• The Driver, Walter Hill, 1978

    The Driver, Walter Hill, 1978

    Walter Hill est un réalisateur et un scénariste intéressant. Il a travaillé avec Peckinpah sur l’adaptation de The getaway de Jim Thompson, mais aussi pour Paul Newman sur deux très bons films, The Mackintosh man et The drowning pool. En tant que réalisateur on retiendra Hard times, 48 hours, Geronimo ou encore The long riders. Sa carrière oscilla entre westerns sophistiqués et polars bourrés d’adrénaline. The driver est pourtant un petit peu plus ambitieux. Dans le genre néo-noir, il est en effet atypique et ouvre une nouvelle manière de faire qui va essaimer. Quel que soit l’appréciation qu’on portera sur ce film, il faut partir du fait qu’il est d’abord une innovation formelle dans le genre de films de braquage.

     The Driver, Walter Hill, 1978 

    La police poursuit les braqueurs 

    Un chauffeur très habile participe à des hold-up. Il vole les voitures dont il se servira, fuit rapidement les lieux du crime, et se débarrasse sans coup férir des véhicules qu’il a utilisés. Il gagne très bien sa vie. Mais un policier un peu fêlé va se mettre dans la tête de le coincer. D’abord en interrogeant des gens qui l’ont vu au volant de la voiture. Mais comme personne ne le reconnait, il va lui tendre un piège. Il image donc un gros coup de façon à l’amener à le commettre. Au début le chauffeur se fait tirer l’oreille, mais bientôt il conçoit ça comme un défi et va foncer tête baisser dans le piège. Il a deux ennemis : les bandits avec qui il fait le hold-up été qui vont tout faire pour le priver de ses droits sur le butin, et bien sûr le flic à moitié siphonné qui ne rêve que de l’arrêter. Il va pouvoir cependant compter sur la complicité d’une joueuse de poker, celle-là même qui lui a fourni un alibi et qui se trouve aussi être harcelée par le flic qui pense qu’elle ment. Le hold-up va réussir, mais ses complices seront tués, et il va devoir négocier lui-même le produit de son butin pour retrouver des petites coupures en lieu et place des billets qu’il pense être marqués. Il va devoir surmonter des pièges nombreux, et s’il ne pourra finalement retrouver son butin, il triomphera tout de même d’une certaine façon. 

    The Driver, Walter Hill, 1978 

    Le chauffeur balance la voiture qui a servi au hold-up dans une casse 

    Walter Hill mise essentiellement sur le comportement de ses personnages. Il n’y a pas l’ombre d’une analyse psychologique ou sociale dans leur détermination. Ce sont des caricatures un peu glacées et nocturnes d’une certaine Amérique qui court presque sans raison après le pognon. Impavides et sans sentiment aucun, ils évoluent dans un monde où l’efficacité prime sur tout le reste. Manifestement il a beaucoup vu les films de Jean-Pierre Melville, et son personnage principal dans les affrontements aussi bien avec la police qu’avec le gang, est dérivé du Samouraï. Y compris dans la scène où la joueuse de poker feint de ne pas le reconnaître. Les courses automobiles sont à la fois inspirées de Bullit, film sur lequel Walter Hill avait travaillé, et de French connection. Mais s’il s’est inspiré de Melville, Walter Hill va à son tour inspirer d’autres réalisateurs, notamment Michael Mann – celui de Heat aussi bien que celui de Collateral. Ce sont les mêmes images glacées et nocturnes, la même minutie dans le développement des braquages et la manière d’éviter les pièges. Thief du même Michael Mann est également dans cette lignée. C’est également ce film qui a inspiré quoi qu’on en dise le très faible Drive de Nicholas Winding Refn. C’est donc un film capital dans le redéploiement du film noir du dernier quart du XXème siècle. Ce film est un peu passé inaperçu lors de sa sortie, mais par la suite, il est devenu emblématique de cette modernité mortifère et saturée d’objets.

