• Marathon man, John Schlesinger, 1975

     Marathon man, John Schlesinger, 1975

    C’est un thriller, avec beaucoup de rythme et d’action. Le scénario est une adaptation par l’auteur lui-même d’un roman à succès. Mais William Goldman c’était fait connaitre par des grands succès comme Harper ou Butch Cassisdy and the Sundance Kid. Ce qui nous intéresse ici c’est que le film s’inspire – plutôt de loin que de près du reste – de Josef Mengele, ce médecin nazi qui a échappé miraculeusement à toutes les traques pour mourir dans son lit en 1985 et qui était connu pour ses expériences douteuses sur des Juifs. Ici le personnage est édulcoré, sous le nom du docteur Szell, c’est un simple dentiste qui a fait fortune et qui se cache au Brésil. On ne saura pas quelles ont été précisément les exactions commises par celui qui est aussi présenté comme un criminel de guerre. Si on veut avoir une meilleure approche de Mengele, il vaut mieux lire Olivier Guez et son roman La disparition de Josef Mengele, dans lequel sa cavale misérable est décrite sur la base de témoignages sérieux[1]. Mais en 1975, on ne savait pas grand-chose de ce savant fou, on ne connaissait que ses crimes dans les camps de concentration. il restait un mystère pour l’opinion. C’est une production très typique des années soixante-dix. La réalisation a été confiée à John Schlesinger, réalisateur britannique, qui avait obtenu un succès énorme avec Midnight cowboy avec déjà Dustin Hoffmann. Toute cette époque semble maintenant très lointaine : en ce temps le cinéma pouvait construire des succès sur des vedettes au physique banal comme Dustin Hoffmann et avec des scénarios qui se voulaient aussi le véhicule d’une forme de conscience sociale, au-delà d’un simple divertissement. Dustin Hoffmann était le cœur même du projet et à cette époque lointaine, il était une énorme vedette. On n’était pas encore revenu dans les thrillers à des héros bodybuildés comme Schwarzenegger ou Stallone ou encore Bruce Willis. Les acteurs de petite taille comme Dustin Hofmann ou Al Pacino avaient toute leur chance.  

      Marathon man, John Schlesinger, 1975

    Thomas Levy est un étudiant en histoire, et il a comme passion de s’entraîner à Central Park pour faire le marathon. Tandis qu’il court, un Allemand, Klaus Szell, se rend dans une banque pour se livrer à de mystérieuses transactions. Sur le chemin du retour, il traverse la quartier juif, il se prend de bec avec un automobiliste juif, et cela provoque un accident. Cet accident va avoir des conséquences sur le long terme. Le frère de Klaus Szell est un criminel de guerre qui se terre au Brésil pour échapper aux commandos juifs qui sont à ses trousses. Et donc Christian Szell va être obligé de revenir sur New-York pour débloquer les diamants qui dorment dans un coffre de banque. « Doc »Levy qui est le propre frère de Thomas, participe sous le couvert d’une agence de renseignement américaine au trafic de diamant. Or il est victime à Paris de plusieurs tentatives d’assassinat. Dans le même temps Thomas va tomber amoureux d’une femme, Elsa, qui se prétend suisse. Leur romance prend du plomb dans l’aile quand ils sont tous les deux attaqués dans Central Park. De retour à New-York, « Doc » est heureux de retrouver son frère, tous les deux ont en commun le fait que leur père, un historien aussi, s’est suicidé au début des années cinquante dans le moment de la c hasse aux sorcières. Il invite Elsa et Thomas au restaurant, mais il piège la jeune femme qu’il accuse de ne pas être suisse, mais allemande. Cela fait un mini-scandale et les deux frères se disputent. « Doc » se rend ensuite à un mystérieux rendez-vous où il va rencontrer directement Christian Szell. Ça se passe mal, et après que « Doc » ait giflé Christian, ce dernier le tue. « Doc » a seulement de rentrer pour mourir dans les bras de son frère. Il ne dira rien. Cependant Szell et sa bande, à laquelle appartient aussi un membre de la police, pensent que Thomas détient des informations. Ils vont l’enlever et le torturer avec une roulette de dentiste. Très difficilement Thomas va arriver pourtant à s’échapper. Il va demander de l’aide à Elsa. Mais il va comprendre qu’elle est de mèche avec Szell. Il tuera le policier véreux et ses deux complices, mais Elsa a elle-même été tuée. Szell est retourné à la banque pour récupérer les diamants. Mais en traversant le quartier des diamantaires, une vieille femme le reconnait. Là encore il va échapper difficilement à ses poursuivants. C’est Thomas qui va finalement l’arrêter dans une sorte de château d’eau, Szell mourra finalement par lui-même, victime de sa cupidité. 

