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Blood father, Jean-François Richet, 2016
Parfois je me demande pourquoi je m’obstine à regarder des films récents, et ce n’est pas avec Blood father que je vais trouver la réponse. Sans doute cela vient d’une volonté de rester dans le coup, ou peut-être celle de vouloir comparer la cinématographie contemporaine avec celle du passé. Globalement cela n’est pas à l’avantage des films récents, surtout quand ils nous viennent d’Amérique. Je suis mieux disposé à l’écart des films asiatiques par exemple comme le montre ma recension élogieuse de A touch of sin.
John Link vit dans le désert
L’étonnant de ce film réside principalement dans le fait qu’il soit produit par une société française – qui semble là avoir voulu copier les principes de production de Luc Besson – et qu’il soit réalisé par Jean-François Richet qui dans le temps de sa jeunesse manifestait des ambitions de réalisateur. Certes les deux films sur Mesrine posaient des problèmes importants, mais au moins il y avait un vrai projet. En effet le scénario étant d’abord un véhicule pour Mel Gibson, il est très loin de l’univers du réalisateur français. L’histoire est des plus simples. Un ancien taulard, John Link, reconverti dans le désert pour y faire des tatouages, reçoit un jour un coup de fil de sa fille. Lydia vient en effet d’assassiner son petit ami qui est une crapule notoire, embringué dans un gang mexicain. Son père va la récupérer à Los Angeles et la ramène chez lui. Des tueurs sont sur sa piste et les ennuis commencent. Mais le père est un vieux de la vieille qui a fait le Vietnam et qui sait parfaitement se défendre. Le père et la fille vont pourtant devoir fuir, recherchés à la fois par la police et par les tueurs du gang mexicain, ils épuisent rapidement les relations qui auraient pu leur apporter de l’aide, et devront se battre eux-mêmes, seuls, dans des conditions difficiles.
Kirby intervient à temps avec ses amis pour sauver la mise à Link
L’histoire est simplissime et les caractères tout autant. En dehors de la succession des scènes d’action – scènes de genre on peut dire – les dialogues très pontifiants mettent l’accent sur la nécessité de renforcer les liens familiaux. Curieusement c’est un film à la fois vide et bavard. Autrement dit qui parle pour ne rien dire. Tout ça sur un fond bien-pensant de l’homme sur le chemin de la rédemption qui va avouer ses fautes chez les alcooliques anonymes, et ensuite ce sera la fille qui prendra la succession de son père dans ce rôle. Le film accumule les pires clichés : les gangsters mexicains cruels et déterminés autant que fourbes, les vieux bikers peu loyaux et qui ont intégré la nécessité de piquer le pognon quand c’est possible, la jeune fille autant ingénue que stupide qui s’en va répétant à qui veut l’entendre que malgré tout le guignol qui la pousse au crime l’aime. C’est évidemment une manie du cinéma américain en voie de dégénérescence que de ressasser les vieux clichés. Et Jean-François Richet accepte ce qui semble devenu une règle à Hollywood. On remplacera seulement les chevaux par des motos, et des indiens embusqués par des Mexicains tatoués et on filmera en contre plongée le danger qu’ils représentent pour des populations honnêtes en voie de rédemption. Certes les héros de ce pensum sont des créatures un peu dégénérées : le père est un ex-taulard, ex-alcoolique, et la fille une droguée doublée d’une meurtrière. Mais à part ça on comprend qu’ils ont bon fond et qu’ils ne rêvent que de recréer une vraie famille, et qu’en fait s’ils en sont là c’est la faute à une déveine particulièrement tenace qui les poursuit tous les deux. En plus de cela la fille est affublée d’une mère aussi riche que désinvolte.
Fuir est une occasion pour le père et la fille de faire connaissance
On sait que le très chrétien Mel Gibson est friand de ces histoires à connotation bibliques[1], on en retrouve la trace dans la relation quasi incestueuse entre la fille et le père : celle-ci promettant de ne jamais quitter celui-là. Certes on n’est pas tout à fait dans du Clint Eastwood, sinon on aurait eu droit au sacrement de ces noces de sang par un prêtre catholique de préférence, mais on n’en est pas très loin.
Chez les bikers, John Link se rend compte que les amis ne sont plus ce qu’ils étaient
Mais parlons cinématographe. On se demande pourquoi les producteurs ont été chercher Jean-François Richet pour la mise en œuvre de ce film. Il semble bien que n’importe quel tâcheron d’Hollywood, associé à un bon photographe, aurait pu tout aussi bien faire l’affaire. Certes on comprend bien pourquoi le réalisateur français a accepté : d’une part c’est très bien payé, et d’autre part cela le fait mieux connaître à Hollywood. Après tout, on peut trouver cela étrange, mais Mel Gibson a son public dans le monde entier. Bien que la photo soit un peu chichiteuse et insistant lourdement sur les rides de Mel Gibson, c’est dans l’ensemble plutôt bien filmé. Au fil des années Richet a en effet acquis un bagage technique qui lui donne à la fois le sens du rythme et une capacité certaine à saisir la profondeur de champ.
Grâce à sa moto John Link peut fuir les tueurs
L’interprétation est évidemment dominée par le monolithique Mel Gibson qui apparait ici en barbu excentrique dans le rôle de John Link – c’est la figure d’Abraham – et tatoué, jouant plus de ses rides que des subtilités et des finesses de la diction ou des attitudes corporelles. Il est donc extrêmement prévisible. Sa fille est un peu mieux, elle est interprétée par Erin Moriarty, c’est une bonne actrice, quoiqu’elle ait bien du mal à se faire passer pour une gamine de 17 ans. Les méchants Mexicains sont non seulement cruels, mais en plus ils sont ricanant et affectionnent surtout à se moquer de leurs victimes en avançant leurs grandes dents. Diego Luna dans le rôle de Jonah en rajoute des tonnes. Dans ce désastre artistique on reconnaîtra aussi William Macey dans le rôle de Kirby qui d’ordinaire est plutôt bon et qui, ici, semble s’être trompé de chemin et s’être perdu dans le désert.
John Link va consulter en prison un parrain
Le ridicule vient principalement du scénario, ce qui fait qu’on assiste à des scènes extravagantes comme celle où Mel Gibson fait sauter dans des conditions rocambolesques sa propre Harley Davidson. Ou encore le retour à la vie de Jonah qui ressemble plus à un zombie qu’à un être humain.
Le maléfique Jonah sera arrêté
Bref le passage de Richet à Hollywood est complètement raté. Mais il est vrai que j’ai peut-être des a priori car pour ma part je n’ai vu un seul film intéressant avec cet acteur, sauf peut-être le second épisode de Mad Max. Ce qui ne fait pas beaucoup dans la carrière d’un acteur qui occupe le devant de la scène depuis une bonne trentaine d’années.
[1] Il avait mis en scène lui-même le très controversé La passion du Christ, film à succès promotionné par les chrétiens radicaux qui aimaient bien son côté antisémite.
« La dame de Shangaï, Lady from Shangaï, Orson Welles, 1947Frédéric Dard, Toi qui vivais, Fleuve Noir, 1958 »
Tags : Mel Gibson, Jean-François Richet, Film noir, film de poursuite
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