• Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972

     Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972

    C’est, historiquement, le premier film sur la mafia de l’ère moderne. Il a été tourné juste avant Le parrain, et va contribuer à la légende de la mafia. Jusqu’à cette période, la mafia était représentée comme une organisation criminelle sans âme, un rassemblement de brutes épaisses sanguinaires. A partir de ce film, on va au contraire l’habiller d’une logique matérialiste et humaniste, ouvrant ainsi la porte à une approche romantique dont Le parrain reste sans doute le sommet. Le support de The Valachi papers est l’ouvrage du même titre de Peter Maas paru en 1963. Manifestement ce livre fut une des sources pour l’écriture de l’ouvrage de Mario Puzo, Vito Corleone est démarqué à la fois de Vito Genovese, de Salvatore Maranzano et aussi pour partie de Lucky Luciano. Le personnage de Valachi inspirera aussi sans doute celui de Pentangeli. L’ouvrage de Peter Maas n’est pas un ouvrage de fiction, il est en réalité basé sur les confessions de Jo Valachi lui-même. C’est ce qui en fait son intérêt, mais c’est aussi ce qui en fait ses limites puisqu’on se doute que Valachi ne dit pas tout et se donne plutôt le beau rôle, c’est-à-dire le rôle de celui d’un malheureux garçon pris dans un engrenage fatal. A sa sortie aux Etats-Unis le livre fit grand bruit, et les organisations italo-américaines le dénoncèrent comme une campagne de dénigrement contre leur communauté. En même temps ce livre a mis considérablement l’abominable J. Edgar Hoover sur la sellette parce que celui-ci s’appliquait depuis des décenies à dire que la mafia n’existait pas et que la priorité était de lutter contre les rouges. Par la suite, il a été avéré que le patron du FBI était corrompu par la mafia[1] et que seul l’inconséquent Clint Eastwood croit encore à son honnêteté. Ajoutons que Valachi était juste un membre de la mafia à un niveau assez inférieur, il était à la fois le tueur à gage et le chauffeur de Genovese. Il n’avait rien d’une personnalité importante de la mafia, et c’est sans doute pour cette raison qu’il fut aussi facile à retourner par la police. Il fut ainsi un des premiers repentis, avant que cela ne devienne la mode. Bien que l’ouvrage de Peter Maas tente de le présenter sous un jour favorable, il est difficile d’éprouver de la sympathie pour Valachi.  

    Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972

    Jo Valachi est en prison avec Vito Genovese dont il était l’employé. Il est menacé de mort, et demande à rencontrer son patron pour avoir une explication. C’est ce qui sera fait. Mais Valachi comprend rapidement qu’il va être condamné à mort et donc va s’engager dans une lutte à mort avec Genovese. C’est à ce moment là que l’agent Ryan intervient, offrant à Valachi sa protection en échange de sa confession et de son témoignage devant le Congrès, également il propose que sa femme et son fils puisse se réinstaller ailleurs dans une nouvelle vie, avec une nouvelle identité. Petit délinquant violent et sans talent, il se retrouve en prison où il va faire la connaissance de Tony Bender et de ses hommes qui travaillent tous pour la mafia. A sa sortie de prison, il va intégrer peu à peu la famille de Maranzano qui va l’initier. Mais nous sommes alors en pleine guerre des familles de la mafia. Bientôt Maranzano va se heurter à Lucky Luciano et Vito Genovese qui veulent réorienter leur actrivité vers le trafic de la drogue. Ils vont donc éliminer Maranzano, et Valachi va devenir le chauffeur de Genovese, se chargeant aussi des sales besognes comme par exemple l’assassinat de temoins génants. Il va également tomber amoureux d’une jeune fille, Maria, dont le père a été assassiné par les hommes de Genovese, et chez qui il a dû se cacher. C’est ce dernier qui va d’ailleurs présenter la demande en mariage de Valachi à la mère de Maria. Genovese s’est enfui en Italie pour échapper à la police, et quand il revient, il apprend que sa femme l’a trompé avec un ami de Valachi, Gap. Il va faire assassiner et l’émasculer, dans le propre restaurant de Valachi. Mais peu à peu la police va harceler celui-ci, comme elle va aussi se débrouiller pour faire tomber Genovese en introduisant chez lui des fausses preuves de son trafic de drogue. Piégé par la police, il va donc se retrouver dans la position d’un repenti. Cette situation ne sera pas tout à fait de son goût, il fera d’ailleurs une tentative de suicide et il terminera sa vie en prison. 

    Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972 

    En prison Valachi doit se défendre 

    Le scénario pose de nombreux problèmes difficiles à résoudre, le premier est qu’il prétend à la reconstitution d’une vérité historique sur plusieurs décennies. Egalement, on se rend compte que le point de vue de Valachi est biaisé. Par exemple, il fait tomber Genovese, mais auparavant, il est très probable qu’il ait vendu aussi Maranzano à Genovese, même s’il tente de nous faire croire qu’il n’était pas au courant de la préparation du meurtre. Car si en effet il va être récupéré par Genovese, après avoir été un petit soldat de Maranzano, ça ne peut être que pour service rendu. L’autre point délicat est que le film mêle des anecdotes comme la demande en mariage de Valachi, avec des faits réels et avérés comme la fameuse réunion des Appalaches qui non seulement fut un fiasco pour la mafia, mais révéla à l’Amérique endormie dans sa prospérité l’importance de la mafia. Il ressort de cela que le parti pris de Coppola avec Le parrain est plus juste puisqu’il ne s’embarrasse jamais de la vérité factuelle, même s’il en utilise certains éléments. Ici on se retrouve dans l’entre-deux. On pourrait dire entre Rosi et Coppola, entre une volonté documentaire inaboutie et une fiction qui se voudrait passionnante.

    Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972  

    Maranzano introduit Valachi dans la mafia 

    Malgré ces difficultés qui ne seront pas surmontées, le film possède une thématique singulière. Il présente la trahison de Valachi comme la conséquence logique de la multiplication des trahisons qui ont lieu dans la mafia. A croire que les mafieux n’ont que cette passion unique ! Personne n’a confiance en personne. Sans doute Gap a-t-il eu tort de faire confiance à Valachi, mais il semble bien aussi que Genovese ait eu tort de faire confiance à sa femme ! Valachi tente de se donner le beau rôle et présente lui-même sa trahison comme la conséquence de la cruauté de Genovese, alors que lui-même compte plusieurs meurtres à son actif. Pourtant il agit comme un marchand de tapis quand il négocie sa reddition avec Ryan. Du coup les personnages restent très vides de détermination, bien qu’ici et là on introduise quelques intrigues amoureuses ou sexuelles pour donner un peu d’air à cette mécanique sanglante. 

    Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972 

    Valachi commence à tout déballer 

    Sur le plan visuel, le film se présente comme une reconstitution d’une époque révolue, mais aussi d’une histoire qui commence à la fin des années vingt. On sait qu’au cinéma c’est toujours très difficile de donner une vérité satisfaisante au passé. C’est assez raté ici. Charles Bronson porte des perruques, ou alors il est mal teint quand il joue Valachi jeune. Le vieillissement des personnages est mal fait. Pour faire croire que Bender est jeune, on l’a affublé d’une perruque ridicule. Egalement on verra dans la circulation un curieux mélange des voitures des années quarante avec des voitures des années soixante. Sans doute cela provient-il d’un manque de moyens, mais si on prend le cas du Parrain qui n’a pas eu non plus un budget extravagant, la reconstitution des années quarante était bien plus convaincante. Cet aspect plombe le souci de vérité affiché du film. Ces difficultés ne peuvent pas être masqué par le savoir-faire de Terence Young dont les limites techniques sont ici patentes. Il est vrai qu’il n’a pas réussi grand-chose, sauf peut-être From Russia with love qui est sans doute le seul James Bond visible. Ici le rythme est mauvais, et la caméra bien trop statique pour donner autre chose qu’une mise en images besogneuse. Certes il y a quelques séquences intéressantes, notamment au début quand Valachi doit faire face à l’hostilité des autres prisonniers, ou quand Valachi et Genovese discutent en prison dans le même lit, mais dans l’ensemble c’est très pauvre. Les scènes de réunion, mariage, funérailles, toutes les scènes où la foule est importante comme sujeet sont ratées et manque de volume. 

    Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972 

    C’est Vito Genovese qui va présenter la demande en mariage de Valachi 

    L’interprétation est le point fort du film. Bronson est plutôt bon, bien que physiquement, mince et élancé, il n’ait rien à voir avec son modèle réel. Il a rarement eu des rôles où il s’exprime autant. Le film est construit autour de lui. Lino Ventura est excellent en Genovese, mais il est rarement mauvais. Il donne un peu d’humanité à ce parrain cruel et redoutable. On remarque aussi le très bon Joseph Wiseman, qui fut le fameux Docteur No sous la direction de Terence Young, dans le rôle de Maranzano. Bien sûr il nous faut supporter la présence de Jill Ireland comme dans tous les films où Bronson avait le premier rôle, et il est difficile de croire qu’elle soit italienne. Mais son rôle est assez mince. 

    Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972 

    La réunion des Appalaches sera un fiasco 

    Le film fut un très grand succès international, même s’il n’a rien à voir avec celui du Parrain. Sans doute la différence s’est faite sur la plus grande attention que Coppola et son équipe ont accordé à la finition de leur entreprise pour en faire cette sorte d’opéra flamboyant que Coppola lui-même a fini par détester à cause de son succès ! La critique l’a négligé, considérant The Valachi papers comme une œuvre purement commerciale sans ambition. Ce n’est pas tout à fait faux, à partir d’un sujet somme toute très riche, l’ensemble finit par sonner creux. Mais on peut le voir si on s’ennuie comme une œuvre de divertissement. Je crois que Dino De Laurentis qui a produit le film aurait dû en confier la réalisation à un réalisateur Italie, spécialisé dans le poliziesco comme le nerveux Carlo Lizzani ou alors à Damiano Damiani par exemple.

    Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972 

    Depuis sa prison Vito Genovese écoute la déposition de Valachi  

    Cosa Nostra, The Valachi papers, Terence Young, 1972

    A gauche Jo Valachi et à droite Vito Genovese 

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/anthony-summers-le-plus-grand-salaud-d-amerique-the-secret-life-of-j-e-a114845046

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