• Hot Spot, The hot spot, Dennis Hopper, 1990

    Hot Spot, The hot spot, Dennis Hopper, 1990

    C’est pour moi la meilleure adaptation cinématographique des œuvres de Charles Williams, et de loin. La maitrise technique, le classicisme de la mise en scène sont étonnantes sachant que par ailleurs Dennis Hopper a très peu tourné en tant que réalisateur et que ses films n’ont pas laissé le souvenir d’une grande réussite. The hot spot est devenu au fil des années une sorte de classique de ce qu’on qualifie de « néo-noir ». Contrairement aux histoires de bateaux que Charles Williams aimait raconter, ici il ne s’agira pas d’une histoire linéaire, les surprises sont constantes et l’intrigue très complexe. On remarquera d’ailleurs que plus l’histoire est noire, et plus l’érotisme est présent, comme une compensation. Ici elle met en scène un personnage louche en voie de rédemption, une sorte de voyou. C’est dans ce genre de portrait que Williams est le meilleur. Cynique et pessimiste, le roman ne met en scène que des menteurs et des voleurs, toujours prêts à contourner la loi pour un bénéfice somme toutes aléatoire.  

    Hot Spot, The hot spot, Dennis Hopper, 1990

    Harry Madox arrive dans la petite ville de Landers au Texas, il semble fuir quelque chose et n’a pas un passé très clair. Très vite il va s’imposer auprès de Harshaw comme un vendeur de voitures d’occasion. Il a le bagout qu’il faut et le culot aussi. Il va accompagner Gloria, la comptable de l’entreprise, qui doit encaisser les traites d’une voiture achetée par le louche Sutton. Maddox se rend compte que Gloria ment, et que sans doute Sutton la fait chanter. Peu après Maddox va faire la connaissance de Dolores Harshaw, l’épouse nymphomane et prédatrice de son patron. Elle se jette littéralement sur lui, et bien que Maddox la sente comme un danger pour sa propre sécurité, il ne peut pas s’empêcher d’avoir des relations sexuelles torrides avec elle. Un incendie accidentel va donner l’idée à Maddox qui visiblement cherche les ennuis, de cambrioler la banque du petit patelin. Il monte l’affaire d’une manière ingénieuse, déclenchant un incendie à l’aide d’un petit réveil. Pendant que la population est occupée par cet accident, il a les mains libres pour piller la banque. Il ne croisera qu’un vieux noir aveugle. Puis, après avoir mis son butin à l’abri dans le coffre de sa voiture, il vient aider à combattre l’incendie, il sauvera même un clochard de la mort. Tout le monde le remarque. Cela lui est nécessaire pour avoir un alibi. Parallèlement il va développer une relation amoureuse, plutôt platonique, avec la jeune et belle Gloria. Malgré la solidité de son alibi, le shérif le soupçonne d’être l’auteur de l’incendie, d’autant que le vieux noir reconnait sa manière de respirer. Mais c’est Dolores Harshaw qui va lui fournir un autre alibi qui lui permet d’être relâcher. Il apprend que l’horrible Sutton fait chanter la jeune Gloria. Prenant fait et cause pour elle, il va se mêler, une fois de plus, de ce qui ne le regarde pas. Il va donner une raclée mémorable à Sutton le menaçant de recommencer s’il ne laisse pas Gloria tranquille. Maddox commence à faire des projets d’avenir avec Gloria, mais Dolores est jalouse et ne veut pas le lâcher. Du reste Sutton va revenir à la charge et recommencer son chantage contre Maddox qu’il prétend avoir vu sortir de la banque, et bien sûr auprès de Gloria. Maddox va tuer Sutton et laissera des billets de banque qui sont numérotés, pour faire croire que celui-ci est le casseur de la banque. Tout semble devoir finir tranquillement, mais Dolores tue son mari en provoquant une ultime crise cardiaque. Elle convoque Maddox et Gloria pour leur dire qu’elle les garde à son service, elle fait comprendre à Maddox qu’il doit renoncer à Gloria, sinon elle le dénoncera aussi bien pour le cambriolage de la banque que pour le meurtre de Sutton. Maddox voit ses rêves bleus s’envoler, d’autant que Gloria croit qu’il l’a trahie. 

