• The revenant, Alejandro Inarritu, 2015

    The revenant, Alejandro Inarritu, 2015 

    Le film nous parvient avec une grosse réputation. C’est en effet le premier western du cinéaste mexicain Inarritu qui est lui-même considéré comme un réalisateur original. Il a été tourné dans des conditions très difficiles et son budget a été dépassé. Mais il vient de remporter trois BAFTA, dont celui du meilleur film et du meilleur acteur. C’est un favori pour les Oscars. Et comme les gens aiment bien finalement les westerns et les films d’aventures, on se dit : pourquoi pas ? Personnellement j’avais beaucoup d’appréhension, et je ne trouve pas qu’Inarritu soit un cinéaste bien intéressant, quoiqu’il soit au goût du jour. Pour la petite histoire on se souviendra que ce projet existe depuis le début des années 2000 et que plusieurs réalisateurs lui avaient été associés avant de se dédire : Park Chan-wook, Jean-François Richet ou encore John Hillcoat.

      The revenant, Alejandro Inarritu, 2015

    L’histoire est basée sur un livre de Michael Punke qui est lui-même une réécriture des aventures de Hugh Glass, un trappeur qui a réellement existé et qui a survécu à des tas de misères et puis qui s’est vengé de celui qui l’avait trahi. En 1823, une expédition de trappeurs est surprise par une attaque d’Indiens qui les décime. Hugh Glass et son fils qu’il a conçu avec une indienne, échappent avec quelques autres à la mort. Le reste de la troupe doit fuir. Mais pour éviter que les Indiens ne leur tombent à nouveau sur le dos, le reste de la petite troupe va tenter de passer par les montagnes pour rejoindre le fort. A travers de ce périple, Glass va être surpris par un grizzly, une femelle, qui pour protéger ses petits tente de tuer Glass. Dans cette terrible bataille, c’est pourtant Glass qui va sortir vivant. Blessé, il est secouru par ses amis et son fils. Mais comme il est fiévreux, et que de le porter ralenti l’avancée de la petite troupe, Il est laissé à l’arrière : Fitzgerald, le fils de Glass et Bridger doivent le veiller en attendant qu’il meure, puis l’enterrer décemment. Leur capitaine va les payer pour cela. Mais Glass ne meurt pas, sa robuste constitution résiste. Aussi Fitzgerald qui a été dans le temps à moitié scalpé par les indiens, va chercher à se débarrasser de ce fardeau. Profitant de l’absence de Bridger il va tuer le fils de Glass et laisser ce dernier pour mort. Ils vont regagner le fort. Pendant ce temps-là Glass va survivre, récupérer des forces bien difficilement, puis finir par regagner le fort. Evidemment le traître Fitzgerald prendra la fuite, mais au terme d’une course poursuite dans les montagnes, Glass le tuera. Entre temps Glass aura croisé des Français, des Indiens, des bisons, au cœur d’une nature hostile où se pose continuellement la question de la survie, de la faim et du froid. On note que le film est vendu comme une histoire vraie, mais qu'en réalité Glass n'a pas tué Fitzgerald, que celui-ci s'est enrôlé dans l'armée et a continuer sa vie. Glass lui même ne mourra que 10 ans près cette odyssée. Mais enfin, c'est un film, et l'exactitude des films américains n'a jamais empêché les producteurs de dormir. 

    The revenant, Alejandro Inarritu, 2015  

    Les Indiens ont attaqué le camp et Glass doit mettre son fils à l’abri 

    On remarquera tout d’abord que c’est le second western qui en 2015, après les 8 salopards de Tarantino, se passe dans une nature congelée où la neige et les glaces tiennent un rôle déterminant. C’est la nouveauté de l’époque : rien n’éclaire ces deux westerns et l’image restera toujours sombre. Il n’y a pratiquement pas de scène ensoleillée. Cela voudrait-il dire que la nature criminelle de la naissance des Etats-Unis est liée à cette difficulté naturelle initiale ? On ne sait pas trop qu’en penser. Tout comme le niaiseux opus de Tarantino, le film d’Inarritu pratique aussi la surenchère dans le genre gore, il ne pleure pas l’hémoglobine. Du sang il y en a d’abondance, et les misères physiques de Glass sont détaillées en long, en large et en travers, ne laissant guère le spectateur en repos.

