• I was a communist for the FBI, Gordon Douglas, 1951

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    Ce film est censé avoir un aspect documentaire et donc permettre à la population d’être édifiée quant à l’ampleur de la menace communiste sur les Etats-Unis. Pour cela le film fait sa pub en racontant qu’il s’agit de l’histoire authentique d’un vrai agent du FBI Matt Cvetic. Il est bien possible que celui-ci ait existé. Et il est vrai que le FBI infiltrait le parti communiste au détriment de ses autres missions, notamment celles de lutter contre la mafia. L’emploi de moyens du FBI pour contrer la menace représentée par le parti communiste américain était tel qu’on a dit pas la suite qu’il y avait plus d’agents du FBI au parti communiste que de vrais militants. Je passe sur cet aspect des choses : à cette époque, et sans parler des coups que lui donne le FBI, le parti communiste est isolé au sein même de la gauche américaine à cause de son sectarisme et de son alignement sur Moscou, c’est une organisation en perte de vitesse.

    Le film va jouer sur ce rapport apparent avec la réalité. C’est une vieille ficelle du film noir hollywoodien que de chercher à se donner des airs de documentaires. Et du reste le film sera lauréat au titre de meilleur documentaire pour les Oscars ! Le terrain du film avait été préparé par une émission de radio populaire qui durera plusieurs années et qui déclinera l’anticommunisme sous toutes ses formes : les communistes manipulent les enfants à l’école, les communistes espionnent pour le compte d’un pays étranger, les communistes aiment l’argent facile, etc.

    L’histoire est très simple, voire simplette. Matt Cvetic, ouvrier métallurgiste à Pittsburgh, espionne le parti communiste pour le compte du FBI. Mais comme son action est secrète, il ne le dit même pas à sa famille. Ce qui lui cause beaucoup d’ennuis. Son fils est dégouté d’avoir un père traitre – car être communiste et trahir est la même chose – son frère se fâche avec lui. Et comme ça pendant des années. Il est cornaqué par des bureaucrates importants qui vont le faire rencontrer le chef du Parti communiste qui rêve de renverser la démocratie en Amérique. En même temps, il est sous la surveillance d’une jeune institutrice, car les communistes ont infiltré complètement les institutions scolaires.  

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    Dans le feu de l’action il va fomenter des grèves violentes évidemment pour mettre l’économie américaine en péril, car, comme on le sait, les ouvriers américains ne peuvent pas améliorer leur sort par l’action syndicale, mais seulement en travaillant plus. Il sera aussi contraint de commettre un attentat sur un de ses camarades pour que celui-ci soit remplacé par un membre du parti communiste. Mais la fin de l’histoire est très heureuse, car Matt va expliquer à toute sa famille pourquoi il a dû agir ainsi, se camoufler, et finalement mentir. Cela lui permettra de rendre sa fierté à son fils qui comprendra que son père a agi en bon patriote en dénonçant les traitres et la famille retrouvera son harmonie. 

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    Le FBI surveille les membres du part 

    Le film est d’abord un mensonge éhonté car ce qu’on sait du véritable Matt Cvetic n’a rien à voir avec ce héros qui fait le coup de feu, qui risque sa vie à tout moment. C’était dans la réalité un ivrogne qui battait sa femme. Il passait son temps à réclamer de l’argent au FBI, faisant monter les enchères, leur laissant croire qu’il avait quelque secret bien croustillant à révéler. Mais la moisson de renseignements qu’il apporta au FBI était plus que maigre. C’est pour cette raison que la FBI était d’abord réticent à ce que le cinéma s’empare de cette histoire pour la porter à l’écran. Il semble bien que si Matt Cvetic s’est mis à faire des révélations publiques, sous forme de mémoires et d’émissions de radio, ce soit d’abord parce que le FBI ne voulait plus de lui.

