• Vivement dimanche, François Truffaut, 1983

     Vivement dimanche, François Truffaut, 1983

    François Truffaut s’est intéressé à plusieurs reprise au roman noir. Il a tenté à plusieurs reprises d’adapter à l’écran des « classiques » du roman noir. Il a d’abord tourné en 1960 Tirez sur le pianiste avec Charles Aznavour d’après David Goodis, puis en 1968 il s’intéressa au roman de William Irish, La mariée était en noir. Le succès relatif de ce film l’encouragea à persister dans cette démarche, ce fut La sirène du Mississipi en 1969 avec Jean-Paul Belmondo, toujours d’après Irish, le résultat fut décevant pour un film de Belmondo et Deneuve. Le budget avait été important, et les recettes faibles. La critique avait été assez négative pour ce film, même si depuis elle a changé puisque plus personne n’ose critiquer François Truffaut. Et puis il décida de porter Charles Williams à l’écran. Ce fut d’ailleurs son dernier film. Comme Godard et Chabrol, Truffaut était un grand consommateur de Série noire. Mais cela ne faisait pas de lui pour autant un réalisateur de films noirs. Les trois premiers films que nous avons cités ne sont pas bons, ils possèdent tous le même défaut d’adapter des romans américains dans le conteste français. La manière de filmer n’est pas adaptée, et le jeu des acteurs s’accommode le plus souvent très mal à la noirceur des histoires. Mais le pire des quatre est sans doute le dernier, Vivement dimanche qui est aussi bien une trahison de l’univers de Charles Williams qu’un film platement et médiocrement réalisé, sans grâce et sans esprit. S’il a pu faire illusion au moment de sa sortie, même les fans du réalisateur hésitent aujourd’hui à le mettre en avant. Disons-le tout de suite c’est la pire des adaptations qu’on ait commise d’une œuvre de Charles Williams. 

    Vivement dimanche, François Truffaut, 1983 

    En allant à la chasse au canard, Julien Vercel, un agent immobilier, est étonné de voir une automobile mal garée sur les lieux mêmes où il exerce son hobby, c’est celle de Massoulier. Mais il n’y pense plus et rentre à son bureau où sa secrétaire, Barbara, est un peu dans une position hostile vis-à-vis de lui. Mais les choses se gâtent quand la police vient lui demander des comptes sur le meurtre justement de ce fameux Massoulier qui a été assassiné sur les lieux de la chasse. Julien est soupçonné. En même temps il a des ennuis avec sa femme, Maric-Christine, qui semble le tromper allégrement. Après une assez longue absence à Nice, elle rentre. Julien en à assez et veut divorcer, sa femme lui oppose une fin de non-recevoir. Leur dispute est interrompue par la police qui vient chercher Julien car le commissaire Santelli veut l’interroger à nouveau. Il fait appel à son avocat, maître Clément, pour que celui-ci l’assiste. Quand il revient chez lui, Marie-Christine est morte assassinée d’une balle dans la tête. Il est le coupable désigné. Il doit se cacher et dès lors, pour se disculper des accusations qui pèsent sur lui, il ne peut plus compter que sur Barbara avec qui pourtant il ne cesse de se disputer. Sa secrétaire va l’enfermer dans son bureau et mener l’enquête. Pour cela elle va fouiller dans le passé de Marie-Christine qui s’avère jouer aux courses de chevaux, avoir été la maîtresse de l’avocat Clément, et en plus elle a épousé le pauvre Julien sous un faux nom. C’est ainsi qu’elle ira jusqu’à Nice, se faisant passer momentanément pour une prostituée aussi, fouinant dans l’hôtel où Marie-Christine était descendue, travaillant avec une agence de détectives. Elle va trouver un passé sulfureux, fait de canailleries et de dissimulation d’identité. La clé semble être un réseau de prostitution qui s’abrite derrière des cabarets du nom de l’Ange rouge. Finalement elle va collaborer avec la police et monter un piège pour l’avocat qui va comprendre que tout est foutu et qu’il n’a plus qu’à se suicider. Barbara et Julien vont pouvoir se marier, et c’est le frère de Massoulier, un prêtre, qui officiera. 

    Vivement dimanche, François Truffaut, 1983 

    La police débarque à l’agence et soupçonne Julien 

    On se demande pourquoi Truffaut a choisi un roman de Charles Williams si c’est pour le dénaturer complétement. Il aurait pu faire la même chose sans même signaler qu’il s’était inspiré de son roman, personne n’y aurait trouvé à redire. C’est un peu comme quand Godard adaptait l’excellent Pigeon vole de Dolorès Hitchens pour en faire l’insipide Bande à part qui n’avait finalement plus rien à voir ni avec l’esprit, ni avec la forme du roman original. Il semble bien que Truffaut ait été fait pour le film noir, tout autant que moi pour servir la messe. On peut s’interroger sur sa démarche, car si d’un côté il reconnait l’importance des auteurs de romans noirs, de l’autre il manifeste une condescendance de petit maître bien malvenue. Il se débrouille pour les rabaisser 

    « Ecrivains souterrains dans un sens presque littéral, bien différent de « underground » qui suggère le flirt avec la mode -, les écrivains de série noire sont à Hemingway, Norman Mailler ou Truman Capote ce que les acteurs de post-synchronisation sont aux vedettes de l’écran. On peut les comparer, comme le faisait Max Ophuls à propos des artistes du doublage, à des fleurs sauvages qui poussent dans les caves. »

    François Truffaut, Dossier de presse de Vivement dimanche

     Mais en rabaissant ces auteurs, et donc Charles Williams, cela lui permet d’avancer que le fond n’a pas d’importance et que tout est dans la forme !! C’est ce qu’il dit. En général les auteurs qui mettent en avant leur amour de la forme, c’est le plus souvent qu’ils n’ont rien à dire. Et c’est le plus souvent le cas de Truffaut. 

