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Deux adaptations de The hunter de Richard Stark
Il s’agit d’un ouvrage de Donald Westlake, signé Richard Stark, The hunter. Paru en 1962, il s’agissait du premier épisode des aventures de Parker. Ce roman a fait l’objet de deux adaptations au cinéma, l’une, Le point de non-retour, en 1967 sous la direction de John Boorman, et l’autre Payback, en 1999 sous celle de Brian Helgeland. Le personnage de Parker est un assez étonnant, il n’a pas de prénom, change parfois de visage. Mais surtout tout en développant une sorte de morale anarchiste du banditisme, il représente le professionnel. C’est un voleur de haut niveau qui sait s’entourer de complices. La série des Parker a plu, essentiellement parce qu’au mythe du bandit au grand cœur et libre, s’ajoute cette mécanique de précision des braquages en série et des règlements de compte. Parker a été porté plusieurs fois à l’écran, rarement avec bonheur. La dernière mouture est Parker de Taylor Hackford, avec dans le rôle-titre l’inepte Jason Statham. Il a pris même l’allure d’un noir (Jim Brown) à la carrure athlétique, sans que cela améliore notablement la qualité cinématographique.
Le point de non retour, Point Blank, John Boorman, 1967
L’histoire est une histoire de trahison. Un ami de Walker l’entraîne dans un hold-up, mais au lieu de partager le butin, il va le descendre, grâce à Lynne la propre femme de Walker. Le laissant pour mort dans la prison désaffectée d’Alcatraz, il va donner cet argent qu’il doit à l’organisation afin de retrouver sa place. Mais Walker est seulement blessé. Il va se rétablir et dès lors il n’aura de cesse que de retrouver son ennemi Mal Reese, de le tuer et de récupérer son argent. Mais accéder à Mal n’est pas chose facile, il est protégé, habitant une tour qui apparaît presqu’imprenable. Après avoir retrouvé sa femme qui a été abandonnée et qui se drogue, il va trouver de l’aide en la personne de Chris qui accepte de l’aider. Il tue Reese, mais n’ayant pas pu récupérer son argent, il s’attaque à l’organisation avec méthode. La direction de ce syndicat du crime ne comprend pas cette obstination pour si peu d’argent finalement. Après avoir essayé de le tuer, Walker va servir d’arme à une fraction de l’organisation qui veut prendre le pouvoir.
Walker s’évade blessé de la prison désaffectée d’Alcatraz
L’histoire est suffisamment complexe pour que le spectateur retienne son souffle de bout en bout. Mais en vérité, même si le scénario est excellent, c’est plutôt la mise en scène et le portrait psychologique de Walker qui fait de ce film un chef d’œuvre. Située à San Francisco, le film montre une Amérique froide et désincarnée, dominée par les objets, où les êtres humains sont complètement aliénés, y compris Walker. La violence mécanique de Walker, mais celle aussi de l’organisation, est la conséquence de cette déshumanisation.
La détermination de Walker est impressionnante
Contrairement aux apparences, et malgré le grand nombre de scènes de grande violence, ce n’est pas un film d’action. C’est un film noir. Les sentiments se détruisent comme les objets et ne sont plus que des armes dont Walker essaie de se protéger. Walker donne l’impression de savoir ce qu’il fait, parce qu’il se tient à ses principes et qu’il poursuit sa vengeance jusqu’au bout, mécaniquement. Il est aussi le grain de sable qui vient enrayer cette machine froide, un modèle d’entreprise capitaliste, où seul l’argent compte : l’argent doit tourner, et Walker justement l’empêche de se valoriser par sa conduite iconoclaste.
Walker tire sur un lit vide
Les scènes d’action sont tout à fait remarquables. Et à l’époque, cette violence brute était assez nouvelle, dérangeante même pour les spectateurs. Mais l’utilisation des décors, grâce notamment à l’écran large, étonne également. C’est un univers aseptisé de béton et de verre, où la transparence sert à l’inverse à masquer les turpitudes des uns et des autres. Tout est carré et propre, seulement quelques petits voyous de bas étage baigne encore dans la fange.
