de temps à autre d’un surplus de canailles. Au passage il dénoncera la liberté des mœurs un peu trop grande qui semble accompagner cette montée en puissance de la mafia : même les mafiosi endurcis seront surpris de la liberté sexuelle affichée de Rina ! Di Leo énonce comme une mécanique la nécessité de restaurer un ordre qui a été détruit par la démission de l’Etat. Il moquera d’ailleurs les velléités des étudiants maoïstes – Rina en est une – qui prétendent faire la révolution. 

    Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973 

    La bande à Cocchi enlève la fille de Don Daniello

    Les poliziotteschi prennent en effet très souvent le contre-pied dans les années soixante et dix de la parole dominante sur le désordre et la révolution. Mais la manière dont cela est présenté est plutôt étrange. D’ailleurs Di Leo dresse un parralèle entre l’Etat et la mafia par l’intermédiaire du commissaire Torri qui loue la manière dont la mafia fait respecter l’ordre. Mais comme les mafieux ne sont pas mieux que les autres, révolutionnaires compris, on aboutit à une réflexion amère sur le désordre et l’effondrement. Don Carrasco, mafieux sophistiqué, lit les poésies de D’Annunzio, auteur attiré par le fascisme, mais aussi riche propriétaire terrien. Le mépris est assez universel dans ce film, et c’est ce qui explique qu’ils s’entretuent, la lutte entre Don Carrasco vient du fait qu’il ne supporte pas Cocchi qui est originaire de Calabre. Le préfet craint d’être muté en Calabre comme le dernier des outrages, et rêve de prendre sa revanche sur le commissaire Torri. De partout les hiérarchies se préparent à être bouleversé. Lanzetta, orphelin a été élevé par D’aniello, il lui montre de la reconnaissance, mais en douce, il prépare son émancipation. La fourberie est point commun de tous ces individus qui s’agitent. Cet état de guerre larvée ne permet pas de développer des sentiments, Lanzetta lorsque Rina est tuée se préoccupera d’abord de faire disparaître le cadavre en le brûlant avec celui de son père. 

    Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973 

    Lanzetta négocie la rançon 

    Dans la conduite du récit, on reconnait la patte de Di Leo. C’est rapide, bien mené. Les scènes d’action sont fortes, la scène d’ouverture est excellente et imaginative. Il y a parfois des longueurs, je dirais des complaisances dans la prolongation gratuite de certaines scènes, notamment lorsqu’il y a le feu. Le décor palermitain est bien utilisé mais sans ostentation, on y verra des recoins qui sont des reliquats à l’époque de ce qu’on a appelé le sac de Palerme qui avait vu la destruction de quartiers historiques entiers pour satisfaire le goût du lucre des mafieux qui mettaient la main sur la ville en l’éventrant. D’aniello est d’ailleurs comme le fera remarquer le préfet un entrepreneur de la construction. Il y a une rage qu’on ne trouve peut-être pas dans les autres films de Di Leo. Les chutes des mafieux touchés par des balles tirées en abondance sont spectaculaires et joliment filmées. Mais on savait déjà que Di Leo était particulièrement à l’aise dans les scènes d’action. La scène à la morgue où les cadavres sont exposés, est à la fois morbide et grotesque, avec tous ces gens qui hurlent à la mort parce qu’ils reconnaissent un parent qu’ils ont perdu. 

    Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973 

    Le préfet qui sait que le commissaire Torri est corrompu lui passe un savon 

    C’est Henry Silva la vedette du film dans le rôle de Lanzetta. Curieusement il est bien moins impavide et glacial que dans les autres films où il trimbale sa curieuse silhouette. Il a un jeu plus varié aussi, certes domine toujours son côté dur et froid, mais de temps à autre son visage s’égaye un peu, notamment à côté de Rina. Richard Conte dans le rôle de Don Carrasco fait presque de la figuration, son rôle est assez étroit. Gianni Garko est plus étonnant, il joue le rôle du fourbe commissaire Torri, donc un rôle un peu à contre-emploi. Il est très bien, passant de la colère à l’obséquiosité. Mais il l’ensemble de la distribution est excellente, Antonia Santilli est Rina, cette très belle femme n’a pas fait carrière, on se demande bien pourquoi, elle avait tout pour elle, elle savait montrer son cul, mais aussi jouer la comédie ! Vittorio Carioli est excellent dans le rôle du préfet atrabilaire qui se venge comme il peut sur le commissaire corrompu, tout comme Corrado Caipa qui est l’avocat Rizzo, aussi rusé que teigneux. 

    Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973 

    Lanzetta décide de nettoyer la bande de Cocchi 

    L’ensemble est donc très bon, plein d’adrénaline bien sûr, très représentatif du Polliziottesco, mais en même temps il affirme et affine le style de Di Léo, avec une très bonne photo de Franco Villa qui donne beaucoup de fluidité à l’ensemble. L’efficacité avant tout. Même si le film s’inscrit dans le cycle des films de mafia des années soixante-dix, il se distingue des films américains, ceux de Coppola par un plus grand cynisme et un plus grand détachement. A mon sens ça va un peu plus loin que la simple histoire de l’ascension d’un caïd. 

    Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973 

    L’avocat Rizzo félicite Pignataro 

    Le boss, il boss, Fernando di Leo, 1973 

    Lanzetta aura la peau de Pignataro

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