• La french, Cedric Jimenez, 2015

    La french, Cedric Jimenez, 2015

    La french raconte d’une manière très très romancée l’affrontement entre Tani Zampa et le juge Pierre Michel. Disant qu’il s’inspire librement des faits réels, il interprête une histoire bien connue maintenant à sa manière. En effet il suppose que c’est Zampa qui a été le donneur d’ordre de l’assassinat du juge. Thèse audacieuse, s’il en est, puisque la justice a jugé Francis Girard, un autre grand bandit et trafiquant de drogue pour la commandite de ce meurtre. Le titre est accrocheur, mais à l’époque du juge Michel on ne parlait pas de la french. Enréalité l’histoire de Zampa est plutôt celle d’une guerre sans merci avec Francis le Belge et Jackie le Mat, qu’un affrontement avec le juge Michel. Bien sûr dans la mesure où il est annoncé qu’il s’agit d’une interprétation libre de la réalité tout cela n’a pas trop d’importance, sauf que justement cette volonté mi-chève, mi-choux de s’inspirer d’une réalité très forte et très dramatique, va gêner considérablement la conduite du récit et le déséquilibrer. Mais le scénario veut jouer sur les deux registres, le film de grand-bandits, et l’enquête pour démanteler un gang. 

    La french, Cedric Jimenez, 2015 

    Les amis de Zampa se réunissent pour parler business 

    Décidément les voyous marseillais n’ont pas de chance avec les adaptations cinématographiques, on se souvient du tristement célèbre l’immortel du malheureux Richard Berry, avec l’impayable Jean Reno dans un avatar de Jackie le Mat. Or Jackie le Mat est un personnage extraordinaire – d’ailleurs le seul survivant de cette époque de grands bandits – qui a échappé à un règlement de compte qui l’avait laissé sur le carreau avec 22 balles dans le corps. Il est ici représenté sous la figure du Fou – parce que le Mat ça veut dire le fou. Malheureusement pour le film, il est escamoté. 

    La french, Cedric Jimenez, 2015

    Zampa va à New-York marchander sa came 

    Le premier problème de ce film est un déséquilibre dans le scénario : non seulement il se cherche entre réalité et fiction, mais en outre, il hésite entre la traque de Zampa et une description plus large de la lutte contre le trafic de drogue, avec une embardée bien mal maitrisée vers la corruption de fonctionnaires des police. De même il donne un rôle d’homme d’action au juge Michel, alors que celui-ci était plutôt un homme de cabinet faisant bien peu d’excursions sur le terrain. On comprend que la famille du juge Michel se soit désolidarisée de cette production.

    La french, Cedric Jimenez, 2015  

    Le juge Michel essaie de reconstituer les relations des truands entre eux 

    Le scénario n’est hélas pas le seul problème du film. Cédric Jimenez est natif de Marseille, et bien sûr toutes ces histoires de grands bandits, l’ont certainement occupé une partie de sa jeunesse. Mais est-ce une raison pour ne pas se servir un peu mieux du décor ? Il multiplie les gros plans et les bavardages, son film ne respire jamais. A quelques exceptions près, cela pourrait se passer aussi bien en Lorraine qu’à Paris ou à Nantes. La photo n’est pas mauvaise, mais il manque une grammaire cinématographique élémentaire. Je passe sur la volonté de reconstituer le Marseille de la fin des années soixante-dix. Tout sonne faux, des rouflaquettes que tout le monde semble porter, à la caricature de Gaston Defferre. Ensuite faire de Tani Zampa un bon père de famille et un époux attentioné, c’est envoyer le bouchon un peu trop loin. On a l’impression que la bande à Tani est une sorte de congrégation qui a misé tout sur l’ascétisme à la poursuite d’un but extrêmement élevé. 

    La french, Cedric Jimenez, 2015 

    Le juge Michel reçoit l’aide de Gaston Defferre 

    L’interprétation est assez pâle, si Gilles Lellouche est plutôt bon, Dujardin est assez lamentable. Pour tout dire il a l’air de s’en foutre. Benoît Magimel est pas mal, mais son personnage est complètement escamoté. Le meilleur est sans doute Moussa Maaskri dans le rôle du tueur. Les femmes sont aussi bien mal représentées. Si je devais sauver juste quelque chose de ce désastre, je dirais que les accents sont bons, assez authentiques.

    Le film a  connu un succès commercial assez moyen, mais la critique ne l’a pas épargné tant sur le plan de la forme que sur celui du fond. 

    La french, Cedric Jimenez, 2015 

    Un homme se propose de corrompre le juge Michel 

    Au final on préférera le film de Philippe Lefèbvre, Le juge, moins prétentieux, mais se contentant seulement de traiter de la perosnnalité complexe du juge Michel. Un film basé sur la vie des grands bandits marseillais des années  soixante-dix reste encore à faire. Mais la matière est très riche, et je crois qu’il y a quelque chose de très intéressant à réaliser, par exemple en décrivant cette guerre entre le Belge, Zampa et le Mat, avec des alliances et des retournements, des trahisons et bien sûr du sang qui coule à gros bouillons. Encore faut-il se donner la peine de travailler le scénario et de donner de l’air à la ville. Il est bien dommage qu’une ville extraordinaire comme Marseille ait été si rarement bien mise en valeur.

    La french, Cedric Jimenez, 2015  

    Le juge Michel est assassiné

    La french, Cedric Jimenez, 2015

     Le vrai juge Michel 

    La french, Cedric Jimenez, 2015 

    Le vrai Tani Zampa

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