• A deux pas de l’enfer, Short cut to the hell, James Cagney, 1957

     A deux pas de l’enfer, Short cut to the hell, James Cagney, 1957

    Ce film possède le double intérêt d’être un remake de This gun for hire, et d’être la seule réalisation de James Cagney. Le film de Frank Tuttle ayant été un très grand succès, il était presque naturel d’en faire un remake. En 1957, la carrière de l’acteur James Cagney patine, il se verrait bien continuer en tant que réalisateur. Malheureusement, ce film ne convaincra pas grand monde, et donc il ne persévérera pas dans ce sens. En 1957 James Cagney avait déjà une longue carrière derrière lui, aussi bien dans le film criminel que dans le film noir. Dans ce dernier genre, il comptait des beaux succès comme White heat de Raoul Walsh en 1950 ou le moins connu, Kiss tomorrow goodbye de Gordon Douglas la même année[1].  

     A deux pas de l’enfer, Short cut to the hell, James Cagney, 1957 

    La fille du garni vient faire la chambre de Kyle 

    Le scénario est approximativement le même que celui de This gun for hire. Mais c’est justement cette approximation qui va faire toute la différence. Les noms ont été changés, ce qui n’est pas le plus important, encore que en passant de Raven à Kyle, on perd un peu du côté animal de l’affaire. Mais surtout, le ressort de l’histoire ne repose plus sur la vente de document à l’étranger. Il n’y a plus que la cupidité de AT et une vague histoire de détournement de fonds. Cette simplification qui peut se comprendre parce que les Américains ne sont plus en guerre, transforme le récit. Autre simplification abusive du scénario, c’est le rôle de Glory – à la place d’Ellen – elle apparaît moins forte et moins ambiguë, et ses numéros de chanteuse sont moins développés. Dans ses relations avec Kyle, elle est pas du tout ambiguë et manifeste seulement de la pitié pour un pauvre garçon

     A deux pas de l’enfer, Short cut to the hell, James Cagney, 1957 

    Kyle va tuer la secrétaire 

    Il en résulte que la thématique est appauvrie. Ce n’est plus un film noir, mais une simple histoire criminelle. Et si on ne connaissait pas This gun for hire, elle serait sans doute plaisante à regarder. Mais la comparaison avec le film de Frank Tuttle est terrible. On constate alors que le film noir ce ne sont pas seulement des tics photographiques appliqués, mais ce sont des codes qui prennent sens aussi bien dans une thématique particulière que dans le rythme qui sera donné à l’ensemble. Et bien sûr c’est d’abord une question de rythme. L’ensemble apparaît décousu. Alors que dans This gun for hire on suivait l’intrigue du point de vue de Raven et de son ébauche d’idylle avec Ellen, ici tout apparaît dispersé. On part parfois du côté de l’enquête policière, parfois du côté de la duplicité de Bahrwell, ou encore des embarras causés à Glory. Dans le film de Frank Tuttle, on pouvait insister plus facilement sur Ellen et son caractère très fort, parce que les services de renseignements lui avait fait confiance pour mener à bien une mission dangereuse, mais cela a disparu.

     A deux pas de l’enfer, Short cut to the hell, James Cagney, 1957 

    Kyle menace Daisy pour qu’elle continue à parler au téléphone 

    Il y a tout de même de très bonnes séquences, par exemple lorsque Kyle et Glory se réfugient dans l’usine d’aluminium et que le rythme des machines rythme en même temps les recherches de la police et la fuite du couple. Les séquences avec Daisy sont pas mal réalisées aussi, et l’ouverture est réussie. Contrairement à ce qu’on entend ici ou là, le film de Cagney ne reprend aucun plan du film de Tuttle, au contraire, il cherche à s’en démarquer le plus possible, par exemple en présentant l’affrontement entre AT et Kyle en extérieur, dans les jardins de sa luxueuse maison.

     A deux pas de l’enfer, Short cut to the hell, James Cagney, 1957 

    Dans le train pour Los Angeles Kyle croise la route de Glory 

    L’interprétation est très loin de l’excellence de celle d’Alan Ladd et Veronica Lake. Sans être mauvais, Robert Ivers, dans le rôle de Kyle, est assez transparent. C’est du reste le seul rôle important qu’il aura sur grand écran. Georgann Johnson dans le rôle de Glory, est déjà trop âgée par rapport à Robert Ivers. Et bien sûr cela lui donne un rôle trop maternel et peu sexué. Si elle a de l’énergie, elle a un jeu trop stéréotypé qui s’accommode mal avec son personnage. Je me demande si ce n’est pas cette double erreur de casting qui plombe complètement le film. Robert Ivers et Georgann Johnson ne retrouveront plus jamais des rôles aussi importants, et devront se contenter de travailler pour la télévision. Deux seconds rôles nous semblent par contre très bien choisis : d’abord Jacques Aubuchon dans celui de Bahrwelle qui est très bon, et insiste sur le côté homosexuel de son personnage – une des obsessions de Graham Greene. Ensuite, Yvette Vickers dans celui de la fourbe Daisy qui est pas mal du tout. Mais cette actrice se perdra dans des production de quinzième catégorie et des séries télévisées sans saveur. Elle a fait parler d’elle lors de son décès. Elle vivait à la fin de sa vie dans une modeste demeure, sans trop d’argent, mais elle fut découverte morte et momifiée près d’un an après sa disparition[2]. Une histoire étrange comme les aime Hollywood.

     A deux pas de l’enfer, Short cut to the hell, James Cagney, 1957 

    Kyle et Glory se cachent dans les sous-sols de l’usine 

    Le film n’a pas eu de succès, le public n’a pas suivi, et la critique a été plutôt féroce. Cela mettra un terme aux ambitions de James Cagney comme réalisateur. Mais le film n’est pas aussi mauvais qu’on le dit. Il se voit même assez facilement, à condition bien sûr d’oublier le film dont il est le remake.

     A deux pas de l’enfer, Short cut to the hell, James Cagney, 1957

    Kyle a enfin rattrapé Bahrwhell



    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/le-fauve-en-liberte-kiss-tomorrow-goodbye-gordon-douglas-1950-a114844682 

    [2] http://www.parismatch.com/Culture/Cinema/Yvette-Vickers-une-ex-playmate-retrouvee-momifiee-145804 

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