• Armored car robbery, Richard Fleischer, 1950

    Armored car robbery, Richard Fleischer, 1950

    Film de gangsters, Armored car robbery est emblématique des films noirs qui se tournèrent au début des années cinquante, mais aussi de ce qu’était capable de faire Richard Fleischer. Ce film a, à juste titre, une excellente réputation. Film de série B, il est très court, à peine un peu plus d’une heure, mais il a une forte densité. L’un des scénaristes est un partenaire habituel de Richard Fleischer dans ce début des années cinquante. Il est produit pour la RKO, et bien que la fin soit tout à fait moralisante, les gangsters sont exterminés, le film apparait très audacieux dans son propos, dur, cynique. C’est le cinquième film noir de série B pour Fleischer. Il a du succès, repéré comme un excellent technicien, il va ensuite passer à la série A et aux budgets plus confortables. Cependant, même si ses films de série A sont parfois excellents, The vikings, The Boston strangler, Soylent green, il apparait avec le recul que ce sont ses films noirs qui offrent la plus grande cohérence et la plus grande inventivité stylistique dans sa carrière. C’est là me semble-t-il qu’il donne le meilleur de lui-même. Ce qui lui donne un style c’est d’avoir travailler le film noir dans des petits formats, approfondissant sa technique, ce qu’il ne pourra pas faire dans la suite éclectique de sa carrière. 

    Armored car robbery, Richard Fleischer, 1950 

    Le hold-up est bien minuté

    Dave Purvis est un braqueur de fonds des plus prudents et des plus rigoureux. Très discret, il n’a jamais été condamné, il est inconnu de la police. Il change très souvent de domicile, coupe les étiquettes de ses chemises et de ses costumes. Il minute de façon précise le temps d’intervention de la police en cas d’attaque. Il a décidé d’attaquer un fourgon blindé en fin de tournée, près du champ de course. Il va recruter deux acolytes qui ne le connaissent pas, par l’intermédiaire de McBride dont il saute la femme qui est stripteaseuse dans un cabaret. Ils vont mettre le plan au point. L’exécution doit pourtant faire face au fameux grain de sable : l’alerte est donnée, mais une patrouille arrive plus tôt que de coutume. Une fusillade éclate. Le lieutenant Philips est mortellement touché, et l’inspecteur Cordell, son ami, blesse McBride. Dès lors la chasse est lancée. Si les quatre gangsters passent assez bien le barrage, ils se trouvent coincés près du port. L’état de McBride empirant, Purvis se résout à l’abattre pour garantir sa propre sécurité. Les flics sont sur leurs traces et les piègent dans un entrepôt sur les docks. Mapes va arriver à s’enfuir en bateau, mais Ryan va être abattu par la police. Purvis arrive à s’en sortir. Cordell ne reste pas les bras croisés, avec son jeune inspecteur, il va chercher des renseignements et en remontant la piste de McBride, il tombe forcément sur Yvonne LeDoux qui n’est autre que la femme de McBride. Cependant ils ne connaissent toujours pas Purvis. A partir d’une pochette d’allumette sur laquelle l’inconséquent McBride avait noté son numéro de téléphone, ils sont sur le point de le surprendre à sa nouvelle adresse. Mais Purvis leur glisse encore entre les doigts. La police qui a l’œil sur Yvonne LeDoux va piéger Mapes qui vient chercher sa part. les flics le font parler, ils savent maintenant que derrière le sanglant hold-up il y a le cerveau de Dave Purvis. Cuyler va tenter d’approcher Yvonne, mais il se fait surprendre à son tour par Purvis. Avec Yvonne et Cuyler en otage, ils foncent vers l’aéroport. Entretemps ils se sont débarrasser de Cuyler en le laissant pour mort. Purvis et Yvonne vont tenter de prendre l’avion pour le Mexique. Mais Cuyler va arriver à prévenir Cordell qui va empêcher le décollage de l’avion. Purvis tente à nouveau de s’enfuir, mais il sera abattu. 

    Armored car robbery, Richard Fleischer, 1950

    Les policiers pensent tenir une piste avec la photo d’Yvonne LeDoux 

    A lire le scénario à la va-vite, on pourrait croire que le sujet est que le crime ne paie pas. Du reste on voit à la fin les billets s’envoler au-dessus de la valise ouverte de Purvis, image qui sera abondamment reprise par la suite. Il n’en est rien. Purvis n’est au fond pas plus antipathique que Cordell qui le pourchasse. Les personnages sont dessinés de telle sorte qu’on les comprend dans leur comportement, et non dans leurs intentions ou leurs sentiments. Qu’ils soient bons ou mauvais, ce n’est pas là le problème. Les personnages sont durs, cyniques. Purvis est un menteur, il ment à McBride, mais baise sa femme par derrière sans vergogne. Cordell ne manifeste guère de tendresse pour la femme de son ami décédé dans l’exercice de ses fonctions. Les truands passent leur temps à se trahir les uns les autres pour mettre la main sur la monnaie. Pour limiter les risques, Purvis abattra froidement McBride, ce qui augmente de fait sa part ! Et encore on pourrait dire qu’au-delà de sa dureté c’est même Purvis qui a le cœur le plus tendre. C’est en effet en attendant de partir avec Yvonne qu’il va se perdre. Il aurait pu fuir tout seul sans problème, mais sa vie aurait-elle eu encore un sens ? Yvonne, on ne sait pas trop ce qui l’anime, le fait que Purvis soit rusé et démerdard, qu’il ait la force de s’imposer à tout le monde ? Est-ce l’argent ou simplement sa virilité qui l’attire. Elle aussi est une menteuse. Mais enfin elle a le goût de l’aventure chevillé au corps. Elle lâchera tout pour partir avec Purvis. 

