• John Le Carré n’est plus

    John Le Carré n’est plus 

    David Cornwell né en 1931, est décédé le 12 décembre 2020. Il passait pour avoir réinventé le roman d’espionnage au début des années soixante. Incontestablement il avait un style très personnel, et il avait lui-même aussi été un petit peu espion. En vérité il était le continuateur d’Eric Ambler, l’humour en moins, et de Graham Greene. Le roman d’espîonnage a longtemps été une spécificité britannique. Ian Flemming, le créateur de James Bond avait été lui aussi une sorte d’espion pendant la Seconde Guerre mondiale avant de devenir célèbre pour des romans qui ne valaient pas un clou. Et John Le Carré était en quelque sorte l’antithèse de Ian Flemming. Ses romans ont commencé à être publiés au début des années soixante avec Call of the dead et Murder of quality, traduits tout de suite chez Gallimard. Mais c’est The spy who came from the cold, publié en 1963, qui lui assura une renommée internationale. Cet ouvrage fut un succès énorme de librairie et son adaptation au cinéma par Martin Ritt avec Richard Burton rapporta aussi beaucoup d’argent. Son originalité correspondait assez bien à l’état d’esprit de l’époque qui voyait dans la perpétuation de la Guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS, une aberration dangereuse et sans issue. On parlait beaucoup de détente après la crise des missiles. Mais surtout John Le Carré mettait en doute le patriotisme des espions pour décrire leur comportement comme développant une logique bureaucratique sans autre finalité que de défendre cette même bureaucratie. Les espions patriotes comme George Smiley semblant appartenir à la vieille école. Ces ouvrages étaient baignés d’un grand pessimisme, mais ils avaient pour eux de décrire une réalité que John Le Carré connaissait très bien.   

    John Le Carré n’est plus 

    Son chef d’œuvre est selon moi The little drummer girl, ouvrage paru au début des années quatre-vingt. Ce roman qui décrit minutieusement la traque par les services secrets israéliens d’un groupe de terroristes palestiniens s’intéresse entre autres choses à la manipulation d’une jeune femme, gauchiste d’occasion, menteuse et sentimentale. Nous étions encore dans une période marquée par les attentats palestiniens, notamment la prise d’otages de Munich qui se terminera si mal. Cet ouvrage, en dehors d’une actualité douloureuse, était très inspiré par The levanter d’Eric Ambler justement et décrit la paranoïa d’une action qui tourne complètement à vide du côté des Palestiniens. Cet ouvrage remarquable de précision sera porté à l’écran de fort belle façon par George Roy Hill avec une excellente Diane Keaton qui trouve là le rôle de sa vie[1]. Le film n’aura pas beaucoup de succès sans doute parce qu’il apparaissait trop pro-israélien. Les britanniques en tireront une série télévisée insipide mais qui corrigera le tir en amenant une compassion vis-à-vis des terroristes palestiniens qui n’existait pas initialement dans le roman. 

    John Le Carré n’est plus

    La fin de l’URSS rendit les histoires d’espionnage moins attrayantes pour John Le Carré et son public. Son œuvre littéraire se dilua par la suite dans des histoires sentimentales d’assez peu d’intérêt où se mêlaient une réflexion politique et une réflexion sur la mélancolie du temps qui passe. Son goût pour les intrigues compliquées lui était passé. Il prenait aussi régulièrement position sur le plan politique, notamment pour réclamer en quelque sorte une dissolution de l’OTAN, bureaucratie en perpétuelle recherche d’un ennemi imaginaire pour justifier l’usage de fonds publics très importants. Il sera aussi un ennemi de la guerre en Irak. Ses romans ont été souvent adaptés à l’écran. En dehors des films de Martin Ritt et de George Roy Hill, Call for the dead fut adapté par Sidney Lumet sous le titre The deadly affair. Les autres adaptations ne valent pas grand-chose. John Le Carré eut un vrai disciple, Noel Behn qui publia le remarquable The Kremlin letter que John Huston adapta pour l’écran et que Jean-Pierre Melville tenait pour un immense chef-d’œuvre. 

    John Le Carré n’est plus


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/la-petite-fille-au-tambour-the-little-drummer-girl-george-roy-hill-198-a114844630

    « La police a les mains liées, La poliizia ha le mani legate, Luciano Ercoli, 1974The racket, Lewis Milestone, 1928 »
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