• A cry in the night, Frank Tuttle, 1956

     A cry in the night, Frank Tuttle, 1956

    Frank Tuttle a eu une carrière chaotique, passant du succès à l’échec, mais aussi poursuivi par l’HUAC, ce qui a entravé son travail. Il n’empêche que si tout n’est pas très bon dans son œuvre, il a laissé quelques films noirs qui valent le détour, dont le fameux This gun for hire, ou Gunman in the streets[1], ou encore Hell on Frisco bay. A cry in the night est son avant dernier film.

    Le sujet est emprunté à un roman de Whit Masterson, un des pseudonymes qui servait à un duo d’auteurs, Robert Wade et Bill Miller, à fournir des romans noirs qui furent la plupart traduits en Série noire, ou dans la collection Un mystère. Sous le pseudonyme de Wade Miller, ils ont également écrit une vingtaine de romans, dont la moitié environ ont été publiés en France à la Série noire et dans la collection Un mystère. Plusieurs de leurs romans ont été adaptés à l’écran, mais il n’y a eu guère de films remarquables, si ce n’est ce A cry in the night.  

    A cry in the night, Frank Tuttle, 1956

    Sur une colline de Los Angeles, les jeunes amoureux se donnent rendez-vous. Ainsi Elizabeth et Owen qui rêvent de se marier. Mais ils sont espionnés par un pervers. Owen s’en aperçoit, il part à sa poursuite, mais le voyeur l’assomme, et emporte avec lui sa voiture et Elizabeth. Peu après, une patrouille de police va ramasser Owen qu’elle croit ivre et qu’elle ramène au poste. Mais un médecin se rend compte que Owen n’est pas ivre. La police doit l’admettre et découvre que sa fiancée qui n’est autre que la fille du commissaire Taggart, a été enlevée. La police va s’activer et mettre au courant Taggart qui va aussi participer à l’enquête. Des barrages sont installés pour boucler le périmètre et limiter le champ de l’enquête. Tandis que Liz est confronté à son ravisseur, un colosse qui ne semble pas avoir toute sa tête, la mère de celui-ci le déclare disparu auprès de la police. Ce simple fait va mettre la police sur la piste de Loftus. Ils vont obtenir des renseignements auprès de sa mère. Bientôt la police repère la vieille voiture de Loftus devant une briqueterie abandonnée. Il ne reste plus qu’à l’investir et à délivrer Liz. Loftus est capturé, et tout est rentré dans l’ordre. 

    A cry in the night, Frank Tuttle, 1956 

    Liz et Owen sont sur la colline des amoureux 

    Plus que l’enquête sur le kidnapping, le thème principal est finalement celui de Loftus, le portrait d’un psychopathe qui souffre d’abord de la domination de sa mère qui l’a empêché par sa tyrannie de devenir adulte. C’est la partie la plus réussie. Ensuite il y a en arrière-plan l’analyse d’une famille américaine, dominée par un policier qui croit à l’ordre. Le film va montrer que sa rigidité nuit finalement à toute le monde puisqu’en effet, si Liz a été sur la colline où elle s’est faite enlever, c’est bien parce que Taggart refuse qu’elle ait des relations avec des garçons. Sans doute cherche-t-il à la protéger, mais sa propre sœur qui ne s’est jamais mariée a souffert aussi par le passé de sa dureté puisque Taggart a chassé son fiancé qu’il considérait comme un bon à rien. L’enlèvement est donc aussi le révélateur de tensions anciennes et enfouies au sein de la famille qui préfère afficher son harmonie artificielle. Cet enlèvement opérera sur Taggart comme une révélation, et à la fin on comprend qu’il a profondément changé. Taggart et Loftus sont les deux faces d’un même malaise :  se heurtant chacun à leur manière à des rigidité sociales qui les empêchent de vivre. Liz aussi va changer et va s’intéresser finalement à la personnalité de Loftus, même si évidemment elle en a peur. Elle va faire cependant l’effort de le comprendre et se rapprocher de lui. C’est un thème plus banal aujourd’hui, la victime qui finalement plaint son bourreau. 

    A cry in the night, Frank Tuttle, 1956 

    Dan et sa femme s’inquiètent de leur fille 

    Il y a donc dans ce film une pluralité de thèmes qui est intéressante, d’autant qu’il ne dure qu’un peu plus d’une heure. La mise en scène est solide, rythmée, avec une utilisation particulière des décors de la briqueterie. Frank Tuttle aime toujours filmer ces usines abandonnées, spectacle de la désolation du monde moderne. C’était déjà le cas dans This gun for hire et dans Gunman in the streets. Il prend plaisir à en souligner l’étrangeté des lieux où s’enferme Loftus, à travers les murs effondrés, les arcades qui ne mènent nulle part. cette vision labyrinthique s’oppose à la maison ordinaire des Taggart, propre et bien rangée, sans surprise, mais qui camoufle de vieilles rancœurs. Les autres scènes, celles du commissariat, sont plus ordinaires, même si elles sont bien rythmées et bien filmées. L’ensemble se passe pratiquement en une nuit, et donc le film ne verra jamais la lumière du jour. C’est aussi un choix esthétique intéressant. 

    A cry in the night, Frank Tuttle, 1956 

    Harold regarde Liz dormir 

    Si l’on s’en fie à l’affiche, le héros devrait être Taggart, interprété par Edmond O’Brien. En réalité c’est Raymond Burr dans le rôle de Loftus qui est la figure la plus remarquable de la distribution et la plus intéressante. Il est excellent comme toujours quand il se saisit des rôles de psychopathes. Il az souvent joué ce type de personnage où sa masse physique s’oppose à la fragilité de son esprit. On souffre pour lui. Edmond O’Brien est bon, bien sûr, mais il est moins remarquable que dans ses autres premiers rôles qu’il a occupés. Il y a aussi Brian Donlevy dans le rôle du commissaire Battles, mais qu’il y soit ou pas, cela ne change pas grand-chose. C’est un acteur raide, sans charisme, presque transparent. Natalie Wood qui avait l’âge du rôle, soit dix-huit ans est vraiment excellente dans le rôle compliqué de la jeune Liz. Compliqué parce qu’elle passe par des phases d’angoisse à de la pitié pour ce pauvre Loftus. Les autres acteurs sont très bons aussi, Richard Anderson dans le rôle de l’amoureux transis, Owen, ou Carol Veazie dans celui de la mère abusive de Loftus. 

    A cry in the night, Frank Tuttle, 1956 

    La police pense que Loftus est dans la briqueterie abandonnée 

    C’est un très bon film noir, trop injustement oublié. Frank Tuttle est un réalisateur important du cycle classique du film noir, on peut regretter que de nombreux autres films de ce réalisateur ne soient pas disponibles sur le marché français. Il y en a encore quelques-uns à redécouvrir

    A cry in the night, Frank Tuttle, 1956 

    Le père de Liz arrive

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/le-traque-gunman-in-the-streets-frank-tuttle-1950-a117644866

    « Le tueur de Boston, The strangler, Burt Topper, 1964Le bouclier du crime, Shield for murder, Edmond O’Brien & Howard W. Koch, 1954 »
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