    Marathon man, John Schlesinger, 1975 

    Thomas est très amoureux d’Elsa 

    En mettant plus particulièrement l’accent sur l’action et les rebondissements permanents, le film en vient à oublier de faire exister les personnages. C’est souvent cela qui fait un thriller. Et donc on n’insistera pas sur le criminel de guerre qu’a été Szell. Certes on comprend bien qu’il incarne le mal, également qu’il est très cupide. Mais c’est un simple dentiste, on ne sait pas vraiment ce qu’il a durant la guerre. On comprend qu’il est à la tête d’un vaste réseau de trafiquants, que sa richesse le protège un peu, mais on ne sait pas comment il a échappé à la traque, ni ce que cherchent les policiers qui sont à ses trousses. Pour Janeway, c’est clair, en trahissant tout le monde, il cherche à mettre la main sur les diamants. Si je rentre un peu dans le détail, je me rend compte que deux frères, les frères Szell, sont opposés à deux autres frères, les frères Lévy. Ces derniers sont la mémoire de l’humanité, ils se battent aussi bien pour qu’on n’oublie pas leur père, scandaleusement poussé au suicide, mais aussi qu’on n’oublie pas les criminels de guerre. Si Thomas a choisi le métier d’historien, c’est pour entretenir la mémoire de son père. C’est la lutte entre le bien et le mal qui continue par d’autres moyens. On pourrait ajouter que la femme, Elsa, est ici l’instrument de la trahison, sans doute est-ce le personnage le plus faible du scénario, sa scène de séduction de Thomas paraît à contre-temps par rapport au déroulé de l’histoire. On ne comprend guère ses motivations, et surtout on ne sait pas si elle a vraiment du remord d’avoir abusé de la confiance de Thomas. Les deux frères Lévy sont opposés dans le caractère, l’étudiant est idéaliste, son aîné est pragmatique. Des invraisemblances, le scénario en fourmille. Par exemple le manque de méfiance de « Doc » qui va au rendez-vous fixé par Szell. On ne sait pas d’ailleurs comment la vindicte de Szell à l’égard de « Doc » et de son frère s’est développée. On pourrait aussi bien dire que lorsque le prudent Szell se rend dans le quartier des diamantaires juifs, il prend un risque bien inconsidéré. Cependant on peut justifié ce principe comme une sorte de défi que Szell lance à cette communauté : il ne tolère pas que les Juifs ait pignon sur rue, alors que lui craint la lumière du jour. Même si les allusions à de contextes politiques particuliers, les camps de concentration, ou la chasse aux sorcières, sont directes, il ne faudrait pas croire que le film a un message à faire passer.