    Hot Spot, The hot spot, Dennis Hopper, 1990 

    Harshaw et Lon voient Maddox s’imposer comme vendeur 

    A quelques détails près, le scénario respecte tout à fait la lettre et l’esprit du roman, bien qu’il se passe en 1990, alors que le roman a été publié aux Etats-Unis en 1953. Pour contourner ce décalage chronologique, Dennis Hopper a usé de quelques astuces, comme par exemple d’utiliser quelques véhicules qui datent peut-être des années cinquante, la Cadillac rose de Dolores, ou la Studebaker de Maddox. Plusieurs thèmes vont s’entrecroiser. D’abord il y a Maddox, un homme astucieux assurément mais qui se croit bien plus fort qu’il n’est. Son point faible est bien sûr la femme, non seulement la perverse et nymphomane Dolores, mais aussi l’ingénue Gloria, car s’il se fait piéger finalement par Dolores, c’est bien parce qu’il a eu des élans paternalistes et protecteur pour la jeune comptable. Il est donc pris entre deux femmes : l’une qui est chaude bouillante et qui ne pense qu’à dominer et à s’envoyer en l’air avec toutes les queues qui passent à sa portée, l’autre qui est toute en retenue au contraire, mais qui est punie pour sa pureté d’intention. On est dans le schéma du Marquis de Sade qui oppose Justine à Juliette, la vertu au vice, et c’est ce dernier qui gagne toujours. Cependant l’enjeu est, au-delà de la cupidité, la femme comme trophée d’une lutte sournoise. Maddox se heurte au frustre Sutton et le tuera justement parce qu’il menace son hégémonie auprès de ses deux maîtresses. La chaleur n’arrange pas les choses, et tous ces pantins sont atteint d’une fièvre incurable qui les balance les uns contre les autres dans une sarabande frénétique. Seule Gloria paraît échapper à cette malédiction, mais elle n’a pas les moyens de ses ambitions, et d’ailleurs elle ment tout autant que les autres. Le contrepoint de ces turpitudes, ce sont les voisins de Maddox qui lisent la Bible tous les soirs avant de s’endormir ! 

    Hot Spot, The hot spot, Dennis Hopper, 1990 

    Sutton fait chanter Gloria 

    Le film devait être monté à l’origine, dans les années soixante, avec Robert Mitchum, et puis cela ne s’est pas fait. C’est le scénario de Nona Tyson de 1962 qui a été récupéré par Dennis Hopper. La réalisation est impeccable. Tourné en écran large, il y a un travail sur les couleurs qui est remarquable, comme une rémanence de Hopper, le peintre, avec cette mise en valeur de l’Amérique profonde. C’est donc un portrait d’une Amérique tourmentée, travaillée par les démons de la chair et la cupidité. La chaleur est très sensible, l’air vibre. Plusieurs scènes sont mémorables. D’abord les panoramiques qui servent à saisir l’intensité des incendies et du cambriolage de la banque. Il y a justesse dans les rapports entre Maddox et le décor qui donne à voir que celui-ci n’est qu’une pièce rapportée à l’ensemble de la petite ville. Ensuite les scènes où Maddox affronte Sutton. Il enfile ses gants après que Sutton soit arrivé, puis il le tabasse d’une manière méthodique. La violence est assez effroyable et gagne encore en intensité quand Maddox le tue. Les scènes érotiques sont aussi très explicites. Rien n’est épargné au spectateur, Dolores nous entraîne à la suite de Maddox dans une ronde du sexe dont on ne peut se soustraire. 

    Hot Spot, The hot spot, Dennis Hopper, 1990 

    Dolores arrive dans sa Cadillac rose et veut séduire Maddox 

    La grande réussite du film repose sur l’interprétation. Don Johnson a rarement été si bon dans le rôle de Maddox. Il faut dire qu’il a été habitué plutôt à des rôles assez peu nuancés. Au départ le rôle fut proposé à Harrison Ford, Kevin Costner et même Richard Gere. Mais Don Johnson est éclatant. Il présente ce mélange particulier d’arrogance, voire de vulgarité et de violence qui le désigne comme un psychopathe, en même temps qu’il devient une proie facile pour des prédatrices. Les femmes sont également bien choisies : d’un côté la vicieuse et retorse Dolores incarnée par la blonde Virginia Madsen, de l’autre la tendre et fragile Gloria qui est jouée par une excellente Jennifer Connelly, à l’origine le rôle devait aller à Uma Thurman, je pense pour ma part que c’eût été dommage. Cette dernière est bien trop grande et solide. D’une manière ou d’une autre, toutes les deux représentent une force morale qui fait défaut à Maddox. Mais les seconds rôles sont tout à fait à la hauteur, d’abord le sinistre Sutton incarné par William Sadler. Il joue beaucoup de son regard par en dessous et de sa voix traînante pour se faire encore plus menaçant que s’il avait une carrure aussi imposante que celle de Don Johnson. Ensuite Jerry Hardin qui est Harshaw, le bougon patron du commerce de voitures d’occasion, et puis le très bon Charles Martin Smith dans le rôle de Lon, le petit vendeur qui fait ami-ami avec Maddox. Plus contestable est l’interprétation de Julian par Jack Nance qui cabotine beaucoup tout de même. Mais c’est un défaut mineur. 

    Hot Spot, The hot spot, Dennis Hopper, 1990 

    Maddox est fasciné par Gloria  

    Le film n’a pas été un très grand succès commercial à sa sortie, peut-être à cause du manque de notoriété des acteurs, mais peu à peu il a gagné ses lettres de noblesses au Panthéon du film noir. C’est pourtant à mon sens la meilleure adaptation d’un roman de Charles Williams. La musique de Jack Nitzsche est excellente, les amateurs y reconnaitront aussi la trompette de Miles Davis, ce qui n’es pas rien tout de même. Wild Side a publié un très bon Blu ray de ce film en 2015. 

    Hot Spot, The hot spot, Dennis Hopper, 1990

    Maddox vient de sauver un clochard de l’incendie 

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    Dolores semble avoir gagné la partie

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