• Traqués dans la ville, La citta si difende, Pietro Germi, 1951

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    C’est un vrai film noir, dans la tradition de Asphalt Jungle ou d’Ultime razzia. Tout démarre par un hold-up, quatre bandits dévalisent la recette du stade. Tout se passe à peu près bien sauf que dans leur fuite, poursuivis par la police, ils vont être obligés de se séparer. Guido et Alberto partent chacun de leur côté avec une valise pleine de monnaie – des lires, mais quand même ! A partir de ce moment-là tout va aller de mal en pis. En effet, ce sont des amateurs, et si dans un premier temps on ne les trouve pas, c’est justement pour ça. Mais leur amateurisme fait qu’ils n’ont guère de sang-froid.

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    La bande rafle plusieurs millions

     

    Ils vont donc multiplier les bêtises. Mais à travers celles-ci, c’est une lecture matérialiste de leurs conditions d’existence qui expliquent pourquoi ces quatres individus ont été amenés à voler. En effet, on n’est pas encore sorti de la période de reconstruction d’après-guerre. Les maisons sont dévastées, les logis insalubres, et le travail manque. Luigi est justement un chômeur qui en a assez de voir sa fille et sa femme manquer de presque tout. Guido est un peintre râté qui n’arrive même pas àpayer sa note de restaurants en vendant ses portraits. Alberto est aussi un jeune qui a manqué de tout, son père s’est tué à la tâche, sans résultat probant. Enfin, il y a Leandri, une ancienne gloire du football qui s’est cassé la jambe et qui a tout perdu, son argent et sa méaîtresse. Ce sont tous des déclassés, aucun n’est criminel par vocation, pourtant on en rencontrera de cette engeance.

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    Pendant le match, ils s’enfuient sans encombre

     

    Le film est une tragédie, et contrairement au Pietro Germi qu’on connait surtout à travers ses films des années soixante-dix, cela n’a rien de drôle. Il n’y a guère d’humour dans ces vies brisées et condamnées. Du reste ils finiront tous très mal. Leandri sera arrêté, Luigi se suicidera, Guido sera assassiné justement par des vraies canailles de vocation qui lui ont fait miroiter un passage vers la Corse où il pourrait se refaire une santé. Le contraste est évidemment renversant entre ces quatre apprenti-voleurs et la collection de brutes qui assassine sans réfléchir à autre chose qu’au gain immédiat que cela leur procurera.

    Le scénario est donc vraiment noir. S’il emprunte beaucoup aux films américains, le hold-up, le côté documentaire de la chasse aux voleurs, il reste pourtant très marqué par le néo-réalisme italien. Il y a une insistante, parfois un peu lourde, sur les aspects misérables de la vie de Guido et de Luigi. Cette approche particulière utilise des décors réels, et donc aussi une caméra très mobile qui s’adapte  aux accidents du terrain. Il y a un évident savoir-faire, même si les emprunts aux films noirs américains sont nombreux, comme ce long plan qui voit les malfrats chercher la sortie du stade.

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                    Après avoir récupéré une valise pleine de monnaie, Leandri va être dénoncé par son ancienne maîtresse

     

    Le scénario est dû à Germi lui-même, accompagné de Federico Fellini et de Luigi Comencini. On sait qu’au moins à cette époque les cinéastes italiens qui visaient aussi un public populaire, n’hésitaient pas à multiplier les collaboration, instaurant de fait un certain communisme artistique à Cinecitta.

    Il n’empêche que la réunion de ces plumes prestigieuses n’empêche pas toujours lemanque de rigueur. En effet, si l’histoire est sommes toutes banale, son traitement tient plus du film à sketches que d’une approche unanimiste. On épuise l’histoire de Leandri, avant de passer à celle de Luigi, puis on suit ensuite Guido et enfin Alberto. C’est le défaut le plus évident du film.

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    Lina est triste de voir que son mari a volé

     

    Il y a cependant de très belles scènes, assez inattendues dans ce genre de films. Notamment celle où la femme du portrait – on recycle un peu tous les clichés du film noir – se remémore sa rencontre avec Guido le peintre désargenté. Beaucoup de nostalgie et d’émotion chez cette femme riche qui s’ennuie et qui trouve quelque chose dans un simple regard. J’aime beaucoup aussi la scène de la fuite de Lina et Luigi dans le tramway. Lina est soulagée et heureuse quand elle présente à son mari les alliances qu’elle a pu retirer du Mont de piété et qu’elle a faites graver.

    Les acteurs sont très bons, souvent atypiques comme Paul Muller, acteur suisse au front immense qui joue le rôle du ténébreux Guido. Seule Gina Lollobrigida qui était encore à ses débuts, avait une surface. Elle n’a pourtant qu’un rôle assez bref, juste le temps de trahir son ancien amant. Renato Baldini qui joue Leandri était habitué à des romans photos, et sa carrière au cinéma n’aura pas grand-chose de remarquable. Plus intéressante est Cosetta Greco qui interprête Lina.

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    Luigi ne sait pas ce qu’il doit faire

     

    Si le film reste dans l’ensemble très dramatique, il y a tout de même une séquence assez grotesque avec cette famille de pêcheurs qui reçoivent Guido tout en mangeant des spaghetti dans une ambiance de crasse épouvantable. Toute la famille ricane en même temps, comme annonçant la mort prochaine de ce malheureux Guido. Ce passage semble tout droit sorti de l’univers de Fellini.

    Tout compte fait, ce Germi vaut beaucoup mieux que bien des films qu’il tournera après.

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    Elle se souvient de Guido qui lui avait fait son portrait dans un restaurant

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    Guido cherche à quitter la ville, mais la gare est cernée par la police

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    Alberto veut se jeter par la fenêtre 

    « La bête à l’affut, Pierre Chenal, 1959Michel Ciment, Kazan, Losey, édition définitive, Stock, 2009 »
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