C’est également un film typique des années soixante, époque où on commence à s’inquiéter de cette manière de produire de la solitude en enfermant les humains dans la consommation des objets. Lynne est seule, abandonnée par celui pour lequel elle a trahi. Elle se suicidera. Walker est seul, par définition. Il ne peut s’attacher, même s’il en a l’envie à Chris. Les membres de l’organisation ne sont pas mieux lotis, se méfiant de leurs collègues pour anticiper les coups tordus qu’ils pourraient mettre en place.
Un marchand de voitures d’occasion fournira la première piste
Les scènes fortes abondent dans ce film qui, à mon sens est aussi le meilleur film de Boorman. La bagarre dans le night-club où la violence éclate en pleine lumière sur des jeux de couleurs fournies par des projecteurs. La façon également dont Walker pénètre dans l’hôtel où loge Reese et la mort de celui-ci défénestré. Je ne vais pas tout énumérer, mais je pense aussi à ces longs plans où on voit Walker arpenter des couloirs aussi longs que vident et qui ne semblent mener nulle part. la manière dont Walker échappe au tueur d’élite dans le lit presque vide d’un canal qui alimente la ville de Los Angeles en eau, le même canal qui sera aussi utilisé par Roman Polanski dans Chinatown.Boorman utilise ce qui va devenir courant par la suite des ralentis, comme lorsque Walker pénètre dans la maison où Lynne habite.
Grâce à Chris, Walker va pouvoir accéder à l’appartement de celui qui l’a trahi
L’organisation envoie un tueur d’élite pour se débarrasser de Walker
L’interprétation est également remarquable. Lee Marvin se sert du monolithisme qu’il a déjà éprouvé dans A bout portant de Don Siegel, pour donner encore plus de poids à sa détermination. Angie Dickinson oppose un peu d’humanité, un rien délabré, mais cela ne suffira pas ni pour la sauver, ni pour sauver Walker. Mais les autres rôles sont tout aussi excellents, que ce soit Lloyd Bochner, un habitué des rôles de crapules, ou John Vernon qui incarne Reese.
Walker regarder filer au fil de l’eau un paquet qui aurait dû contenir son argent
Ce film rencontra à juste titre un grand succès, et marqua un nouveau point d’inflexion du film noir qui avait déjà commencé à prendre l’habitude de mettre en scène des tueurs froids, comme dans A bout portant, ou dans Blast of silence d’Allen Barron en 1961.
Walker se méfie de l’organisation et préfère l’ombre à la lumière
Payback, Brian Helgeland, 1999
Il était difficile après la réussite de John Boorman de se lancer dans une nouvelle adaptation de l’ouvrage de Richard Stark. Le pari de Brian Helgeland est effectivement raté sur toute la ligne. Si l’insipide Mel Gibson est responsable pour une partie de ce fiasco, c’est aussi l’idée même de transformer le scénario en un simple véhicule pour des actions toutes plus ou moins ridicules, qui plombe définitivement le film.
La trame du film reste la même. Ici Parker s’appelle Porter, allez savoir pourquoi. Mais il est tout autant trahi par sa femme et son copain qui lui pique le pognon pour réintégrer l’organisation. On a simplifié l’histoire puisqu’il n’y aura plus cette lutte interne à la bureaucratie mafieuse. Et donc l’affaire se passant cette fois à Chicago, Porter et Val – son faux copain – vont braquer des mafieux chinois. Laissé pour mort, Porter s’en tire et va se venger. Il va retrouver sa femme qui meurt d’une overdose, elle est tout autant abandonnée que dans Point Blank. Mais cette fois il va être accompagné dans sa quête de deux flics ripoux de chez ripoux, un noir et un blanc pour bien équilibrer l’affaire. Il va lui aussi tuer son ancien copain, et mettre en péril l’organisation.