    Vivement dimanche, François Truffaut, 1983 

    Marie-Christine accepte de sortir de la salle de bains 

    Le roman de Charles Williams est un roman noir relativement classique qui développe la figure du faux coupable et la nécessité de trouver une issue. Le héros va se battre comme un lion et c’est seulement dans un second temps qu’il s’appuiera sur Barbara. En même temps il fait le point sur ce qu’a été sa vie, une succession d’échecs de tous ordres. Et si Barbara, dans le roman, prend des initiatives et montre une grande force de caractère, il n’y a pas vraiment d’affrontement entre elle et son patron. Je passe sur les imbécilités matérielles du scénario, comme par exemple le fait que Julien va à la chasse au canard sauvage à proximité de la ville de Hyères ! Il n’y a qu’un parisien pour inventer de telles situations ! C’est juste un détail mais qui en dit long sur la désinvolture de son écriture. Le fil rouge du film c’est l’affrontement d’un homme et d’une femme qui vont ainsi construire une histoire d’amour. Ça plonge vite dans la niaiserie. La scène finale du mariage de Julien et Barbara est carrément ridicule. 

    Vivement dimanche, François Truffaut, 1983 

    La voiture de Julien est retrouvée à l’aéroport 

    Alors, la forme ? Et bien justement c’est le vide intégral. C’est platement filmé, sans rythme, avec des scènes convenues comme celles qui se passent dans le théâtre. Et ce n’est pas parce que Truffaut a tourné ce film en noir et blanc qu’il maîtrise la grammaire du film noir. Bien au contraire, il montre ses lacunes techniques. Non seulement le cadre est mal fait, mais l’image est saturée de dialogues imbéciles. On a dit que Truffaut s’était inspiré de Hitchcock, je n’ai pas une grande admiration pour Hitchcock, mais tout de même il n’est jamais au niveau de Truffaut, il y a toujours chez lui des mouvements d’appareil qui font sens, sans parler de la direction d’acteurs. Le générique s’inscrit sur une longue promenade en long travelling de Fanny Ardant. Pourquoi ? Simplement parce que Truffaut était amoureux d’elle et qu’il voulait que cela se sache. Mais cela ne fait pas un film. Même les décors naturels ne servent à rien, pourtant en tournant à Hyères et à Nice, il y avait de quoi faire, on dirait qu’on a économisé de la pellicule et des éclairages. L’image est pauvre et sans relief.

    Vivement dimanche, François Truffaut, 1983 

    Barbara semble changer d’opinion et donc que Julien est coupable 

    L’interprétation est mauvaise, les acteurs livrés à eux-mêmes ânonnent leur texte comme dans une troupe de patronage, sans conviction aucune, ça fait théâtre d’avant-garde. La diction est insupportable. Fanny Ardant a toujours eu cette diction grande-bourgeoise qui laisse croire qu’elle a une paralysie de la mâchoire quand elle parle, une sorte de zona de la face. A force de sourire à propos de tout et de rien, elle finit par ne plus manifester de sentiment. La scène où elle annonce à Julien qu’elle l’aime est franchement ridicule. Truffaut la met presque tout le temps face à des hommes qui sont plus petits qu’elle. Jean-Louis Trintignant dans le rôle de Julien s’en tire un petit peu mieux, il avait plus de métier, mais il reste très cabotin et il a l’air de s’ennuyer à mourir. Il n’a l’air vivant qu’après son arrestation, les mains menottées dans le bureau du commissaire. Même les acteurs qui jouent les policiers sont empruntés, ils ont le geste saccadé, la diction hachée. Le monologue de Philippe Laudenbach qui joue l’avocat Clément, tombe complètement à plat, alors qu’un homme qui va se suicider doit au minimum inspiré un peu de pitié.  

    Vivement dimanche, François Truffaut, 1983 

    Après l’algarade avec le frère de Massoulier, Julien et Barbara font le point 

    C’est sans conteste la pire adaptation d’une œuvre de Charles Williams. Ni fait, ni à faire, la plupart des admirateurs de Truffaut regardent ce film parce qu’un jour on leur a dit que Truffaut était un grand réalisateur et qu’à force qu’on le leur répète ils ont fini par le croire. Cette œuvre lamentable a tout de même réussi à faire 1,5 millions d’entrées. Mais de l’eau a passé sous les ponts, et Truffaut avec son Vivement dimanche ! commence à rejoindre petit à petit le cimetière des fausses gloires. 

    Vivement dimanche, François Truffaut, 1983 

    Grâce à Barbara Julien a été arrêté

    « Fantasia chez les ploucs, Gérard Pirès, 1971Calme blanc, Dead calm, Philip Noyce, 1989 »
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