    Les historiens de la chasse aux sorcières pensent que le film n’a pas été commandité par le gouvernement fédéral, ni même part l’HUAC, mais ce sont plutôt la Warner qui aurait fait des excès de zèle, espérant par la échapper aux censeurs de l’HUAC.

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    Matt doit se cacher pour appeler le FBI 

    Dans le film Matt Cvetic est interprété par le sévère Frank Lovejoy, un physique aux antipodes de ce qu’était le vrai Matt Cvetic qui était plutôt un petit bonhomme gros au front dégarni. Mais cette transposition est nécessaire, car au-delà de la réalité il faut bien présenter cet infiltré comme une sorte de détective, solide sur ses jambes. On le verra d’ailleurs faire le coup de feu et occire plus ou moins directement deux méchants communistes. Il se transforme en détective pour suivre des individus plus que suspects, avec d’ailleurs des très belles scènes qui se passent la nuit et sous la pluie

    Les incohérences se succèdent. Ainsi, Matt est présenté comme un ouvrier métallurgiste, mais il est trop bien habillé pour cela et loge dans une maison spacieuse et richement meublée. Ou encore les communistes sont présentés comme des racistes qui montent les différentes ethnies les unes contre les autres, sans s’intéresser véritablement à leurs intérêts. Le plus grossier est sans doute cette apologie de la famille américaine, unie, patriotique, stable dans ses fondements, d’ailleurs le prêtre n’est jamais très loin. C’est une constance des films anticommunistes qui prennent pour cible les communistes américains que de les opposer à la famille « normale » et à la religion qui la couve. C’est à mon sens le centre du film, la lutte contre le communisme c’est d’abord la défense de la famille à l’américaine.

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    La belle institutrice qui est aussi son mentor est tout de même une militante sincère 

    Evidemment on n’échappera pas non plus au cliché moralisateur qui nous encourage à la délation et à la dénonciation de ceux qui visent à faire dévier l’Amérique de son destin. Les scènes finales où l’on voit le frère de Matt et son fils, les larmes aux yeux, approuver la dénonciation sans retenue qu’il fait au nom de l’Amérique sont tout à fait édifiante. Le thème  récurrent selon lequel « ils » sont partout est bien sûr repris, avec une insistance particulière sur le fait que les professeurs endoctrinent les élèves et minent la patrie. Ce n’est pas seulement un message qui est envoyé à l’HUAC et qui veut dire au fond, ne vous occupez pas du cinéma, nous y feront le ménage, occupez-vous plutôt de l’école.

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    Les communistes essaient de monter les noirs contre le système 

    La réalisation du film a été confiée à Gordon Douglas vieux routier déjà à l’époque qui avait donné dans tous les genres. IL n’est guère possible de le rattacher à une école particulière, ni même en faire un spécialiste du film noir. Il en connaissait pourtant suffisamment les codes pour s’en approprier quelques-uns. Quelques scènes sortent du lot, comme celles déjà mentionnées de la filature dans le noir et sous la pluie, ou la poursuite et la fusillade auprès d’une voie de chemin de fer. Le reste est assez convenu, que ce soit les discussions dans les bureaux du FBI ou les palabres devant la justice.

    Le scénario est de Wilbur Crane, ce même Wilbur Crane qui signera le script du très intéressant Crime Wave d’André de Toth deux ans plus tard et aussi The Phoenix city story mis en scène par Phil Karlson.

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    Un méchant communiste se fait écraser par un train 

    Ce film est un des rares films anticommunistes à avoir eu du succès en salles, malgré le caractère peu glamour de la distribution – en dehors de Dorothy Hart bien sûr qui campe l’improbable institutrice communiste. Mais il reste avant tout pour les Américains comme une marque honteuse d’une propagande aux desseins obscurs. 

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    Le fils et le frère de Matt sont fiers de lui lorsqu’il dénonce les membres du parti communiste

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    Le vrai Matt Cvetic qui vendit sa véritable aventure en l’édulcorant

    « My son John, Leo McCarey, 1953Le feu aux poudres, Henri Decoin, 1957 »
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