• 8 femmes en noir, Victor Merenda, 1957

    A l’origine il s’agit d’une pièce à l’argument policier de Robert Thomas, adaptée et dialoguée par Frédéric Dard. Le film a été aussi présenté sous le titre de La nuit des suspectes. L’argument est assez mince et ressemble plutôt à une commande. Un homme a été tué d’un coup de révolver. Riche homme d’affaire, il vivait dans une belle demeure entouré de huit femmes : son épouse, sa belle-mère, ses deux filles, ses deux domestiques et sa sœur. L’inspecteur chargé de l’affaire se rend rapidement compte que toutes ces femmes ont quelque chose à cacher. Elles mentent effrontément. Evidemment le policier résoudra le mystère celui-ci n’étant pas ce qu’on croit. Il procède en éliminant les suspectes les unes après les autres à la manière d’Hercule Poirot. En même temps qu’il enquête sur ces femmes, il est comme aspiré par leur pouvoir de séduction. L’ensemble donne une image des femmes assez négative puisque la seule qui paraît conserver un peu de conscience est la plus jeune, celle qui n’a pas été encore déçue  par l’amour.

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    Petit film fauché, la réalisation est plutôt médiocre ce qui le rend assez ennuyeux. Mais les acteurs, assez peu connus, sont bons et bien choisis avec des physiques plutôt inhabituels, particulièrement Yves Massard qui joue le rôle de l’enquêteur ironique.

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    On donnera une mention spéciale à Béatrice Arnac, dont le nom est orthographié pour le film Arnar. Elle joue le rôle sulfureux de la sœur du défunt, elle drague ouvertement le policier qui ne sait trop comment répondre. Pour la petite histoire Béatrice Arnac d’Axa est une chanteuse très engagée[i], toujours en activité, petite fille de l’anarchiste Zo d’Axa. La musique de Philippe-Gérard est particulièrement horrible.

    La disparité dans la manière de filmer semble valider la thèse selon laquelle Dard lui-même aurait participé à la réalisation du film, remplaçant au pied levé Merenda malade. Les plans de confrontation tête à tête dans le grand salon, rappellent d’autres scènes qu’on peut voir dans Une gueule comme la mienne. Il y a aussi de nombreuses allusions à un auteur qui s’appelle San-Antonio ! Augusta, femme hystérique jouée par Yvor Bella, apparaît comme dérangée, elle cache Des gueules d’enterrement sous son oreiller. Le policier apprécie lui aussi les San-Antonio.

     

    La quasi intégralité des noms au générique de ce film appartiennent à l’univers de la série B à la française. Robert Thomas s’illustrera en tant que réalisateur dans des navets comme Mon curé chez les nudistes ou encore Mon curé chez les Thaïlandaises. Yves Massard ou parfois Yves Massart jouera dans Adorables démons film de Maurice Cloche qui lui-même a travaillé avec Frédéric Dard.  

     

    Victor Merenda n’a pas tourné énormément de films. Mais ils semblent tous devoir quelque chose à Frédéric Dard. Ses deux autres films sont : Sursis pour un vivant, scénario et dialogue de Frédéric Dard d’après une nouvelle d’André Maurois, et Le cave est piégé qui porte aussi le titre de Chasse à l’homme et qui est tiré d’un ouvrage publié par Yvan Noé qui est également une couverture de Dard. 8 femmes en noir n’a été distribué en France qu’en 1960.

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    Un remake de ce film a été réalisé par François Ozon en 2001 sous le titre de 8 femmes qui était d’ailleurs le titre initial de la pièce. Mais ce dernier ne dit jamais qu’il s’est inspiré du film de Merenda pour tourner le sien. Ce film est aussi mauvais d’ailleurs que le précédent, même s’il a bénéficié d’un budget beaucoup plus important et s’il a connu un succès commercial important.



    [i] Béatrice Arnac a chanté entre autre Pierre Mac Orlan et Marcel Aymé,

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  • sanxay-holding-2.jpgMax Ophuls considérait lui-même son film comme mineur. Film à petit budget, mal accueilli à sa sortie, il bénéficie pourtant aujourd’hui d’une certaine aura. Redécouvert périodiquement, il bénéfice d’une attention un peu étrange. On le regarde comme une sorte de film intermédiaire entre le film noir et le mélodrame.

