• Alphonse Boudard & Marcel Azzola, La valse musette et l’accordéon, Solar, 1999

    Alphonse Boudard & Marcel Azzola, La valse musette et l’accordéon, Solar, 1999  

    Un livre sur l’accordéon signé Boudard, cela pourrait représenter une sorte de labeur de commande, négligeable en face de la carrière de romancier de l’auteur de La cerise. Et pourtant non, comme je l’ai dit dans mes chroniques boudardiennes qui évitent ses romans proprement dits, il faut lire tout ce qu’on peut lire de Boudard. Comme il était un ennemi du modernisme et du progrès, il était naturel qu’il nous offre une ballade dans l’univers de l’accordéon. Car l’accordéon ce n’est pas simplement un instrument, c’est une culture qui vient du populo. Léo Ferré parlait du piano du pauvre. C’était bien vu. Et c’est ce qui plait à Boudard, ce ne sont pas les classes hautes qui l’ont inventé et qui l’ont utilisé. Y compris dans sa fabrication, Boudard nous raconte comment il a été génialement bricolé puis amélioré. Ici Boudard se fait historien, ce qui lui plait de revivre le passé, non seulement pour la nostalgie, mais aussi parce qu’il ouvre les portes d’une possible culture alternative. Donc l’ambiance de l’accordéon, ce sont les bals populaires, qui s’installent un peu partout, dans les villes comme dans les campagnes. N’allez pas croire cependant que Boudard se contente de recopier des traités savants sur la technique de la fabrication des accordéons et les harmoniques que cet instrument supporte. Il nous met tout ça en perspective, en prenant bien soin de nous le faire regretter. Nonobstant la nostalgie, il va montrer toute la diversité de l’instrument qui déploie son talent dans les marges de la société moderne et mercantile, à la barbe des bourgeois. le livres est épais. Quoiqu’à mon sens Boudard ne donne pas assez de place au bandonéon, essentiel dans le tango. J’insiste d’autant plus que mon oncle, compositeur de tangos était aussi un fin joueur de bandonéon, ce qui assurait sa gloire dans les bals du samedi soir. 

    Alphonse Boudard & Marcel Azzola, La valse musette et l’accordéon, Solar, 1999 

    Jusqu’à une date récent, les bars et les restaurants offraient de la musique qui n’était pas en tube 

    Mais évidemment l’accordéon est abordé aussi sous son angle sensuel, un peu canaille, sinon Boudard ne s’y intéresserait pas ! Longtemps l’accordéon aura cette allure un peu prolo, un peu voyou. L’accordéon c’est le bal, un loisir populaire et peu coûteux, lieu où on drague et où on se frotte. Le son lancinant et vif de l’accordéon va bien avec ce programme. Mais son aventure la mènera tout de même à conquérir un large public, et même à pénétrer les conservatoires. Des hommes politiques comme le particulé Valéry Giscard d’Estaing, l’utiliseront pour montrer combien l’ancien président était proche du peuple. N’est-il pas constitutif de l’esprit français ? Ne va-t-il pas avec la langue français, qu’elle soit argotique ou académique ? On ne compte plus les chansons et les chansonnettes que cet instrument a inspiré. L’accordéoniste, ce monument gueulé par Edith Piaf ou encore plus discrètement, Le piano du pauvre de Léo Ferré, Boudard en dresse un répertoire, démontrant indirectement que c’est peut être au temps de l’accordéon que la France atteignit le sommet de sa civilisation. Dans La Marseillaise, Léo Ferré réclamait le retour de l’accordéon, c’était bien au-delà d’un pacifisme de circonstance. Tout cela montre que la culture qui vient d’en bas si on peut dire finit toujours par rattraper le haut et modifie ainsi la définition d’une nation dans ce qu’elle de plus intime. 

    Alphonse Boudard & Marcel Azzola, La valse musette et l’accordéon, Solar, 1999 

    Les bals clandestins pendant l’Occupation 

    Le livre est bien travaillé, bien écrit, Alphonse Boudard, on sent que ce travail lui a tenu au cœur, il a fait des recherches, des synthèses, de l’histoire de la construction de l’instrument à son apparition dans les autres formes de représentations culturelles, le livre, avec les écrivains un peu voyous, comme Francis Carco, Pierre Mac Orlan et quelques autres. L’accordéon se retrouve aussi dans de très nombreux films français souvent comme l’incarnation du populaire. Michel Simon joue dans l’accordéon dans L’Atalante, le chef d’œuvre de Jean Vigo tourné en 1934, ou encore dans Dernier tournant, l’excellente adaptation de Pierre Chenal du Facteur sonne toujours deux fois qui date de 1939[1], deux films que j’aime beaucoup et sûrement le meilleur de Michel Simon qui a trop souvent joué les cabotins. 

    Alphonse Boudard & Marcel Azzola, La valse musette et l’accordéon, Solar, 1999

    Michel Simon, Corine Luchaire et Fernand Gravey dans Dernier tournant, Pierre Chenal 1939

    Alphonse Boudard & Marcel Azzola, La valse musette et l’accordéon, Solar, 1999 

    Le livre est accompagné d’un CD avec des musiques interprétées par l’excellent et très regretté Marcel Azzola, avec des ritournelles qui persistent dans nos têtes bien que la mode en soit passée, comme La cumparsita, le dénicheur et bien d’autres succès au fond indémodables qui vous donneront sans doute des fourmis dans les jambes. 

    Alphonse Boudard & Marcel Azzola, La valse musette et l’accordéon, Solar, 1999 

    Les bals d’avant-guerre


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/le-dernier-tournant-pierre-chenal-1939-a130597360

     

    « La nuit du chasseur, The night of the hunter, Charles Laughton, 1955Le bonheur est pour demain, And now tomorrow, Irving Pichel, 1944 »
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