     The revenant, Alejandro Inarritu, 2015 

    Fitzgerald et Bridger craignent le retour des indiens 

    Le film est très long, trop long, pour un argument somme toute plutôt modeste. Certes on a bien compris que la tendance moderne était à réaliser des films très longs, mais ici on peut enlever facilement une heure au montage sans que cela nuise ni au développement des caractères, ni à l’intrigue elle-même, ni même à la qualité esthétique du film. L’histoire tourne en rond et quand on a vu Glass se sortir des griffes de l’ourse, de la fièvre et de s’être fait précipité du haut d’une falaise, ou encore s’être à moitié noyé, on a compris qu’il était increvable. Mais ça ne fait rien on rajoutera l’épisode de la nuit dans le ventre d’un cheval, des fois que le spectateur serait un peu lent. Cette lourdeur provoque évidemment l’ennui, comme les sempiternels niaiseux retours de Glass sur les images de son passé, de son fils et de sa femme. Des fautes de scénario, il y en a à la pelle, à commencer par celle où on voit le capitaine dévoiler à Fitzgerald qu’il conserve de l’argent dans un coffre-fort comme s’il ne pouvait pas se douter de la fourberie du demi-scalpé. La scène du viol de l’indienne et la manière dont Glass la sauve est aussi plutôt téléphonée et ne correspond pas vraiment à l’état d’esprit d’un homme qui cherche d’abord à sauver sa peau et ensuite éventuellement à assouvir sa vengeance. La scène du réveillon du jour de l’an est filmée d’une manière tellement étriquée et sombre qu’on se prend à se demander à quoi elle peut bien servir.

     The revenant, Alejandro Inarritu, 2015 

    Glass croise un troupeau de bisons 

    On sait qu’Inarritu fut une pièce rapportée sur ce projet, comme Leonardo di Caprio. C’est donc un film qui est décalé par rapport à son œuvre antérieure. Sans doute est-ce là le premier problème que rencontre le film : on ne s’improvise pas auteur de western comme ça. Malgré les énormes moyens déployés pour donner du corps à l’ensemble, Inarritu n’arrive pas à saisir la splendeur de la nature traversée : le film manque en effet en permanence de profondeur et tout reste étriqué. Il y a une incapacité manifeste à saisir l’espace. Le film ne présente aucune originalité. on reconnaîtra facilement deux influences majeures qui sont recyclées ici sans complexe : Danse avec les loups de Kevin Costner et Nouveau monde Terence Mallick. Du premier on retiendra cette volonté de mêler l’intrigue à l’immensité de la nature, et bien sûr les rapports d’un blanc avec les Indiens et encore la rencontre avec les bisons. Du second il tient ce principe de montrer justement cette nature dans toute sa dureté et son hostilité. Inarritu insiste lourdement bien trop lourdement sur la crasse et la saleté de cette vie rude. Inarritu semble ne pas comprendre ce que Costner et Inarritu avaient saisi : la nécessité de la communion entre l’homme et la nature. Sans doute est-il fait plutôt pour les intrigues urbaines.

    Cependant, il faut bien tout de même qu’Inarritu amène quelque chose d’original dans la manière de filmer. Il n’a en effet ni la grâce de Mallick, ni les bons sentiments de Kevin Costner qui aimait montrer les Indiens dans leur beauté plutôt que dans leur misère et donc qui filmait aussi le soleil. Alors il se sert d’artifices. La photo est précieuse, dans les teintes bleutées, elle use de contrastes très artificiels qui mettent en relief quelques aspects de la nature comme les gouttes de pluie sur la rivière par exemple. Ou alors il abuse des contre-plongées esthétisantes qui déforment les têtes des chevaux ou donnent un aspect particulier à la forêt. C’est un paradoxe que de filmer dans des décors naturels pour finalement se servir de ceux-ci d’une manière aussi artificielle, ça peut faire de belles images pour les magazines de mode, mais pas un film. Je passe sur la complaisance qu’il y a à filmer un demi-scalpé.

     The revenant, Alejandro Inarritu, 2015 

    Sur son chemin Glass rencontre un indien solitaire qui fait rôtir un bison 

    Sur l’interprétation il n’y a pas grand-chose à dire. Les rôles sont tellement physiques qu’il est bien difficile de distribuer des bons points ou des mauvais aux acteurs. Certes Di Caprio est un bon acteur bien qu’il choisisse le plus souvent très mal ses rôles. Mais ici il est dans un registre taciturne, ne luttant que pour sa survie et son désir de vengeance, il n’a juste qu’à être présent. Cela justifie-t-il un prix d’interprétation ? Il n’était pas prévu dans la distribution et c’est Christian Bale qui devait tenir le rôle de Glass – on a même parlé à un moment de Samuel L. Jackson. C’est Tom Hardy qui a finalement le plus à faire dans le rôle de Fitzgerald pour donner du corps à sa traîtrise et faire passer un peu de folie dans son regard. Et en ce sens il est bien plus intéressant que tous les autres. A l’origine ce n’est pas lui qui devait incarner Fitzgerald, mais Sean Penn qui s’est désisté au dernier moment. Le reste de la distribution est passe partout.

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    Le danger est de tous les instants 

    C’est donc un film ennuyeux et sans grand intérêt, aussi mauvais que le Tarantino, il est sans doute encore plus prétentieux et manifeste bien peu d’empathie avec son sujet. Ce n’est pas avec ces auteurs que le western retrouvera un nouveau souffle. En tous les cas The revenant a déjà rapporté suffisamment d’argent pour ne pas avoir ruiné ses producteurs par son budget extravagant ce qu'on craignait encore il y a quelques mois.

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    Glass ruse pour approcher Fitzgerald

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