     The Driver, Walter Hill, 1978 

    Il rencontre une joueuse de poker qui est son alibi 

    Walter Hill recycle bon nombre de scènes qu’il a déjà imaginée dans le passé, comme lorsque l’inspecteur cherche la mallette qui contient le butin du hold-up. On a vu déjà cela en effet dans The Getaway. La direction d’acteurs est assez innovante. Le chauffeur est incarné par Ryan O’Neal qui, après le triomphe mondial du très mièvre Love story, cherchait à tout prix à casser son image de jeune premier très propre et très gentil. Il connut quelques succès, mais à vrai dire il ne retrouva jamais sa gloire passée. Ici il est excellent, tout autant que mutique, et arrive à faire passer beaucoup de dureté dans son regard comme dans ses gestes retenus. Peut-être est-ce son meilleur rôle ? En tous cas, c’est parmi ce qu’il aura fait de mieux. Le flic déjanté est incarné par le toujours très bon Bruce Dern qui a des tas de fois interprété des personnages loufoques et pleins de dérisoire ironie. Plus étonnant est sans doute de voir Isabelle Adjani dans le rôle d’une joueuse de poker, elle ne semble guère à sa place et ne comprend sans doute pas très bien ce qu’elle fait dans ce film. Tous les autres rôles sont tenus par des habitués de ce genre de films et vont donc avoir un physique en conséquence :  Felice Orlandi et Matt Clark vont compléter le trio de flics, tandis que Rudy Ramos et Joseph Wales jouent les méchants gangsters sans foi ni loi.

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    Le hold-up s’est mal passé et il faut fuir rapidement 

    La manière dont c’est filmé peut cependant déconcerter. On pense à un Robert Bresson qui se serait shooté ! Il reste tout de même des séquences très fortes, outre les course de voitures qui ouvre et ferme le film, il y a la poursuite dans le train qui se termine par la mort cruelle du voleur de magot. Et bien sûr la scène finale quand on comprend que le magot a disparu. Ce que deviendront les protagonistes on n’en sait rien. Et l’idylle qui s’ébauche entre le chauffeur et la joueuse de poker ne semble pas mener très loin. Dès que la violence éclate, Walter Hill est au rendez-vous, avec ironie parfois dès lors que les situations se retournent. Certes on n’en est pas encore – peut-être par faute de moyens – à la sophistication des hold-up comme dans Heat, mais il y a une belle vivacité avec ses vitres qui descendent sous l’impact des balles. Forcément dès qu’on veut donner un peu de crédibilité aux scènes d’action, il faut travailler beaucoup sur le montage. C’est le cas ici. Le travail est remarquable de ce point de vue et utilise très bien la photo qui est excellente, bien dans le ton des années soixante-dix quand on rejetait ce caractère léché et pastellisé qui se retrouve dans presque tous les films d’aujourd’hui.

     The Driver, Walter Hill, 1978 

    Il a été piégé par son partenaire 

    Il est assez étrange aussi que dans ce film tout reste anonyme, comme fondu dans le halo pâle de la nuit. Nous sommes dans une ville sans nom. Ce pourrait être n’importe quelle ville américaine. Si les grands boulevards font penser à Los Angeles, la gare, mais aussi les petites ruelles étroites et sordides s’en éloignent, on pourrait tout aussi bien être à New York. Du reste, les protagonistes n’ont pas de nom, comme si leurs rencontres éphémères ne le permettaient pas. C’est une coquetterie stylistique qu’on trouve dans certaines nouvelles de Dashiell Hammett, ou dans la série de détective développée par Bill Pronzini qui eut son heure de gloire vers la même époque à laquelle a été tourné ce film.

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    L’inspecteur pourra-t-il arrêter le chauffeur ? 

    S’il n’est pas complètement abouti, c’est donc un film très intéressant dans ses intentions avec de superbes séquences, mais également par sa place centrale du film noir moderne. 

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