    C’est d’abord l’adaptation d’un excellent roman de Elisabeth Sanxay Holding, The blank wall, paru en 1947 et traduit en 1953 à la Série noire sous le titre Au pied du mur ou le diable ne fait pas de crédit. Il faut probablement partir du roman pour comprendre tout ce qu’Ophuls a manqué.

    Une mère de famille est victime de sa propre fille. Celle-ci, elle a 17 ans et est à la recherche de sensations fortes, s’est amourachée d’une sorte de bellâtre. La mère veut mettre un terme à cette relation, mais l’homme va essayer de la faire chanter. La nuit même, ce sinistre individu retrouve la jeune fille, et celle-ci comprenant qu’il s’est joué d’elle le tue accidentellement.

    La mère qui a le sens de la famille jusqu’au sacrifice, va essayer de camoufler le crime en se débarrassant du corps. Mais elle va être victime à son tour d’une paire de maîtres chanteurs dont elle n’arrive pas à se débarrasser. Elle sera sauvée par l’un des deux voyous qui va se prendre de sympathie pour elle, jusqu’à en mourir. Tout rentrera dans l’ordre, et notre mère de famille dévouée attendra encore que son mari revienne.

    sanxay-holding.jpgC’est à la fois la trame du roman et celle du film. Pour autant, on peut dire que le film trahit l’histoire. Bien moins audacieux, il procède à plusieurs aménagements qui affaiblissent le message. D’abord, dans le roman, le chantage s’exerce sur la mère à propos de lettres qui racontent que la jeune fille a couché avec le pâle voyou. Dans le film elle reste vierge et au contraire se protège. La transposition est d’importance car dans Au pied du mur, ce qui est important, c’est d’abord l’opinion de la communauté dans laquelle la famille est insérée.

    La seconde différence est que le roman est entièrement fondé sur la peur : la mère a peur et surtout elle se sent isolée. Isolée dans sa maison, elle craint en permanence une agression extérieure. Dans le film elle ne connaît ni la peur ni le doute. C’est probablement cette modification majeure dans l’approche de l’histoire qui empêche le film d’être devenu une référence du film noir. Max Ophuls n’a pas d’idée particulière sur la dilatation nécessaire au suspense. C’est quelque chose qu’il ne sait pas faire. Si bien que les moments dramatiques sont curieusement aplatis

    Enfin, l’action a été transposée de la côte Est des Etats-Unis à Balboa, près de Los Angeles. Cette transposition ne permet pas d’utiliser le puritanisme du milieu local, car dans le roman, si on trouve bien une critique du mode de vie de la classe moyenne américaine, la réaction de l’entourage est le principal catalyseur du comportement de cette mère de famille. Et bien sûr Los Angeles n’est pas une région particulièrement puritaine. vlcsnap-2010-06-12-20h21m39s59.png

    hitchens.jpgTechniquement le film est intéressant, à cause des nombreux plan-séquence, et Joan Bennett est excellente, elle ressemble un peu à Dolores HItchen. James Mason lui, au contraire, paraît étrangement absent, et on a du mal à suivre son évolution mentale. Film de commande, Max Ophuls est arrivé sur le projet alors que le scénario existait déjà, il n’a fait que des modifications mineures, la distribution était déjà faite.

    Mais c’est peut-être aussi l’occasion de s’intéresser à nouveau à Elisabeth Sanxay Holding qui a produit quelques romans intéressants l’apparentant à cette lignée de romancières américaines. La description désabusée du milieu social participe de ce courant et la rapproche des meilleurs ouvrages de Dolorès Hitchens. Elles ont un parcours un peu similaire, passant du roman léger au roman noir comme une conséquence de la transformation radicale de la société américaine entre 1930 et 1945 vers un univers consumériste qui enferme les individus comme les consciences. La candide madame Duff est un autre opus excellent de ce style, publié aux Etats-Unis en 1946, il a été aussi massacré par Jean-Pierre Mocky.

