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Point de chute, Robert Hossein, 1970
C’et le dernier film noir réalisé par Hossein. Manifestement il cherche à renouer avec sa veine d’antan. A cette épque il s’était nacé dans l’aventure du théâtre de Reims, et il se tenait volontairement en retrait du monde du cinéma ce qui ne l’empêchait pas d’ailleurs de tourner des films de temps à autre. Mais il s’impliquait moins. Après 1968 il tournera donc trois films, Point de chute en 1970, Les misérables en 1982 et Le caviar rouge en 1986, film qui lui donna l’occasion de retrouver Frédéric Dard avec qui, par ailleurs, il développait un certain nombre de projets pour la scène. Curieusement, tandis qu’il mettait au point des projets grandioses et innovants pour le théâtre, il revenait à des approches minimalistes au cinéma, sauf bien sûr pour Les misérables. Il avait adapté avec un grand succès l’œuvre de Victor Hugo en comédie musicale, mais il reviendra à des formes plus classiques pour porter à l’écran le chef d’oeuvre de Victor Hugo.
La police inspecte la cabane où a été détenue Catherine
Un trio de gangster a décidé d’enlever Catherine, une jeune fille issue d’une famille très riche. L’enlèvement se fait aux portes du château. Ils veulent l’échanger contre une rançon. Vlad est chargé de garder l’otage dans une cabane isolée au bord de la mer, tandis qu’Edy et le patron vont aller chercher la rançon. Catherine va tenter de s’enfuir, mais elle est reprise par Vlad. La fatalité veut que Vlad ait enlever son masque, et quand ses deux autres complices arrivent, ils vont décider d’abattre Catherine pour ne pas risquer qu’elle les reconnaisse et les dénonce. Edy et le boss font crier Catherine pour l’enregistrer et démontrer à sa famille qu’elle est bien vivante. Ils repartent chercher la rançon, et demandent à ce que Vlad creuse une tombe pour Catherin et l’élimine. Mais si Vlad creuse bien la tombe, il va hésiter au dernier moment et refuser de la tuer. Lorsque ses deux complices reviennent avec la rançon, il refuse toujours d’exécuter Catherine, il empêche également Edy de faire le travail à sa place. Il neutralise les deux hommes, prend sa part de la rançon, oblige Catherine à s’enfuir, et s’en va en pensant prendre la voiture. Mais la voiture ne démarre pas et Vlad s’en va à pied dans la direction opposée de Catherine. Le boss et Edy tente de faire démarrer la voiture, et tandis qu’Edy utilise la manivelle, son chef prend un fusil à lunette et abat Vlad. Catherine voyant Vlad s’effondrer va revenir vers lui. Elle sera abattue à son tour. Vlad et Catherine agonisant tous les deux se rapprocheront l’un de l’autre en rampant.
Les gangsters ont enlevé Catherine
A travers se scénario minimaliste écrit par Hossein et son vieux complice Claude Dessailly, c’est de la fatalité qu’il s’agit. Celle-ci apparait dès lors que Vlad commence à développer contre son gré un sentiment amoureux pour la jeune kidnappée. C’est le grain de sable qui va faire capoter le plan bien huilé des gangsters. Ce sentiment amoureux va en réalité se développer à partir du moment où Vlad oublie son masque et se dévoile dans sa vérité à Catherine. Autrement dit tant qu’il se trouve à l’abri de son masque, il va rester dans la voie tracée. Mais dès que son visage se dévoile, il devient faible et va trahir ses amis. On voit donc que les masques – les mêmes d’ailleurs que dans La mort d’un tueur – joue un rôle particulier. Ils protègent et renforcent la détermination. Mais on peut aussi considérer que l’abandon des masques interroge la réaalité du sentiment amoureux. Celui-ci ne s’exprimera pas d’une manière torride et sensuelle, Catherine est bien trop jeune et pure pour cela, mais comme une attirance vers quelque chose de neuf et de pur des deux côtés. Il vient évidemment que cette brève rencontre qui débouche sur la mort à elle seule justifie l’issue tragique.
Vlad empèvhe Catherine de s’enfuir
Vlad excusera son comportement auprès de ses complices en disant qu’on l’a laissé trop longtemps tout seule avec elle. C’est l’inverse du syndrome de Stockholm si on veut. En éprouvant de l’empathie pour la jeune fille, Vlad n’a plus de raison de la tuer. Il glisse dans son camp. Cette évolution le torture longuement parce qu’en même temps il sait que si on ne suit pas le plan à la lettre dans ce type d’affaire, l’échec est assuré. Vlad est donc dans la position de se suicider car il sait très bien que cette trahison ne sera pas tolérée par ses complices. En fait il ne se suicide pas par amour, mais l’amour est le prétexte de ce suicide. D’ailleurs lorsqu’il regarde Catherine, il a la nostalgie de sa propre enfance, probablement l’enfance qu’il na pas eue. C’est un thème récurrent chez Hossein, la jeunesse perdue, vouée à la mort. On voyait déjà ça dans Pardonnez nos offenses, avec la même issue, Dédée était une fille perdue, violée et misérable, elle était vouée à la mort. Elle sera également abattue, jusqu'au moment où elle était près de son but. Vlad et Catherine sont également tués au moment où enfin ils révèlent leurs sentiments. Comme on le voit ce sont là les deux personnages principaux du film, les autres sont seulement les révélateurs de ce qu’ils sont. Cependant le personnage du chef de bande est assez ambigu, il tuera Vlad par nécessité, mais sans plaisir, comme à regret. On verra également le vieil inspecteur qui lit le journal de Catherine la mine défaite et sombre, regrettant cette jeunesse qui n’aura pas eu le temps d’éclore.
