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Disparition de Sidney Poitier
No way out, Joseph L. Mankiewicz, 1950
Sidney Poitier vient de disparaître à l’âge de 94 ans. Ce fut un acteur important dans les années cinquante et soixante. Au lieu de commencer par nous dire que c’était un bon acteur, le malheureux Thomas Sotinel – il y a sot dans son nom – nous dit que c’était une légende du cinéma et l’acteur le mieux payé d’Hollywood qui régnait sur le box-office[1]. C’est évidemment faux, et même extravagant. Certes il a dépoussiéré la manière d’utiliser les noirs dans les films populaires, et il fut incontestablement le premier noir à atteindre le statut de star. Inévitablement il fut enrôlé dans des films antiracistes, No way out de Joseph L. Mankiewicz est son premier film et date de 1950[2]. On le retrouvera dans des rôles similaires dans Edge of the city de Martin Ritt en 1957 ou encore dans The defiant ones de Stanley Kramer, militant des droits civiques qui le retrouvera dans ce qui sera certainement son plus grand triomphe, Guess who coming to dinner en 1968. C’était un sujet important dans ses années-là aux Etats-Unis.
Edge of the city, Martin Ritt, 1957
Ces films allaient avec une certaine forme de modernité et de tolérance et donc avec la musique de jazz qui fut tout de même un véhicule important pour donner de la profondeur dans les représentations de l’âme on verra donc Sidney Poitier avec Paul Newman dans un nouveau film de Martin Ritt, Paris blues en 1961. L’avantage de ce film est qu’il n’était pas militant pour la cause des afro-américains, mais qu’il donnait un rôle de musicien habité par son art à un noir. Le film n’avait pas toutes les audaces cependant, et les couples n’étaient pas mixtes, on avait d’un côté Paul Newman et Joan Woodward, et de l’autre Sidney Poitier et Diahann Carroll. Il essaya assez souvent d’échapper à son destin de militant antiraciste. Dans Blackboard jungle de Richard Brooks, il était un petit voyou qui emmerdait son professeur pourtant plein de bonne volonté. Certes il revenait ensuite à de meilleurs sentiments, mais au moins Sidney Poitier acceptait de montrer aussi un côté sombre et négatif d’un jeune noir. Dans les films de Martin Ritt ou de Stanley Kramer, il se montrait toujours plein de compassion, et cette compassion le conduisait sur le chemin de la fraternité.
The defiant ones, Stanley Kramer, 1958
En 1959 il tournait sous la direction du grand Otto Preminger Porgy and bess, adaptation de l’opéra de Gershwin. Il jouait Porgy, l’handicapé misérable à la merci de n’importe quel coup dur aux côtés de Dorothy Dandrige qui eut une vie des plus tourmentée. En dehors de Guess who coming to dinner, les plus gros succès de Sidney Poitier ont été le personnage du détective Tibbs, In the heat of the night de Norman Jewison en 1967, Call me mister Tibbs de Gordon Douglas en 1970 et The organization de Don Medford en 1971. Ces véhicules assez faibles reprenaient l’antienne du racisme à travers les difficultés qu’un policier noir pouvait rencontrer dans l’exercice de ses fonctions dans les Etats du Sud.
Paris Blues, Martin Ritt, 1961
Il a eu cependant des rôles plus intéressants. Par exemple dans The slender thread, un des premiers films de Sidney Pollack, en 1966, il était un jeune étudiant qui participait bénévolement à un service d’appels de la dernière chance pour venir en aide à des gens qui ont envie de se suicider. En français le film s’appelait 30 minutes de sursis, il fallait tenir trente minutes pour tenter de sauver une jeune femme malheureuse de ses tendances suicidaires. Le film n’a eu aucun succès, mais ce fut un très bon rôle pour Sidney Poitier. La couleur de sa peau n’avait alors aucune importance pour le rôle lui-même qui ne demandait qu’un peu d’humanité.
Blackboard jungle, Richard Brooks, 1955
La même année il tournait dans Duel at Diablo, un western de Ralph Nelson, un autre militant de la cause des noirs américains. Il y jouait le rôle d’un joueur, dresseur de chevaux, un peu cupide tout de même. Il démontrait qu’un noir en tant que bon américain pouvait tuer tout aussi bien des indiens que des blancs. Ce film contient une séance d’ouverture excellente qui vaut le détour, mais il est aussi tout de même une défense des Indiens très intéressante.
Porgy and Bess, Otto Preminger, 1959
Les années soixante-dix furent nettement moins intéressantes pour Sidney Poitier. Il ne trouva plus vraiment de rôle à la hauteur de son talent et il disparut progressivement des écrans. Il a accompagné l’émancipation des noirs pour en faire des citoyens comme les autres. Et même si ce mouvement n’est certainement pas terminé, le fait que les afro-américains aient atteint de nouveaux statuts dans la société comme au cinéma explique au fond pourquoi Sidney Poitier a disparu. Il avait fait son temps, dans le bon sens du terme.
The slender thread, Sidney Pollack, 1966
Duel at Diablo, Ralph Nelson, 1966
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