     Marathon man, John Schlesinger, 1975 

    Chen tente de tuer « Doc » 

    L’ensemble est très rythmé, et Schlesinger utilise parfaitement les décors de New York, ville où se passent les trois-quarts du film. Comme dans de nombreux thrillers il y a une maniaquerie à nous faire faire du tourisme malgré nous, et donc on visitera un peu la forêt amazonienne, Paris, les puces de Saint-Ouen, l’opéra Garnier, ou encore la tour Effel.  On n’évitera pas le folklore des manifestations en vélo des Parisiens contre la pollution ! Cependant Schlesinger est tout à fait à l’aise avec les scènes de rue, que ce soit la fuite de Thomas dans la nuit, ou encore les déambulations de Szell dans le quartier des diamantaires. De même, il filme très bien les scènes d’action, que ce soit la tentative d’assassinat sur « Doc » avec une corde à piano, ou évidemment la torture du dentiste sur le jeune étudiant. La scène de rendez-vous au Palais Royal sous les arcades rappelle Charade de Stanley Donen, comme d’ailleurs les tueurs abominables qui portent leur cruauté sur la figure. Également la scène finale dans le château d’eau revient à des éléments classiques du film noir, comme les escaliers en spirale ou les plongées vertigineuses qui dessinent l’abime représentée par l’eau bouillonnante. Mais comme je l’ai dit un peu plus haut Schlesinger ne s’intéresse guère à ses personnages, ce qui rappelle un peu Hitchcock tout de même. Par  contre il y a de l’émotion quand deux anciens déportés reconnaissent Szell et tentent sans succès de l’arrêter dans l’indifférence de la foule newyorkaise. On voit Szell marcher imperturbablement, alors même qu’une vieille, visiblement choquée, hurle après lui. C’est peut-être la meilleure scène du film.  

    Marathon man, John Schlesinger, 1975

    Szell se prépare à quitter sa retraite brésilienne 

    C’était le deuxième film que Dustin Hoffmann tournait avec Schlesinger, après l’énorme succès de Midnight cowboy. C’est évidemment sur son nom que le film s’est monté. C’était l’époque des petits acteurs, et sa ressemblance avec Al Pacino était d’autant plus forte que Marthe Keller allait devenir la compagne de ce dernier. Dustin Hoffmann est un très bon acteur, et sa réputation n’est pas du tout usurpée. Il a une très bonne présence. Marthe Keller est moins à son aise. C’était, il faut le souligner, son premier film américain. Elle est beaucoup plus grande que Dustin Hoffmann, ce qui n’est pas très dur, mais c’est elle qui semble la plus gênée par cette différence. Laurence Olivier tient parfaitement le personnage de Szell, un mélange de force et de cruauté. La bonne idée a été de lui faire raser la tête. Et puis il y a le toujours très excellent Roy Scheider dans le rôle du frère aîné. Malheureusement, il disparaît au milieu du film. On reconnaîtra aussi William Devane dans le rôle du traître. Mais son rôle est peu développé. 

    Marathon man, John Schlesinger, 1975

    « Doc » va piéger Elsa au cours du diner 

    Malgré le passage des années, le film se voit encore très bien aujourd’hui, à condition de ne pas trop en demander, et surtout de ne pas attendre un film sur Mengele. La photo du grand Conrad L. Hall lui donne un côté très soigné, et la musique aussi est bonne. Comme on le voit, il y a suffisamment d’éléments pour qu’on voit ou revoit ce film aujourd’hui. 

    Marathon man, John Schlesinger, 1975 

    Szell a poignardé mortellement « Doc » 

    Marathon man, John Schlesinger, 1975 

    Szell s’apprête à torturer Thomas  

    Marathon man, John Schlesinger, 1975

    La fin est proche pour Szell



    [1] Paru aux éditions Grasset en 2017, ce roman avait obtenu le prix Renaudot la même année. Il y a une tendance dans le polar, ou dans le roman noir, à utiliser des faits réels en s’appuyant sur une documentation très sophistiquée, on trouve ça par exemple chez Philippe Jaenada aussi. Sont-ce encore des romans ? Ils ne peuvent cependant éviter le piège qui fait qu’immanquablement, même s’ils s’appuient sur des faits bien réels, ils oublient telle ou telle pièce du procès.

    « Dans l’ombre du brasier, Hervé Le Corre, Rivages, 2019Ces garçons qui venaient du Brésil, The boys from Brazil, Franklin F. Schaffner, 1978 »
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