• Le monte-charge, Marcel Bluwal, 1962, adapté de Frédéric Dard

     

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    Il s’agit d’une des meilleures adaptations d’un ouvrage de Frédéric Dard, en tous les cas une des plus fidèles. L’ouvrage a été publié en 1961, un peu à la fin de la période très féconde des petits romans noirs de Frédéric Dard publiés dans la collection spécial-police. L’histoire est extrêmement simple, linéaire. La nuit de Noël, Robert Herbin qui vient de sortir de prison, il avait été condamné pour un crime passionnel, et il se retrouve seul. Sa mère est décédée pendant sa détention. Il n’a guère de perspective dans cette ville de banlieue. Mais le destin va en décider autrement lorsqu’il rencontre une jeune femme accompagnée de sa fillette. Elle est mariée et entraîne Robert chez elle où elle va découvrir son mari assassiné.

     

     

    Robert va lui dire qu’il ne peut lui servir de témoin car il est interdit de séjour dans la ville. Pour cette raison, il s’enfuit, et la jeune femme va chercher un autre témoin lors de la messe de minuit. Mais la police commence a trouver toute cette histoire bizarre et enquête notamment parce qu’Adolphe Ferrie a égaré son portefeuille chez la jeune femme.

    En vérité c’est la jeune femme qui a tué son mari, et elle cherche un alibi. C’est pour cela qu’elle a voulu utiliser Robert. Mais elle a bien des scrupules car entre temps elle a appris à l’aimer. Tout cela finira très mal pour tout le monde. Et si le titre est Le monte-charge, c’est parce que celui-ci va jouer un rôle de premier plan dans la machination.

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    Noël était une fête détestée par Frédéric Dard, non pas parce qu’elle était conventionnelle, plutôt par tout ce qu’elle racontait sur la déception des enfants et de leurs attentes. Les récits de Dard sur la Noël sont très nombreux, la trame du Monte-charge sera reprise par Dard sous le nom de Jean Murelli dans un autre excellent ouvrage : Les noirs paradis. Mais Le monte-charge c’est également la tragédie d’un enfant pauvre qui n’est pas arrivé à se faire admettre dans les classes supérieures. Le roman est écrit à la première personne, dans ce ton très particulier à Frédéric Dard où le désespoir s’accorde à la mélancolie, où l’amour – tel que le reçoivent Marthe et Robert – est vécu comme une maladie qui tue plus ou moins rapidement.

    Ce qu’il y a d’un peu particulier dans cette histoire, c’est l’alliance d’un suspense à la mécanique bien huilée et la profondeur psychologique des personnages qui par-delà leurs tendances criminelles possèdent beaucoup de tendresse et de poésie.

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    L’adaptation et les dialogues sont signés Frédéric Dard et Marcel Bluwal. C’est un suspense particulièrement bien huilé, avec ce qu’il faut de rebondissements pour tenir le spectateur en haleine. Il y a très peu de personnages : Robert qui dans le roman s’appelle Albert, Madame Dravet, Ferrie et l’inspecteur de police. Le principal de l’histoire se centrant sur les rapports particulièrement compliqués entre les deux principaux protagonistes.

     

    Le film est très fidèle au roman, il le suit pas à pas, déambulant dans les rues de la banlieue d’Asnières – dans le roman il s’agit de Levallois, cernant la solitude de Marthe et de Robert dans les ruelles mal éclairées. Les décors sont excellents, très bien photographiés par André Bac, ils reflètent cette désolation banlieusarde populaire, joyeuse et  mortifère. Mais le casting est tout autant impeccable. Robert Hossein, vieux complice de Frédéric Dard, trimballe son allure tourmentée, face à la très belle et très étrange Léa Massari au visage asymétrique qui devait jouer en France à la même époque avec Alain Delon dans le magnifique film d’Alain Cavalier, L’insoumis. Dalban joue le rôle de l’inspecteur attaché à la perte d’Herbin, et Maurice Biraud celui du témoin naïf et un rien concupiscent qui va faire capoter le plan de Marthe. Sur le plan technique, l’alternance des plongées et des contre-plongées dans la manière de filmer l’immeuble, son escalier et son monte-charge, les longues perspectives des rues banlieusardes, donnent de la profondeur au film. Le film reproduit cette simplicité du récit qui se trouve dans l’ouvrage et qui fait alterner les scènes populaires dans les bistrots et dans les rues, avec les scènes intimistes, presque de recueillement entre les deux héros de l’aventure.

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    Malgré ses grandes qualités, on préférera le livre au film, pour une raison qu’on a dite au-dessus, il est écrit à la première personne et c’est ce qui donne une sorte de profondeur psychologique à l’ouvrage. Si les deux œuvres sont bien dans la lignée du roman noir et du film noir par ce rappel de la fatalité dans laquelle plonge Robert avec délectation, ce sont les méditations mélancoliques du héros qui donne ce caractère si poétique au livre. Par exemple, dans le film on passe assez vite sur le fait que Robert achète un petit oiseau dans une librairie-papèterie-bazar. Or c’est un moment clé de l’ouvrage, non pas parce que l’oiseau va jouer un rôle dans l’intrigue, mais par ce qu’il donne à voir du caractère de Robert.

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    Ce n’est pas, selon moi, le meilleur ouvrage que Dard ait signé de son patronyme dans la collection « spécial police », mais c’en est un très bon, et en le relisant, je suis toujours autant surpris par le style simple et inimitable de l’écriture. Ecrit au passé composé, les phrases sont courtes, sans répétition de mots entre les paragraphes, sans métaphores superflues. Cette économie de mots libère d’ailleurs l’écriture de Dard qui peut aller au détail significatif sans trainer, sans ralentir le rythme de l’histoire. La relecture de cet ouvrage nous donne une fois de plus l’occasion de déplorer le fait que seuls les San-Antonio soient aujourd’hui considérés comme un apport important au style. En effet, le style que Dard a mis au point en écrivant ses petits romans noirs pour le Fleuve noir, n’est pas spectaculaire, ni ronflant, et c’est pour cela qu’on ne remarque pas sa puissance et son efficacité.

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