• Abdel Hafed Benotman, Eboueur sur échafaud, Rivages, 2003

    Abdel Hafed Benotman, Eboueur sur échafaud, Rivages, 2003

     

    Abdel Hafed Benotman est décédé le 20 février dernier apparemment des suites de problèmes cardiaques récurents. Il avaity 54 ans. Il a eu une vie assez compliquée, passant par la casse prison à plusieurs reprises. Il a tiré de ses expériences un certain nombre d’ouvrages qui ont eu un certain succès. Succès mérité. C’est un transplanté, issu d’une famille algérienne et musulmane, il va vivre son enfance et sa prime jeunesse à Sain-Germain-des-Près. C’est évidemment de ce choc des cultures que va naître son style si particulier qui au final le rapprochera plus d’Alphonse Boudard. Dans cet ouvrage Eboueur sur échafaud, la matière est sa propre jeunesse. Ce n’est donc pas à proprement parler ni un thriller, ni un roman noir. d’ailleurs sa vie délinquante n’est que marginalement appréhendée, même si on comprend bien que tout ce qu’il aura vécu l’y amène. C’est presqu’une étude des mécanismes qui fabriquent des délinquants à la pelle, aussi bien par la confrontation entre a richesse et la pauvreté que dans cette quête permanente de la liberté.

    Abdel Hafed Benotman, Eboueur sur échafaud, Rivages, 2003

      

    Il y avait chez Benotman aussi un humour particulier, sans doute nécessaire à supporter cette privation de liberté qui fut du début jusqu’à la fin de sa vie sa destinée. Son père, plutôt rugueux et peu communicatif, était un ouvrier du bâtiment, dur au mal, menant la vie de sa famille à la baguette. C’est cela qui donne d’ailleurs à Eboueur sur échafaud un côté prolétarien. D’ailleurs on peut se demander si ce n’est pas là un des derniers exemples d’une littérature prolétarienne en voie de disparition.

    Fort heureusement Benotman avait un vrai style, très personnel, mêlant le langage parlé des années soixante-dix et quatre-vingts à des formes littéraires plus traditionnelles, comme le choc entre cette culture germanopratine et ses racines ouvrières. Algérien transplanté, il ne se reconnaîtra pas dans ses origines maghrébines – la description qu’il fait de ses vacances en Algérie sont sidérantes. Mais bien entendu il souffrira aussi d’un racisme ordinaire qu’il soit représenté par les institutions – la police et l’éducation – ou par des hasards de rencontres – comme Hugo fils de bourgeois.

    Les choses sont compliquées, et même les bourgeois bien intentionnés ne trouvent grâce à ses yeux, tellement ils sont peu aptes à comprendre dans quelles contradictions sa vie baigne. Il semble d’ailleurs que les autres membres de sa famille, ils étaient deux frères et deux sœurs, n’aient guère mieux supporter que lui cette vie.

     

    Il y a des morceaux de bravoures dans son écriture. Le roman s’ouvre sur sa propre circoncision. Et la lecture de cette expérience terrifiante  vous ôte rapidement l’envie de vous faire musulman ! La religion est ici représentée comme une forme d’obscurantisme, une castration, une borne incompréhensible à un désir naturel de liberté et d’amour. Mais la famille n’apparaît guère plus comme un idéal. Faite de pièces et de morceaux, de gens qui finalement se haïssent et ne se comprennent jamais, elle est le réceptacle de toutes les rancœurs accumulées.

    « Hold-up, Plunder road, Hubert Cornfield, 1957Cold in July, Jim Mickle, 2014 »
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