• Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989

     Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989 

    Ce roman de Charles Williams qui fait partie de la série des aventures en mer, avait été un projet de film d’Orson Welles à la fin des années soixante. Il aurait dû être interprété par Jeanne Moreau et Laurence Harvey. Une grande partie des prises de vue a été tournée. C’est un film inachevé aussi bien pour des questions de budget que parce que Laurence Harvey est mort[1]. Par ailleurs, Dead calm, le roman est une suite de Aground, traduit sous  le titre de L’arme à gauche[2]. Les deux personnages principaux, Ingram et Rae se sont connus dans les Caraïbes quand le bateau de Rae a été volé, puis, après bien des aventures ils se sont mariés. Evidemment les deux ouvrages peuvent se lire indépendamment. Mais il est curieux de voir que le couple Ingram-Rae, après avoir connu des terribles tribulations, va connaître encore des aventures pour le moins affreuses. La parenté entre les deux ouvrages est très forte : à chaque fois le couple est isolé sur un bateau, et à chaque fois il doit subir la loi d’une sorte de psychopathe. Cependant cela ne concerne pas vraiment le film.  

    Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989

    Rae et Ingram ont perdu un enfant dans un stupide accident de la circulation. Pour tenter de guérir Rae de ce traumatisme, Ingram va l’emmener sur un bateau pour faire une longue croisière à deux. Par un moment de « calme blanc », le couple va croiser un autre bateau. Un homme vient vers eux avec un canot après avoir abandonné le navire. Il prétend que ses compagnons de voyage sont tous morts à cause de la consommation d’une boîte de conserve avariée. Mais Ingram ne croit pas à son histoire. Tandis que Warriner se repose, il va visiter le bateau. Il découvre les cadavres laissés par ce psychopathe. Il tente de revenir rapidement, mais c’est trop tard, Warriner a pris le contrôle de son bateau. Tandis que Rae doit subir la folie de Warriner, Ingram va tenter de remettre le bateau abandonné en route et de le pourchasser.  Rae va arriver à communiquer avec son mari. Tandis que Ingram tente de réparer la bateau, Rae finit par donner son corps en espérant qu’ainsi Warriner se méfiera un peu moins d’elle. Elle va utiliser toutes les combines possibles été imaginables sur un bateau, d’abord elle va lui faire absorber un sédatif puissant, puis elle va chercher à le tuer avec un fusil, et enfin avec un harpon. Elle finit par le maitriser et s’en va réparer le bateau, tandis que de l’autre côté de la mer, son mari comme d’habitude pompe de l’eau pour remettre le navire à flot. En désespoir de cause, il va bruler le bateau et se confectionner un radeau. Le feu va révéler sa position à Rae qui en navigant à la voile sa retrouver son mari. Ils croient s’être débarrasser du terrible Warriner, mais celui-ci va faire un ultime retour et ce sera finalement Ingram qui le butera. 

    Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989 

    Rae et Ingram écoute l’histoire de Warriner 

    Le film a été produit par George Miller, ce qui n’est pas un gage de grande subtilité psychologique. Par rapport au livre, il y a une différence fondamentale dans le statut de Rae. En effet, l’accident de voiture et la mort de l’enfant sont des éléments rajoutés, ce qui induit que Ingram entreprend cette croisière en mer non pas pour le plaisir, mais comme une sorte de thérapie sauvage afin que Rae admette la disparition de son fils et qu’elle puisse passer à autre chose. Sans doute cela intervient non pas pour justifier la conduite de Rae et Ingram, mais plutôt pour introduire une temporalité différente en faisant en sorte que la confrontation entre le couple et Warriner dure le moins le longtemps possible. L’autre différence est que dans le roman In gram découvre sur le navire abandonné un couple, dont l’épouse de Warriner lui-même. Il n’est donc plus seul à se charger de la remise en état du bateau. Ceux-ci vont lui expliquer la folie de celui qui les a abandonnés, mais également ils vont se montrer presqu’aussi fou que Warriner, en tous les cas tout autant immoral que lui. Le film a aussi ajouté une sorte de viol plus ou moins volontaire de Rae par Warriner, ce qui affaiblit sans doute son personnage. 

    Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989 

    Warriner veut sortir de la cabine 

    Si le plus souvent la thématique de Charles Williams se déploie à partir d’un homme coincé entre deux femmes, ici c’est presque l’inverse dont il s’agit. Rae va être écartelée entre Warriner qui est fou et avec qui elle est forcé de coucher, et son mari qu’elle aime, d’ailleurs elle hésitera à la tuer quand elle en aura l’occasion, c’est son mari qui devra in fine le faire. C’est donc une nouvelle fois la logique du trio qui se présente comme une épreuve pour un couple pourtant endurci. Le but est la réconciliation au-delà des difficultés, avec pour morale que celles-ci renforcent sa cohésion, comme les voyages forment la jeunesse. Curieusement le côté claustrophobique d’une telle aventure n’est pas appuyé. Il y a peu également de démonstration de force, on a l’impression qu’Ingram fait un boulot comme un autre, consciencieusement, mais pas plus. Il n’y a aucune distance d’avec le sujet et une absence totale d’humour. Les morts sont abandonnés à leur sort, et on ne se pose pas de question pour savoir pourquoi ils ont été tués. Ils n’existent pas. Il y a bien sûr cette idée profondément éculée selon laquelle la mer, bonne ou mauvaise, nous lave de nos péchés. 

    Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989 

    Ingram a manqué l’accostage 

    Et d’un point de vue cinématographique me direz-vous ? Et bien il n’y a rien dire. La photo est bonne, les bateaux assez jolis, ça fait de belles cartes postales, mais c’est platement filmé. Les plans larges de la mer et des bateaux, parfois filmés depuis un hélicoptère, alternent avec les gros plans des trois protagonistes. Le tout mixé avec des images de tempête plus ou moins bien venues. On comprend que la mer c’est bien difficile et qu’il ne faut pas s’embarquer avec n’importe qui, car sur un bateau on est seul face à son destin. On peut retenir toutefois la bataille de Rae avec Winnaver, la second quand elle le cloue sur la porte avec le fusil à harpon. Mais dans l’ensemble on a l’impression qu’il ne se passe rien, sans doute cela vient-il de la difficulté que Philip Noyce a pour donner du rythme à cette affaire. 

    Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989 

    Ingram met le feu au bateau de Warriner 

    L’interprétation est très déséquilibrée et donne un côté factice à l’ensemble. Sam Neil joue Ingram, avec sa platitude habituelle. Il est complètement transparent, et dans ses jolis habits de plaisancier, il n’a pas vraiment l’air d’un marin expérimenté, ni même d’être vraiment inquiet de la situation dans laquelle il se trouve. Rae est interprétée par Nicole Kindman, c’est d’ailleurs ce rôle qui l’a fait vraiment connaître. Elle avait à peine plus de vingt. Elle est vraiment excellente, et c’est sans doute pour une grande partie son travail qui a fait le succès de ce film et qui le rend regardable. Billy Zane, un habitué des rôles de mauvais garçons, vraiment mauvais, interprète Warriner, le fou. Il ne fait pas dans la retenue, trop grimacier, il manque de crédibilité. 

    Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989 

    Cette fois Warriner est bien mort 

    Il n’empêche, le film a plutôt bien marché, il a eu une critique convenable, et un succès soutenu à travers les années. Mais il faut bien le dire que cette adaptation paresseuse de Charles Williams nous laisse sur notre faim, aussitôt vu, aussitôt oublié. On comparera si le film ressort un jour, avec ce que Welles envisageait pour cette histoire.
     

     

     


    [1] Sur ce film plus ou moins perdu, voir http://www.wellesnet.com/144/ et aussi http://www.dvdclassik.com/article/orson-welles-f-for-forgotten-4eme-partie

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/l-arme-a-gauche-claude-sautet-1965-a131026692

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