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  • Quand tu liras cette lettre, 1953

    C’est un film que Melville considérait comme raté, ce qui explique probablement qu’il passe très peu à la télévision et qu’il n’existe pas en DVD. Le film date de 1953. Melville n’a pas encore connu le succès. Il a seulement réalisé deux longs métrages : Le silence de la mer, d’après Vercors et Les enfants terribles qui est de fait plus un film de Cocteau qu’un film de Melville.

    Plus qu’un mélodrame, Quand tu liras cette lettre est d’abord un tournant vers le film noir. Juliette Gréco joue le rôle de Thérèse Voise qui fait une escapade en dehors du couvent pour aider sa jeune sœur, Denise, qui doit assumer le décès de ses parents. Les sœurs Voise vont donc essayer de remonter la papèterie familiale avant que Thérèse ne retourne prononcer ses vœux au couvent. Mais évidemment le hasard s’en mêle. Denise va croiser sur son chemin une petite canaille, Max, jouée par Philippe Lemaire. Mi-maquereau, mi-mécanicien, il est venu à Cannes pour draguer les riches estivantes. Mais rapidement le vaudeville va tourner au drame noir, car Max, impatient de consommer sa relation avec Denise va tout simplement la violer. Celle-ci va faire une tentative de suicide. La puritaine Thérèse va poursuivre Max, le menacer même d’un revolver, de façon à ce qu’il répare sa faute en épousant la malheureuse Denise.

    Quand tu liras cette lettre, 1953

    L’intrigue étant à tiroirs, c’est au tour de Thérèse de succomber aux charmes de Max. et d’ailleurs celui-ci n’est pas insensible à sa beauté impavide. Mais Thérèse est une femme de devoir. Elle refuse de céder et poursuit son but : faire en sorte que Denise soit mariée à Max. La fin sera dramatique, Thérèse partira finalement à la rencontre de Max, mais celui-ci se fera écraser par le train qui était sensé l’amener à Marseille.

    Certes ce n’est pas un chef d’œuvre, mais ce film annonce plusieurs thématiques que nous retrouverons dans la suite de la carrière de Jean-Pierre Melville. Bien que personne n’y ait prêté attention, le personnage de Thérèse ressemble à la fois à Barny pour cette espèce de quête spirituelle échevelée et à Léon Morin pour l’ascétisme mortifère de Léon Morin Prêtre. La façon dont Thérèse est filmée, impavide, saisie en contreplongée, rappelle Léon Morin du haut de son escalier regardant Barny venir à lui. Melville qui se définissait comme athée est dans les deux cas parfaitement fasciné par la religion catholique. Dans les deux films la quête d’une haute spiritualité ressort de pulsions sexuelles étranges autant que fortes : la passion est leur dénominateur commun.

    Quand tu liras cette lettre, 1953

    Denitza Bentcheva a souligné l’importance de ce film comme brouillon des films noirs de Melville : c’est aussi bien la description de la boîte de nuit que celle d’un milieu interlope de petits margoulins. Daniel Cauchy joue à cet égard le rôle de passeur puisqu’on le retrouvera dans Bob le flambeur, premier film noir de Melville. Le combat de boxe fera ultérieurement l’ouverture de l’aîné des Ferchaux.

    Quand tu liras cette lettre, 1953

    Tous ces éléments en font bien sûr un film de Melville, au-delà de la simple commande commerciale. Seul l’élément maladif de la relation amoureuse est assez étrange dans l’œuvre de Melville. Et si le film souffre de nombreuses insuffisances, cela vient plutôt du fait qu’à cette époque Melville se cherche, qu’il ne sait pas encore quelle sera sa thématique. L’interprétation est tout à fait remarquable. Juliette Gréco n’a jamais été meilleure : amaigrie, les cheveux tirés en une coiffure austère, elle est l’image même de la passion. Philippe Lemaire qui deviendra ensuite son époux, est, dans le rôle de la petite crapule à contre-emploi. Jusqu’alors, il était cantonné dans des rôles de gentils jeune-premiers. Personnage lâche et mesquin, il retrouvera ensuite ce registre dans L’étrange Monsieur Stève. L’utilisation des décors de Cannes et de la Côte d’Azur est également étonnante. Tout y est gris sous un ciel chargé d’orages. Le film reçu un accueil médiocre à sa sortie, et le public le bouda. Mais il est intéressant de le resituer dans la perspective de la cinématographie melvillienne. 