Vlad va creuser une tombe pour Catherine
Bien que l’histoire soit très violente, la mise en scène est en réalité une sorte de course de lenteur. Le film dure 80 minutes, mais les séquences sont étirées histoire de faire sentir le temps qui passe. Les regards, les gestes lents, décomposent ce sentiment. Hossein retrouve la vieille cabane qu’il filmait déjà dans Les salauds vont en enfer, mais aussi la plage et le ressac de la mer. Cette cabane est la même que celle de la nuit des espions. Le décor dépouillé induit un dépouillement des âmes et une nécessité de vérité dès lors que les deux jeunes gens se retrouvent face à face. Le film est introduit par une séquence en noir et qui amène l’inspecteur à lire le journal de Catherine. C’est une manière simple d’annoncer le flash-back à venir. L’inspecteur apparaîtra trois fois, au début, au milieu et à la fin. Quand il intervient au milieu du film, c’est pour annoncer l’émancipation de Vlad par rapport à la bande. Hossein utilise des plans larges comme c’est son habitude pour présenter les deux jeunes gens écrasés par la fatalité. Le film repose aussi sur les silences, silences renforcés par les masques qui isolent les protagonistes et augmente leur dangerosité. Néanmoins, l’ensemble manque de rythme, sans doute parce qu’il se concentre principalement sur les rapports entre deux jeunes gens qui apparaissent tout de même assez creux. Le scénario nous épargne une fin morale où les deux gangsters survivants se feraient alpaguer par la police.
Vlad refuse qu’on tue Catherine
L’interprétation est plutôt faiblarde. Il y a Johnny Halliday qui, malgré sa renommée, n’a jamais fait de succès sur le grand écran. Dans le rôle de Vlad le roumain, il est plat, se contentant de paraître et de jouer du pipeau, restant volontairement inexpressif. Il était encore très jeune à l’époque, et il s’était laissé poussé une petite moustache histoire de se donner un air un peu plus dur. Il se tient souvent les jambes écartées, dans la posture habituelle du rocker. Catherine est interprétée par Pascale Rivault. C’était son premier film, et à cette époque elle partageait la vie de Robert Hossein. Elle n’est guère convaincante. Elle ne fera d’ailleurs pas une grande carrière par la suite. Robert Hossein s’est donné un petit rôle, celui du chef de gang, il en rajoute beaucoup. Mais ill est très peu présent et surjoue tout de même un peu. On reconnaitra ensuite Albert Minsky dans le rôle d’Edy. A cette époque il multipliait ce type d’apparitions dans les films de Sergio Gobbi. Il est très bien. Et puis il y a Robert Dalban dans le rôle de l’inspecteur mélancolique qui découvre les corps sur la plage et qui en est bouleversé.
Vlad et Catherine seront abattus
Si on comprend bien les intentions de Robert Hossein, le film est tout de même un peu raté. Sans doute un des moins bons de ce réalisateur. Je pense que cela provient du manque d’approfondissement des personnages, et donc du scénario. Mais enfin, le film se voit tout de même, il y a quelques belles séquences absolument désolées, et un bel usage des décors. On dirait que Robert Hossein recherchait la magie d’antan, celle qui fonctionnait si bien avec des sujets adaptés de Frédéric Dard par exemple. Mais le temps avait passé, et la nostalgie n’opérait plus vraiment. Il ets vrai qu’à cette époque il se préoccupait plus de théâtre que de cinéma, même si le cinéma lui apportait des revenus encore importants. La musique était toujours du père de Robert Hossein, mais elle était moins attachante que dans les autres films. Le film n’a pas eu beaucoup de succès et la critique l’a éreinté.
Tags : catherin, vlad, hossein, film, bien
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Commentaires
Bonjour,
Au temps pour moi, dans votre commentaire de "The Night of the Following Day", vous parlez en effet d'"inspiration".
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Un commentaire sur IMDB affirme qu'il s'agit d'un plagiat de "The Night of the Following Day", Johnny jouant son Brando...
Pour la musique, cette fois-ci ce n'est certes pas du jazz, mais le thème mélancolique qui rappelle un peu "Jeux interdits" est assez prenant.