• The intruder, Roger Corman, 1962

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    Ce film est fait pour ceux qui douteraient que Roger Corman est un bon cinéaste. Petit film fauché, passé quasiment inaperçu à sa sortie, c’est un excellent film noir. Le sujet est assez simple. Dans une petite ville du sud des Etats-Unis, au moment où le Congrès vote des lois sur la fin de la ségrégation, un agitateur d’extrême droite va venir semer le trouble et tenter de générer une violence qui finira par démontrer que les lois nouvelles sont mauvaises puisqu’elles sèment le désordre et la violence. Il s’agit d’empêcher que les écoliers blancs et noirs soient mélangés dans une même école. Cramer est un opportuniste séduisant, un provocateur professionnel qui a choisi le combat raciste. On ne sait pas vraiment quelles sont ses convictions profondes. Son mode d’être est la manipulation. Comme il manipule les foules, il manipule une jeune adolescente qu’il séduit, ou encore la femme de son voisin. Les tensions deviennent de plus en plus fortes, le journaliste qui se découvre une conscience sociale est battu, il perd un œil, le pasteur noir est assassiné dans l’attentat contre son église. Mais comme cela ne semble pas suffirre, Cramer va inciter Ella à faire croire qu’un jeune noir a tenté de la violer. Mais tout cela finira relativement bien, sauf pour Cramer qui devra quitter la ville.

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    Adam Cramer est un beau parleur séduisant

    C’est évidemment un film de combat. Un film de gauche si on veut. Les oppositions sont assez tranchées entre les ploucs du Sud qui ne demandent qu’à être manipulés par un beau parleur arrogant et sûr de lui, et les plus instruits – le journaliste, ou le directeur du collège – qui représentent la conscience et le savoir. Mais si ce n’était que cela le film ne serait que moyennement intéressant. Or il y a bien autre chose. D’abord le portrait d’un homme, Cramer, plutôt séduisant, propre sur lui, qui tient de l’agitateur politique et du prêcheur. On trouve très souvent dans les films américains ces portraits de faux-jetons, qui visent à emporter les foules grâce à leurs capacités oratoires, Elmer Gantry de Richard Brooks, Wise blood de John Huston, avec chaque fois des interrogations sur les raisons de ce type de conduite. Ici c’est le simple Sam Griffin qui va révéler la lâcheté et la bassesse de Cramer.

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    Il sait flatter la foule et l’amener vers la violence

    L’histoire est adaptée d’un ouvrage de Charles Beaumont qui fut un gros succès de librairie. L’auteur, plutôt spécialisé dans les récits de science fiction, il est le créateur de la série télévisée The twillight zone, joue du reste un petit rôle dans le film de Corman, il est le directeur du collège qui prend fait et cause pour les nouvelles anti-ségrégation.

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    Les premières éditions américaine et anglaise de l’ouvrage de Charles Beaumont

    Le film possède de nombreuses qualités. D’abord cette manière de rendre compte de la passivité mais aussi de l’agressivité latente de la foule. C’est très bien réalisé, avec des contre-plongées mettant en lumière la puissance de persuasion de Cramer, ou de longs travellings parfaitement enchaînés lorsque les jeunes noirs parcourent la ville pour se rendre au collège et croisent nécessairement les jeunes blancs comme dans une sorte de ballet bien réglé.

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    Les vieilles ficelles du KKK sont utilisées pour térroriser les nègres

    Le rythme est enlevé, et si la fin optimiste du film est un peu téléphonée, cette faiblesse est largement compensée par la vérité quasi-documentaire de la description des lieux et des mentalités qui prévalaient à cette époque dans le Sud. Il est à noter que le scénario évite la complaisance d’une violence spectaculaire. Le sujet se prêtait assez bien à mettre en scène la violence de la foule bornée, mais cela est évité, le réalisateur préférant mettre l’accent sur les relations de passivité de cette foule vis-à-vis de son leader qui pourrait la mener n’importe où.

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    La jeune Ella est troublée par les violences infligées à son père

    Les acteurs sont tous très bons. A commencer par William Shatner qui deviendra ensuite célèbre dans la série Star Trek. Il représente très bien ce mélange de lâcheté et de séduction inquiétant. Il avait une nervosité, une mobilité faciale qu’il perdra ensuite. Mais tous les acteurs sont très bons, même si ce sont des acteurs de seconde zone, c’est-à-dire des seconds rôles sans trop de glamour. Cela va très bien avec le fait qu’il s’agit de personnes ordinaires. Robert Emhardt trimballe sa lourde silouhette pour jouer le rôle d’un potentat local. On donnera une mention spéciale à Leo Gordon qu’on reverra ensuite dans L’arme à gauche de Claude Sautet.

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    Joey est accusé d’avoir tenté de violer Ella

    Quelques scènes restent marquantes, comme cette confrontation entre Sam Griffin et Adam Cramer, le premier hésitant manifestement à tuer le second, puis choisissant de lui démontrer combien sa lâcheté lui enlève toute valeur. Egalement cette foule qui s’apprête à lyncher le nègre Joey, sous le regard rigolard des petits enfants qui s’amusent de la rudesse avec laquelle Shipman le dresse. Ce qui est sans doute le mieux rendu est l’incompréhension des gens du sud, la propre famille de McDaniel, dans le bouleversement qu’amènent les nouvelles lois.

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    Shipman se pose en dresseur de nègres

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          Sam Griffin va faire capoter le plan machiavélique de Cramer

    « Nous sommes tous des assassins, André Cayatte, 1952La belle de Paris, Under my skin, Jean Negulesco, 1950 »
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