    Quand tu liras cette lettre, 1953

    Bibliographie

    Denitza Bantechva, Jean-Pierre Melville, Editions du Revif, 2004.

    Rui Nogueira, Le cinéma selon Jean-Pierre Melville, Seghers, 1974

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  • LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    Nightmare alley est souvent considéré comme un chef d’œuvre du film noir, et sa réputation n’est pas usurpée. C’est un film qui s’est comme bonifié au fil du temps, tourné en 1947, il est le couronnement de l’âge d’or d’Hollywood. Sa force repose principalement sur trois piliers : un scénario excellent, une mise en scène des plus rigoureuses et une interprétation magique de Tyrone Power, acteur génial mais injustement oublié dont le dernier film fut Témoin à charge de Billy Wilder, autre grand film noir.
    Le film est tiré du roman éponyme de William Lindsay Gresham, le même qui avait déjà écrit sur Houdini le grand magicien. Stan Carlisle est un jeune homme ambitieux et pressé qui se sert de sa capacité à séduire pour avancer dans la vie. Il travaille dans un cirque miteux où il apprend les rudiments du métier de magicien et de voyant. Malheureusement son ambition va le conduire bien au-delà de la gloire. Il va connaître de grands succès publics, mais ensuite il voudra se servir de ses trucages et de ses petites malices pour gruger dans les grandes largeurs de riches hommes d’affaires.

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    Ce sera le début de la fin, car dans sa quête de la gloire, il rencontrera une femme bien plus retorse que lui qui le grugera et le forcera à fuir jusqu’à sombrer dans l’alcoolisme. On notera d’ailleurs que l’auteur du roman, W. L. Gresham non seulement avait connu des problèmes douloureux avec l’alcool, mais qu’il en mourra relativement jeune.
    La mise en scène de Goulding dont c’est ici probablement le film le plus abouti, utilise parfaitement la scansion du récit : on passe du petit cirque minable et glauque, habitué aux tournées provinciales, à la lumière vive et brillante des grands cabarets de luxe de Chicago. La description du petit peuple des forains est toute en finesse, sans surcharge. Peu d’images d’extérieurs, le film resserre son discours sur la psychologie des personnages : les regards sont privilégiés qui mettent en lumière les mensonges et les naïvetés des protagonistes. Mais cette volonté de pénétrer les méandres de cerveaux torturés n’empêche pas Goulding de se concentrer sur l’action : ainsi la scène où Carlisle tente de faire croire au retour d’entre les morts de l’amour disparu d’un vieux milliardaire est extraordinaire de suspense : commençant dans un onirisme convenu, elle se termine dans la confusion la plus totale pour Carlisle.

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    Tous les acteurs sont parfaitement bien choisis, particulièrement en ce qui concerne le rôle des trois femmes qui entourent Carlisle et qui sont autant de faces différentes de la femme : Joan Blondell dans le rôle de Zeena, la chiromancienne fatiguée au grand cœur, Coleen Gray dans le rôle de la tendre et naïve Molly et bien sûr Helen Walker dans celui de la psychologue rapace et manipulatrice qui fera de Carlisle un pantin.

    Mais le plus surprenant est Tyrone Power qui passe sans problème du rôle du jeune homme ambitieux et plein d’énergie, à l’homme arrivé qui manipule ses contemporains, sanglé dans un smoking du plus bel effet, jusqu’à l’épave alcoolique qui ne fera guère mieux que de revenir au point de départ. La mine défaite, les yeux tombant, Carlisle redevient le monstre de foire qu’il croyait avoir fuit à jamais.

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY) 

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    LE CHARLATAN (NIGHTMARE ALLEY)

    Bien que la fin puisse laisser croire à un happy end, Molly forte de son amour sauve Carlisle, elle laisse entendre cependant que Carlisle pourrait bien avoir remplacé Pete dans le rôle de l’épave et Molly celui de Zeena, femme désabusée autant que volage. Il faut accorder une mention spéciale aussi à la photographie de Lee Garmes. Ce grand professionnel d’Hollywood qui eut une très longue carrière a signé la photo de nombreux films noirs : Caught, Detective Story ou encore Scarface.

