• Ingrid Bergman, Ma vie, Fayard, 1976

     

    Ingrid Bergman a connu un moment de gloire intense qui lui a permis de renouveler le glamour hollywoodien. Le livre qu’elle a rédigé avec l’aide d’Alan Burgess est une sorte de bilan terminal, alors qu’il lui reste assez peu de temps à vivre, elle est atteinte d’un cancer. Elle résume sa carrière, et donne en quelque sorte son sentiment sur son métier, ses difficultés et ses implications. C’était évidemment une très belle femme, avec un charisme naturel assez unique. Etait-elle une bonne actrice ? c’est assez difficile à dire et sans doute n’est-ce pas vraiment important. En tous les cas elle avait une présence à l’écran qui faisait tout passer. Il est assez difficile de trouver une unité dans sa carrière, elle est passée des grosses machines de type hitchcockien comme Notorious ou Spellbound qui doivent d’ailleurs beaucoup à Ingrid Bergman pour rester encore visibles aujourd’hui, à des films plus étriqués avec Roberto Rossellini et à la fin avec Ingmar Bergman. On a l’impression qu’elle n’a fait aucun effort pour choisir, et qu’elle s’est laissée plutôt guidée par des hommes autoritaires, son premier mari contrôlait tout, et Rossellini qui lui avait fait trois enfants non seulement la tortura dans sa vie familiale, mais il en fit une marionnette dans les quelques films qu’elle tourna avec lui. Elle était manifestement attirée par des substituts de père autoritaire, voir acariâtre. Curieusement à part Cary Grant avec qui elle semble s’être très bien entendu, elle ne dit rien de ses partenaires masculins, comme si elle les avait ignorés.

      

    Curieusement elle présente sa vie non pas comme une succession de choix faits par une femme énergique et lucide, mais comme un long martyr. Elle se présente comme une cruche qui fait le plus souvent le mauvais choix. Elle a beau nous dire que sa relation avec Rossellini fut un grand amour, la description qu’elle en donne et celle d’une longue succession de disputes face à un homme qui voulait contrôler chacun de ses gestes et qui ne supportais guère qu’elle ait une gloire plus importante que la sienne. Elle présente Rossellini, sans le dire, comme un sale con, capricieux, à l’esprit petit bourgeois, sans générosité aucune, plutôt intéressé par les Ferrari que par le cinéma. Sur les 520 pages que compte ce livre, un bon tiers est consacré à la mesquinerie de Rossellini, les disputes de tout ordre, mais aussi les longues batailles procédurières pour la garde des enfants. Finalement elle ne s’est guère occupée de ses gosses, Rossellini non plus d’ailleurs, trop absorbée qu’elle était par le développement de sa propre carrière. Bref sa vie personnelle est un vrai désastre.

      

    Actrice polyglotte, elle fit du théâtre un peu partout dans le monde, à Paris, à Londres, en Suède. Elle manifestait, on ne sait pas trop pourquoi, une vraie passion pour Jeanne d’Arc qu’elle interpréta au théâtre, au cinéma sous la houlette sous la direction de Victor Fleming qui était très amoureux d’elle, mais aussi dans la version de Paul Claudel, sur scène puis dans le film de Rossellini. Mais que reste-t-il de sa carrière cinématographique ? Franchement elle n’a rien fait de marquant, même Casablanca qui est sans doute son film le plus célèbre, manque de consistance. Elena et les hommes de Jean Renoir apparait un peu comme un exercice formel assez vain, même si Ingrid Bergman est extrêmement charmante. Les films qu’elle a tourné avec Rossellini sont des bouffonneries qui n’ont pas surmonté les outrages du temps. C’est sans doute pourquoi elle s’estompe peu à peu de la mémoire collective, alors qu’elle fut une des plus grandes célébrités d’Hollywood. Certes Sonate d’automne d’Ingmar Bergman et plutôt fort, mais c’est du Bergman. L’intérêt que représente la lecture de cet ouvrage est qu’il nous aide à mieux comprendre la vision que se font les grandes vedettes du cinéma et de l’art. En lisant les appréciations d’Ingrid Bergman sur tel livre, telle pièce, tel film, on a l’impression de lire Télérama. C’est dire à quel point elle manque de profondeur et de détermination. Même si elle nous gonfle un peu avec la longue litanie de ses déboires matrimoniaux, elle a un côté assez attachant tout de même qui explique pourquoi elle plaisait beaucoup dans ce milieu tout de même assez peu généreux.

     

    « Mille milliards de dollars, Henri Verneuil, 1982L’orchidée noire, The black Orchid, Martin Ritt, 1959 »
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