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Bande de flics, The choirboys, Robert Aldrich, 1975
Joseph Wambaugh est en quelque sorte le roi du polar choral. The choirboys est la première tentative dans ce sens. C’est une manière pour lui de déverser le trop plein des histoires tragi-comiques dont il avait eu connaissance dans son activité de policier du LAPD. Par la suite il approfondira cette approche et la complexifiera en l’intégrant à des intrigues capables de se développer sur l’ensemble de l’ouvrage. Ici il s’agit plutôt d’une collection de portraits, une dizaine, qui met en scène des équipes de flics – d’où le titre en français, Patrouilles de nuit – qui sont autant de caractères différents et qui se retrouvent au petit matin à faire la fête au Parc MacArthur avec beaucoup d’alcool et de filles. Cette sorte de débauche se nomme dans le jargon des flics la répétition et le titre américain – The choirboys – qui veut dire les choristes, renvoie aussi bien au caractère choral de l’ouvrage qu’à cette sorte de cérémonie païenne qu’ils célèbrent. L’ensemble porte sur la vie quotidienne des flics de Los Angeles, avec ses difficultés et ses petites compromissions.
Le film est construit comme un enchaînement de petites histoires qui sont toutes tissées dans la réalité du quotidien du commissariat de Wilshire, sans trop de fil conducteur entre elles, il suit donc à peu près la logique de l’ouvrage. On aurait pu croire que la patte de Robert Aldrich suffirait à en faire quelque chose de solide. Ce n’est hélas pas le cas. Après l’excellent L’Empereur du Nord, il faut bien convenir que la filmographie d’Aldrich est devenue assez médiocre. Le premier problème est le ton adopté. Certes dans l’ouvrage de Wambaugh, il y a beaucoup d’ironie, de scènes drolatiques, mais il ne présente pas les flics comme un simple ramassis de débiles profonds. Au contraire, dans le film on a l’impression que les flics sont de dangereux psychopathes qui non seulement ne font pas leur boulot, mais qui en plus sont dangereux pour la société car ils ont un QI très faible. C’est sans doute ce qui a motivé Wambaugh pour se désolidariser du film.
La séance d’appel
En dehors du ton proprement dit, il y a la difficulté de faire tenir toutes les petites histoires ensembles. C’est normalement le rôle que devrait tenir le décor du commissariat puisque c’est là que l’ensemble des flics se retrouvent au moment de l’appel, avant de partir patrouiller. Or ce décor est plutôt mal utilisé. Et là c’est la faute d’Aldrich puisque les mêmes plans reviennent toujours avec cette sempiternelle incapacité à saisir la profondeur de champ. Du reste les patrouilles de nuit sont tout autant incapable de donner du caractère à Los Angeles. Ce qui est une faute étant donné ce que cette ville peut représenter dans l’imaginaire cinématographique. Et comme les acteurs sont très nombreux, les gros plans sont multipliés au détriment des plans d’ensemble. Ce qui étouffe complètement le sujet. Les flics ont l’habitude de se réunir de nuit, après le travail, au Parc MacArthur. Mais là encore le parc ne conserve aucun mystère et semble se confondre avec un petit jardin d’une maison de banlieue. La bagarre entre une famille de mexicains et de noirs était dans le livre une réflexion sur la difficile cohabitation des différentes ethnies. Cela est gommé derrière la confusion de la bagarre et les conséquences douloureuses pour Roscoe Rules qui se fait rosser par les deux parties.
Whalen et Motts font chanter leur supérieur
La réussite du livre de Wambaugh – qui n’est pourtant pas son meilleur – tenait d’abord à cette capacité à mêler les scènes drôles et grotesques avec les drames quotidiens que les flics de Los Angeles rencontrent. Mais dans l’adaptation cinématographique l’absence d’émotion est flagrante. Les épisodes les plus durs ont d’ailleurs été supprimés ou encore gommés. Même le drame du Parc MacArthur qui voit Lyles abattre un malheureux jeune homme passe comme un acte simple et sans importance. Or cet épisode qui renvoie à la guerre du Vietnam et ses séquelles, est un véritable traumatisme pour Lyles. De même les flics sont souvent saisis par des problèmes d’argent ce qui peut les amener à des conduites déviantes, mais ici on n’en verra rien, or c’est bien autour de ces questions de se noue le conflit entre Cachalot et la hiérarchie.
Motts et Francis obligent un arrogant personnage à se déshabiller
La distribution est nombreuse, mais construite autour de seconds couteaux, certes talentueux, mais peu capables d’attirer les foules. James Woods est insignifiant dans le rôle de Bloomgard. Il verse même dans la pitrerie non maîtrisée lorsqu’il se retrouve aux mœurs dans la nécessité d’arrêter deux prostituées. Le plus présent est Charles Durning dans le rôle de Whalen, dit le Cachalot. C’est sans doute le meilleur et le plus intéressant du film. Comme à son habitude, il est très bon. Il a joué dans un nombre incalculable de films policiers, et sa silhouette se reconnait toujours avec facilité. Louis Gosset Jr ne fait que passer, il surjoue le policier noir et hilare, sa prestation est sans intérêt. Plus intéressant est Don Stroud dans le rôle de Lyles. Acteur à la carrure puissante, il est apparu souvent dans des films noirs des années soixante-dix. C’est un très bon acteur qui malheureusement, sans doute à cause de son physique, n’a jamais atteint les premiers rôles. Ici il est très bien et donne un peu de caractère à des personnages qui dans l’ensemble en manquent beaucoup. On remarquera également le toujours excellent Burt Young qui lui aussi était un spécialiste dans les années soixante-dix des petits rôles dans les films policiers. Il a vraiment marqué par sa présence l’avènement du « néo-noir », lui donnant cette touche de réalisme si particulière.
Bloomgard et Lyles tente de s’occuper de Foxy
Le film fut un bide noir, la critique l’a descendu et le public l’a délaissé. Cette recension sévère du film ne doit pas faire oublier qu’Aldrich fut un très grand réalisateur qui a innové dans de nombreux domaines. Mais en même temps je me demande si cette adaptation de Wambaugh était possible. En effet, beaucoup repose sur l’écriture, et c’est toujours difficile de rendre la finesse de l’écriture à l’image. Quand il s’agit de filmer une histoire, avec une action bien claire et bien définie, on s’arrange toujours, mais quand le principe de l’ouvrage repose sur l’éclatement du récit tout autant que sur la mise à distance du sujet, cela devient plus difficile. En effet à travers cette chronique amère d’un commissariat de Los Angeles, Wambaugh offre une réflexion brute sur l’exercice d’un métier particulièrement difficile dans une société qui se décompose dans ses institutions. Ajoutons pour sa défense aussi qu’Aldrich semble avoir manqué un peu de moyens financiers.
Bloomgard et Lyles ont été envoyés aux mœurs
Roscoe Rules se fait draguer par un curieux personnage
« Les confessions de l’Ange Noir, Frédéric Dard, Fleuve noir, 2017De sang froid, In cold blood, Richard Brooks, 1967 »
Tags : Joseph Wambaugh, Robert Aldrich, LAPD, James Woods, Charles Durning, Don Stroud
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