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  • Le Gouffre aux chimères
    a une réputation de chef-d’œuvre maudit. Et cette réputation n’est pas usurpée. Le film est non seulement d’une incroyable actualité, mais en outre, il s’appuie aussi bien sur un scénario d’une grande complexité que sur une grande virtuosité de la mise en scène.

    Tatum est un journaliste cynique et désabusé. S’étant fait virer de tous les journaux où il exerçait ses douteux talents, il échoue à Albuquerque et se fait embauché dans un quotidien sans âme et sans saveur. Rapidement il s’y ennuie, il ne rêve que de retrouver le grand frisson des grands reportages qui transportent le public et boostent les ventes. On connait le sujet : d’une manière opportune, Tatum a la possibilité de faire un reportage retentissant sur un homme qui, voulant piller des lieux sacrés pour s’approprier des poteries indiennes, va rester coincé sous des éboulis, presqu’enterré vivant. Voyant rapidement l’impact qu’une telle histoire peut avoir sur le public, notre journaliste dans la débine va la bidonner légèrement : au lieu de sortir Leo par les voies les plus simples, étayer les galeries et déblayer les rochers, il choisit de mettre en œuvre une foreuse pour passer au travers de la montagne. L’avantage de cette technique est de faire durer le suspense au moins une semaine. L’issue de cette magouille sera dramatique et

    Le premier aspect du film, celui que tout le monde a souligné, est une critique acerbe du milieu du journalisme. Et d’ailleurs ce ne sera pas la dernière fois que Billy Wilder va s’en prendre aux pratiques douteuses de la presse qui cherche plus le sensationnalisme qu’à informer. Mais cette mauvaise pratique des journalistes ne pourrait exister sans la complicité de la population. Car ici, tout le monde est corrompu : Leo, l’homme coincé dans son trou, il est bien puni de sa cupidité. Sa femme qui s’empresse de mettre les voiles dès qu’il est dans la difficulté, au moment où il aurait le plus besoin d’elle. Mais aussi le shérif dont le seul objectif est de paraître actif de façon à être réélu, alors qu’il est dans une mauvaise passe.  

    Contrairement à ce qu’on a pu dire c’est un film moral. Car à cette exubérance du cirque qui se monte autour de l’agonie de Leo, il y a la sincérité et le désarroi de ses parents. Au mercantilisme exacerbé des uns et des autres finira par s’opposer la rédemption tardive de Tatum.

     

     

    Le plus intéressant du film est sans doute les relations entre Tatum et Leo. Car la façon dont ils se rencontrent, Kirk Douglas semblant toujours surgir d’un trou, c’est bien la mise en relation de deux mondes biens différents qui finissent par se rejoindre dans leur condition d’êtres humains : c’est le point de passage qui va finir par mettre Kirk Douglas sur la voie de la rédemption.

    Les destinées de Leo et de Tatum sont absolument liées. Non seulement, ils partagent la même femme, mais lorsque Leo meurt, Tatum le suivra de près. La dernière partie du film, justement celle qui nous fait comprendre combien les deux hommes ne peuvent exister l’un sans l’autre, est fascinante.

    Tout est  parfait dans ce film. L’interprétation et la direction des acteurs sont formidables. A commencer par Kirk Douglas dont l’énergie mauvaise subjugue l’ensemble du film et qui déjà s’impliquait à 100% dans les films où il jouait. Mais Jan Sterling dans le rôle de la salope de service est excellente aussi, campant entre vulgarité, naïveté et mauvaise foi.

    La photo de Charles B. Lang jr. est également époustouflante. Elle contribue pour beaucoup à ce que le film ait conservé malgré le temps cette modernité incroyable.

    Bref, c’est un chef-d’œuvre du film noir, et s’il n’a pas eu le succès que Wilder attendait il a eu ensuite une reconnaissance générale qui le range maintenant parmi les grands classiques de Billy Wilder.


    P.S. Ce film a la particularité d'avoir été novellisé par Frédéric Dard sous le nom d'Odette Ferry aux éditions Carroussel qui étaient une succursale du Fleuve Noir. 

     

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