    Armored car robbery, Richard Fleischer, 1950 

    Purvis échappe de justesse à la police 

    Tous les personnages sont ambigus, Purvis d’ailleurs à la fin tentera de partir tout seul abandonnant Yvonne dans l’avion. Cordell envoie Cuyler pour remplacer Mapes auprès d’Yvonne, sachant ce qu’il va risquer. Mais il joue sur le fait que la stripteaseuse exerce une forte attirance sexuelle sur le jeune policier. Mais au-delà il y a forcément une admiration pour les capacités de Purvis non seulement à monter des coups superbement efficaces, mais aussi à se tirer des pièges de toute sorte qui se manifestent. Il est très rusé, voir par exemple la manière dont il se sert des cabines téléphoniques pour communiquer avec Yvonne au nez et à la barbe des policiers. Forcément le spectateur se trouve un peu de son côté. D’autant qu’il use aussi de la force s’il le faut, par exemple en mettant au pas Mapes qui réclame un surplus d’argent après le décès de McBride. Le film décrit aussi les quatre gangsters dans leur opposition à la machine informelle et sans cœur de la police qui les broie dans un rapport de forces qui leur est défavorable. Le combat n’est pas loyal. Fleischer insistera sur l’organisation et le système d’information de la police en donnant, comme c’était souvent le cas à l’époque, un côté documentaire à sa réalisation. C’est toute une machine qui se met en route pour broyer les récalcitrants.  

    Armored car robbery, Richard Fleischer, 1950

    Cordell suit la piste d’Yvonne LeDoux 

    La réalisation est pour beaucoup dans le succès de ce film. D’abord la façon dont est monté le hold-up et son déroulement. C’est une affaire de timing, aussi bien pour les braqueurs que pour le réalisateur. Fleischer s’est clairement inspiré de Criss Cross de Siodmak, notamment pour filmer l’attaque du fourgon blindé à travers la fumée des gaz lacrymogènes et les masques à gaz que les gangsters portent[1]. Le montage est sec et nerveux, avec de jolis panoramiques. Il y a également une excellente utilisation des décors naturels, les champs de pétrole, le port, les entrepôts, ce n’est pas le Los Angeles glamour et rupin qu’on travers, mais plutôt une ville laborieuse, comme pour nous indiquer que les policiers comme les gangsters sont en quelque sorte des travailleurs d’une qualité à peine différente. Alain Corneau remarquait à juste titre que dans ce film Fleischer utilise des angles assez inhabituels, principalement des contre-plongées qui donne de la puissance aux affrontements. Il y a une scène où Cordel et Cuyler cueille Mapes en le coinçant dans son fauteuil alors qu’il admire le striptease d’Yvonne. Cette scène sera reprise plusieurs fois. Elle démontre l’impuissance de l’homme piégé dans son siège, coincé sur sa droite et sur sa gauche, il ne pourra pas s’échapper. Également il y a cette scène remarquable quand Cordell vient à l’hôpital visiter la veuve de son coéquipier, il y a une sécheresse dans les gestes utilisés qui donne énormément d’émotion, qu’elle soit filmée avec une belle profondeur de champ accroit encore cette sensation. La nuit est ici une couleur particulière qui augmente la tension, notamment dans toutes les scènes qui se passent sur les quais. 

    Armored car robbery, Richard Fleischer, 1950

    La stripteaseuse est mise sur écoute 

    Le film n’est pas taillé pour des stars bien connus, mais, et c’est ce qui contribue à en faire la réussite, pour des acteurs de seconde zone qui on cet air complètement ordinaire des flics et des truands qu’on peut rencontrer dans la vie réelle. Ce sont des gueules comme on dit. A commencer par William Talman qui vole la vedette à tout le monde. J’ai déjà souvent dit tout le bien que je pensais de cet acteur au physique si inquiétant qu’on ne le voit pas trop faire autre chose que des films noirs. Ici il incarne le rusé et glacial Purvis. Derrière vient Charles McGraw dans le rôle du bougon Cordell. Lui aussi est très bien, rugueux comme il se doit. Mais son physique est bien moins étrange que celui de Talman. Et puis il y a la grande et excellent Adele Jergens dans le rôle de la stripteaseuse. C’est une blonde aux longues jambes, un peu dans le genre de Barbara Payton ou de Jan Sterling. Ce genre de femme forte, blasée, mais aussi qui mène sa barque en se méfiant du désir qu’elle suscite. Il est dommage qu’elle n’ait fait qu’une brève carrière, ici elle est excellente et remarquable. Le reste, c’est du tout-venant, mais propre, rien à redire. 

    Armored car robbery, Richard Fleischer, 1950

    Les policiers abattent Purvis 

    C’est donc bien d’un classique du genre dont il s’agit, on peut le voir plusieurs fois d’affilé et y trouver toujours quelque chose d’inattendu. Il est très dommage qu’on n’en trouve pas une copie Blu ray sur le marché. La très bonne photo de Guy Roe l’aurait sans doute mérité. Incidemment on peut noter qu’il inspirera assez directement Kansas city confidential de Phil Karlson deux ans plus tard.

    « Les mendiants de la vie, Beggars of life, William Wellman, 1928Il marchait dans la nuit, He walked by night, Alfred L. Werker, 1948 »
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