Raconter ainsi on dirait presque la même histoire que Point blank. Mais l’esprit est pourtant très différent. Le film d’Helgeland en vérité se place du côté d’une morale bourgeoise plutôt bornée. On comprend tout de suite que Lynne est morte parce qu’elle a été punie pour avoir trahie son mari. Porter va d’ailleurs faire arrêter les flics ripoux, il se range finalement du côté de la loi. Et cerise sur le gâteau, il va partir avec Rosie, une ancienne call girl, et si elle renoncera au putanat, lui jure qu’il ne volera jamais plus.
Porter se fait raccommoder
Sur de telles bases, il est presqu’impossible de réussir à faire un bon film. D’autant que l’effort d’Helgeland porte plus sur les scènes d’action spectaculaires que sur les caractères proprement dits. Les explosions sont nombreuses, et Porter ressemble dans sa manière de déjouer tous les pièges plutôt à Fantômas. Les scènes de sadisme lorgnent vers le Grand Guignol. Les cruels Chinois menacent de couper les couilles de Porter qui du reste ne proteste pas, Bronson sous l’œil effaré de Fairfax casse les pieds de Porter qui ne semble guère plus souffrir que ça.
Stegman va aider Porter à retrouver Resnik
C’est un film à gros budget, on parlait à l’époque de 30 millions de dollars. Et pourtant, la manière de filmer est étriquée, Helgeland manifestant une incapacité tenace à se saisir de l’espace très particulier de Chicago, les plans sont trop resserrés pour que le film respire. Les scènes de sadisme sexuel avec Lucy Liu sont complaisantes et ridicules, elles sont là pour émoustiller le spectateur.
Resnik va demander de l’aide à Carter
La distribution est cossue. Outre Mel Gibson, la plupart des seconds rôles sont tenus par des grosses pointures. William Devane est Carter, c’est le seul qui a l’air de croire au film et c’est de loin le meilleur. James Coburn qui joue Fairfax à l’air de s’ennuyer, acteur sur le déclin à cette époque, il est venu pour prendre son cachet. Il paraît d’ailleurs très fatigué. Kris Kristofferson joue Bronson, en grimaçant, en cabotinant à mort, surjouant les pères désespéré par l’enlèvement de son petit con de fils. Les femmes sont ternes et sans intérêt, sauf Lucy Liu qui joue le rôle de la cruelle chinoise qui aime tant torturer les mecs avec qui elle baise.
Les Chinois tentent de tuer Porter
Le film a eu tout de même du succès, comme quoi le spectateur n’est pas très exigeant. Mais au final c’est juste du cinéma de l’effet sans consistance et sans intérêt. Un dernier mot, bien que ce soit un film noir, Point Blank utilise les couleurs flamboyantes de Los Angeles. Le ciel bleu, le pull jaune d'Angie Dickinson. Au contraire Hegeland a une palette de gris, de bleus très sombres et de noirs qui n'apportent finalement rien de plus.
Porter va tuer Resnik
Les tueurs de Carter se font décimer
Fairfax ne comprend pas la logique de Porter
Porter va être torturé
Les aventures de Parker au cinéma
1967 : Le Point de non-retour (Point Blank) de John Boorman, Adapté de The hunter, avec Lee Marvin dans le rôle de Parker
1967 : Mise à sac d'Alain Cavalier En coupe réglée (The Score). Michel Constantin reprend le rôle de Parker sous le nom de Georges
1968 : Le crime, c'est notre business (The Split) de Gordon Flemyng. Basé sur Le Septième homme, c’est Jim Brown, un acteur noir, qui reprend le rôle de Parker sous le nom de McClain.
1973 : Échec à l'organisation (The Outfit) de John Flynn. Basé sur le roman La Clique, Robert Duvall est Parker.
1983 : Slayground (en) de Terry Bradford. Basé sur le roman du même nom,Peter Coyote interprète le rôle de Parker sous le nom de Stone.
1999 : Payback de Brian Helgeland. Également adapté de Comme une fleur (The Hunter), Mel Gibson incarne Parker.
2013 : Parker de Taylor Hackford. Jason Statham incarne Parker.
« Blue Collar, Paul Schrader, 1978Serge Dumont, L’histoire vraie de la mafia israélienne, La manufacture de livres, 2013 »
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