• Frédéric Dard, Toi qui vivais, Fleuve Noir, 1958

     Frédéric Dard, Toi qui vivais, Fleuve Noir, 1958

    C’est un des meilleurs Frédéric Dard dans cette collection « Spécial Police ». Du roman noir comme on n’est plus capable d’en faire aujourd’hui, avec des retournements de situations constants et avec une approche psychologique du crime qui rappelle très souvent Boileau-Narcejac. Le livre est d’ailleurs dédicacé à Pierre Boileau qui l’avait soutenu pour qu’il obtienne le Grand Prix de la Littérature Policière pour Le bourreau pleure. Dard est dans ce genre au sommet de sa forme, et il va le rester encore quelques années, avant de se détacher de cette sorte de classicisme dans le crime.

    Bernard Sommet est endetté auprès de son « ami » Stephan, aussi riche qu’odieux, ne sachant trop comment s’en sortir, il imagine un crime parfait : il va tuer sa femme et son ami en faisant mine de les prendre en flagrant délit d’adultère, pensant que le jury aura de la compassion pour son crime, car à cette époque l’adultère est regardé sévèrement. Il va donc monter une machination diabolique. Mais rapidement le juge chargé de l’instruction de ce double meurtre non seulement manifeste de l’antipathie pour Bernard, mais encore il va trouver des éléments qui laissent penser que le crime a été prémédité. L’affaire est d’autant plus complexe que l’avocate de Bernard tombe amoureuse de lui. Le renversement arrive bientôt quand l’avocate lui apprend qu’en réalité les deux victimes entretenaient réellement une liaison.

    Les personnages sont tous misérables : Bernard bien entendu qui ne se rend compte que progressivement de sa propre nullité, et en effet qu’y a-t-il de plus douloureux à admettre que sa médiocrité native et ses ratages successifs ? Mais l’avocate n’est pas mal non plus dans le genre laissée pour compte, elle est handicapée sur le plan physique par une claudication, mais elle n’est pas très belle non plus, elle à la peau jaune et un peu rancie. Elle va sauter les pieds joints dans le piège de l’amour que lui tend Bernard. Le juge lui-même, derrière ses chemises usées et ses costumes fatigués, cache une rigidité de caractère bornée et malveillante.

    Le décor est celui de la banlieue ouest de Paris que Dard connaissait parfaitement puisqu’il habitait à cette époque les Mureaux. Cela donne au roman un côté très personnel, notamment quand il décrit l’ennui qui le saisit de vivre encore 15 ans après avec la même femme, la femme qu’il a épousée. C’est plein de surprises, quoique la fin soit un peu téléphonée. Une des raisons qui font que ce type de littérature ne peut plus avoir cours, c’est que la peine de mort a été abolie. Or un des éléments du suspenses et des réflexions de Bernard dépendent justement de savoir si il pourra échapper à la guillotine. 

     

     Frédéric Dard, Toi qui vivais, Fleuve Noir, 1958

     

    Un film a été tiré de cet ouvrage magnifiquement écrit. Signé André Berthomieu, ce même Berthomieu qui a servi de prête nom pour la novellisation de En légitime défense, il est aujourd’hui complètement invisible et n’a pas eu un très grand succès lors de sa sortie. 

    « Blood father, Jean-François Richet, 2016Le chasseur et autres histoires, Dashiell Hammett, Gallimard, 2016 »
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