-
Des nouvelles de Frédéric Dard et de son double !
Le Monde de San-Antonio vient de publier son 98ème numéro. Celui-ci me tient particulièrement à cœur parce que j’ai travaillé à l’édition des nouvelles de Frédéric Dard, sous son nom comme sous ses différents pseudonymes, me doutant bien toutefois qu’il serait toujours très difficile de boucler la boucle. Parfois ce sont de nouveaux pseudonymes qu’on découvre, d’autrefois ce sont des nouvelles signées Frédéric Dard. Lionel Guerdoux s’y est particulièrement employé dans les deux cas. Donc voici une nouvelle signée Frédéric Dard qui n’avait été éditée qu’une seule fois en janvier 1944 dans L’illustré, un magazine suisse ! C’est une nouvelle dont l’action se passe dans le Grand Nord, thème que Frédéric Dard avait beaucoup exploité dans sa jeunesse, parfois sur un ton grave, parfois avec une manière plus enlevée. Cette nouvelle retrouvée est intitulée La corde au cou. Si les nouvelles que Frédéric Dard a écrites sur l’Amérique, sont souvent amusantes et parodiques, ici le ton est grave et évoque le suicide par pendaison, thème vers lequel Frédéric Dard reviendra souvent comme une fascination qui le conduira d’ailleurs lui-même à tenter le Diable avec une corde[1]. C’est une nouvelle indispensable qui vient compléter toutes celles qu’il a écrites sur le Grand Nord, le froid, la misère des chiens de traineau. Mais il y a aussi les rapports compliqués entre les blancs et les autochtones. L’influence de Jack London – avec ce sens du tragique très particulier – et de Maurice Constantin-Weyer est très sensible. Ces deux auteurs avaient de très gros succès. Si le premier a conservé son prestige de grand écrivain, le second, un auteur français fasciné par les Amériques, est très oublié de nos jours, alors que ses œuvres se vendaient très bien et qu’elles avaient été portées avec succès au cinéma. Cette nouvelle tragique est présentée par l’ami Jacques Bernard qui explique combien il fut à la fois compliqué et hasardeux de la retrouver et qui souligne fort justement la qualité de l’écriture de ce jeune homme de 22 ans. Cette nouvelle justifie évidemment l’existence de MSA qui, nous dit-on par ailleurs pourrait très bien disparaître, ce que nous regretterions beaucoup évidemment car ce bulletin nous a beaucoup apporté en inédits bien sûr, mais aussi en amitiés.
Par ailleurs, et semble-t-il toujours à l’initiative de Joséphine Dard qui se démène beaucoup pour la gloire de son père, Ivan Brytov vient de publier un ouvrage luxueux sur L’épopée d’Armand de Caro. Cet ouvrage complète celui de Loïc Artiaga & Matthieu Letourneux dont j’ai déjà parlé[2]. Bien entendu la liaison avec Frédéric Dard est évidente. D’abord parce que Frédéric Dard sous son nom et sous divers pseudonymes a été un pilier de cette maison d’édition, ensuite parce que sa fille Joséphine est aussi la petite fille d’Armand de Caro. Celui-ci a été l’un des créateurs du Fleuve Noir, révolutionnant le système de production et de distribution de la littérature populaire. L’ouvrage est richement illustré, mettant en valeur l’esthétique très particulière des collections développées par le Fleuve Noir de la série La Flamme – romans plus ou moins érotiques pourchassés par la censure – jusqu’à la collection Engrenages. Une large place est faite aux illustrations de Michel Gourdon qui aujourd’hui sont très valorisées, alors que dans les années soixante on les décrivait comme vulgaires. Mais à l’époque Frédéric Dard n’était pas considéré comme un grand écrivain, il fallait le lire en cachette pour ne pas subir des moqueries, on lui préférait des auteurs qui aujourd’hui sont cruellement oubliés mais qui avaient les honneurs des suppléments littéraires du Monde ou du Figaro. Cet ouvrage seulement vendu par la librairie L’amour du noir, a été tiré en un tout petit nombre d’exemplaires et deviendra rapidement rare et recherché ! Il contient des photos inédites, mais aussi des petites notices intéressantes.
Bref tout cela nous incite à revenir vers l’œuvre multiforme et passionnante de Frédéric Dard, si par hasard on s’en serait un peu éloigné : un véritable fleuve qui a finalement mis la critique à ses pieds !
« Les tueurs sont nos invités, Gli assassini sono nostri ospiti, Vincenzo Rigo, 1974Les copains d’Eddie Coyle, The Friends of Eddie Coyle, Peter Yates, 1973 »
Tags : Frédéric Dard, San-Antonio, Fleuve Noir
-
Commentaires