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Jean-Paul Belmondo s’en est allé
Classe tous risques, Claude Sautet, 1960
C’est une grande tristesse. Belmondo était un pilier du cinéma français d’après-guerre. Ses succès ne se comptent plus, en France, en Italie, en Allemagne, en Russie aussi. Dans sa longue carrière, il a un peu tout joué, notamment des comédies populaires, mais c’est tout de même dans le film noir qu’il a trouvé ses meilleurs rôles. Après tout, c’est bien avec A bout de souffle, une parodie de film noir, qu’il s’est fait connaître. Cette même année, il apparaissait dans un second rôle de qualité dans Classe tous risques de Claude Sautet d’après un roman de José Giovanni[1]. Ensuite il tourna Un nommé La Rocca de Jean Becker, d’après un autre superbe roman de José Giovanni[2]. L’histoire lui avait tellement plu qu’il en produisit un remake une dizaine d’années plus tard sous la direction de José Giovanni. Et puis il rencontra Melville qui lui offrit trois rôles comme il n’en aura plus après. D’abord dans Léon Morin Prêtre où il était un curé séducteur qui n’osait pas aller jusqu’au bout de ses intentions face au désir de Barny interprétée magistralement par Emmanuelle Riva. Ensuite avec le rôle du gangster Silien-moëlle-d’ours, un peu grand cœur, un peu balance sans scrupules à la morale très particulière.
Un nommé La Rocca, Jean Becker, 1961
Le troisième film avec Melville fut L’aîné des Ferchaux. Un film le plus souvent sous-estimé inspiré d’un roman de Georges Simenon[3]. L’interprétation était excellente et très nuancée, et Melville avait commencé à travailler sur les couleurs. Sur le tournage Belmondo se disputa avec Melville qui maltraitait Charles Vanel. Ils en vinrent aux mains. Mais le film est excellent tout de même et Belmondo très bon. Plus tard, Belmondo en fit un remake en deux parties pour la télévision en 2001, mais Belmondo vieillissant, il troqua le rôle de Michel Maudet pour celui du vieil aventurier Dieudonné Ferchaux rattrapé par la justice. Melville tenta de se rabibocher avec Belmondo en lui proposant de nouveaux projets, mais ce dernier ne voulut rien savoir. Melville avait raison, Belmondo était tout à fait adéquat à sa cinématographie.
Le doulos, Jean-Pierre Melville, 1962
Par la suite Belmondo s’éloigné de l’univers du noir, il y revint toutefois en 1965 avec Jacques Deray qui porta à l’écran un roman de James Hadley Chase, Par un beau matin d’été. Un film oublié mais pas sans qualité, une sombre histoire d’inceste et d’enlèvement[4]. Sans doute avait-il trop de succès dans la comédie ou dans le polar survitaminé. Il revint cependant au film noir par la bande si on peut dire. D’abord avec l’excellent Le voleur de Louis Malle en 1967. Sans doute le meilleur film de ce réalisateur, mais aussi adaptation réussie du roman de l’anarchiste Georges Darien[5]. Puis il y eut la malheureuse adaptation de La sirène du Mississipi par François Truffaut en 1969, pourtant un excellent roman de William Irish. Le succès ne fut pas au rendez-vous et Belmondo en fut très contrarié. Il tourna aussi sous la direction d’Henri Verneuil une adaptation d’un roman de David Goodis, Le casse, en 1971 d’après The burglar. L’adaptation était totalement ratée, il ne restait rien du roman, mais par contre le film fut un énorme succès. En 1974 il tourna sous la direction d’Alain Resnais un film assez hybride, Stavisky ou se mêlait à une atmosphère noire et glauque, aussi bien une réflexion sur la politique, la nostalgie pour une époque révolue, mais aussi sur le crime et son ambiguïté à travers un scandale hors norme.
L’aîné des Ferchaux, Jean-Pierre Melville, 1963
Il serait erroné que croire que ses meilleurs films ne furent que des films noirs. S’il fit de mauvais films avec Verneuil, Le casse ou encore Les morfalous, il en fit aussi de très bons avec ce réalisateur, par exemple Week-end à Zuydcoote en 1964, ou le plus connu Un singe en hiver avec Gabin en 1962. Cent mille dollars au soleil avait l’avantage de réunir à nouveau Belmondo et Lino Ventura dans un film de camionneur assez agréable à regarder. Belmondo a eu aussi le mérite de donner deux belles prestations dans deux films de Claude Lelouch, Itinéraire d’un enfant gâté, en 1988, et une curieuse transposition des Misérables en 1995. Ce fut là sans doute son dernier rôle intéressant. Itinéraire d’un enfant gâté fut d’ailleurs son dernier grand succès. Il passa ainsi tranquillement du statut de roi du box-office à celui de monument de la mémoire française. Belmondo c’était un peu plus qu’un acteur, un mythe, un morceau de notre histoire.
Par un beau matin d’été, Jacques Deray, 1965
Le voleur, Louis Malle, 1968
Ajoutons aussi un petit texte d'un autre cher disparu, paru dans Jours de France, septembre 1986, grâce à la sagacité de notre ami Lionel Guerdoux. Un texte qui en dit long sur l'immense perte que nous subissons.
[1] http://alexandreclement.eklablog.com/classe-tous-risques-claude-sautet-1960-a114844830
[2] http://alexandreclement.eklablog.com/un-nomme-la-rocca-jean-becker-1961-a131456792
[3] http://alexandreclement.eklablog.com/l-aine-des-ferchaux-jean-pierre-melville-1963-a187330618
[4] http://alexandreclement.eklablog.com/jacques-deray-par-un-beau-matin-d-ete-1965-a145600260
[5] http://alexandreclement.eklablog.com/le-voleur-louis-malle-1967-a117875410
« Incident de frontière, Border incident, Anthony Mann, 1949La rue de la mort, Side street, Anthony Mann, 1950 »
Tags : hommage, Jean-Paul Belmondo, Film noir
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