• Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une, Fayard, 2016

     Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une, Fayard, 2016

    A l’âge de 83 ans, Belmondo a publié une collection de ses souvenirs, aidé en cela par son fils Paul, et par Sophie Blandinières qui en a sans doute assuré la rédaction proprement dite. Ce ne sont pas tout à fait des mémoires, ni une autobiographie. Même si l’on se place du seul point de vue de son métier de comédien, c’est extrêmement lacunaire. Il est assez peu dissert sur ses choix professionnel, et il passe plus de la moitié de l’ouvrage à raconter son ascension jusqu’au triomphe d’A bout de souffle. Plus qu’un bilan de sa carrière, il met en scène son personnage de bon vivant, de blagueur, de bagarreur qui passe son temps à dépenser le trop plein d’énergie que sans doute il a possédé.

    De notre point de vue qui est celui du film noir, Belmondo a apporté une contribution importante au cinéma français. C’est d’ailleurs ce genre là qui en a fait une grande vedette avec A bout de souffle et Classe tous risques sortis tous les deux en 1960. Deux films très marquants de cette année-là. Le second est adapté de José Giovanni par Claude Sautet et deviendra une sorte de classique du genre[1]. Belmondo sera aussi un acteur emblématique de l’univers de José Giovanni, puisqu’il tournera Un nommé La Rocca en 1961 sous la direction de Jean Becker[2], film dont il financera le remake en 1972 cette fois sous le titre de La scoumoune et sous la direction de José Giovanni[3]. Mais il tournera aussi Ho ! toujours d’après José Giovanni avec le réalisateur Robert Enrico en 1968.  

    Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une, Fayard, 2016

    Belmondo se retrouve dans plusieurs adaptations de romans noirs américains de première importance. D’abord, en 1963, Peau de banane de Max Ophuls d’après l’œuvre de l’excellent Charles Williams[4] est un bon succès public, mais assez peu apprécié de la critique. Il y a ensuite un film assez peu connu, Par un beau matin d’été d’après James Hadley Chase, en 1965, c’est la première collaboration avec Jacques Deray. Le succès est assez moyen, ce qui pousse sans doute Belmondo vers d’autres horizons. En 1969 il tourne une adaptation de La sirène du Mississipi, le roman de William Irish, sous la direction de François Truffaut, le film est un échec commercial et critique, alors qu’il comptait beaucoup, en tant que producteur, sur le couple qu’il formait avec Catherine Deneuve. Belmondo en déduit qu’il n’était pas fait pour incarner des rôles aussi sérieux et un brin masochiste.

    Il aura plus de succès avec Le voleur, l’adaptation par Louis Malle du roman de Georges Darien. Tourné en 1967, Belmondo dit qu’il a beaucoup aimé faire ce film[5], partageant cet esprit libertaire et grinçant de son auteur. Et de fait, c’est un très bon film.

    Belmondo est bien plus sévère avec Melville avec qui il tourne pour la troisième fois. Il s’agit cette fois d’une adaptation de l’ouvrage de Georges Simenon, L’aîné des Ferchaux. Le tournage s’est très mal passé, à cause du caractère épouvantable de Melville. Belmondo qui n’était pas du genre à se laisser faire enverra le metteur en scène au tapis. C’est malgré tout un très grand film qui reste encore selon moi un peu négligé, aussi bien du point de vue de la carrière de Melville que de celle de Belmondo. Belmondo en tournera un remake très inutile pour la télévision. Il reconnaîtra cependant le grand talent de Melville.  

    Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une, Fayard, 2016

    Comme on le voit, Belmondo tient une place importante dans le film noir à la française. C’est, avec les films qu’il a tournés en Italie là où il trouve ses meilleurs rôles. Pour ce qui est des films italiens, Belmondo rend hommage, à juste titre, à Bolognini qui l’a dirigé dans La Viaccia. Mais il reste plus évasif avec le pourtant excellent film de Renato Castellani, Mare matto, tourné en 1963, et qui n’obtint aucun succès en France. Toujours à la recherche d’un succès au box-office, il tourna plusieurs films sous la direction d’Henri Verneuil, le très médiocre Peur sur la ville qui lui permit de faire de belles cascades, et puis un remake de The burglar[6] de Paul Wendkos. C’était d’après David Goodis avec pour titre Le casse. Du roman de Goodis il ne reste rien, et du film non plus d’ailleurs, si ce n’est que ce film fut un très grand succès populaire. Belmondo dit qu’il s’essayait à suivre les pas de Steve McQueen dans Bullitt avec ses courses de voitures. En tous les cas l’esprit du film noir n’était plus là.  

    Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une, Fayard, 2016

    Stavisky aurait pu être un bon film noir, la matière était là. Mais le film fut un échec commercial et critique, sans doute pour deux raisons, la première tient à la difficulté de travailler sur des reconstitutions historiques – ici les costumes sont bien trop repassés, les visages trop bien rasés – et la seconde était sans doute que Resnais n’avait pas le talent requis pour ce genre de film. C’est Belmondo qui avait produit ce film, et il reste encore dans l’incompréhension de son insuccès. Il était pourtant plutôt bon dans ce rôle grave et cynique, laissant tomber pour un temps ses pitreries et ses cascades.

    Même si c’est avec des hauts et des bas, il est clair que Belmondo a montré dans le genre du film noir qu’il était un grand acteur qui a marqué son époque. C’est là qu’il a donné le meilleur de lui-même. Il a crevé l’écran en même temps que Lino Ventura dans Classe tous risques. C’était un changement de ton, un changement d’époque.

      

    Jean-Paul Belmondo, Mille vies valent mieux qu’une, Fayard, 2016

    Pour le reste, ses mémoires sont assez décousues et se terminent d’une manière assez abrupte. Elles laissent cependant l’impression d’un homme qui s’est bien amusé dans son siècle et qui a aimé la vie, comme ça en passant. Un dernier point qui est assez peu connu. Frédéric Dard en 1964 voulait qu'il incarne la commissaire San-Antonio, il avait ainsi fait le portrait dessiné de l'acteur devant les caméras de télévision en affirmant que c'est ainsi qu'il voyait son héros. C'était un appel du pied auquel l'acteur n'a pas donné de suite. 

     

     


    [1] http://alexandreclement.eklablog.com/classe-tous-risques-claude-sautet-1960-a114844830

    [2] http://alexandreclement.eklablog.com/un-nomme-la-rocca-jean-becker-1961-a131456792

    [3] http://alexandreclement.eklablog.com/la-scoumoune-jose-giovanni-1972-a131456916

    [4] http://alexandreclement.eklablog.com/peaux-de-banane-marcel-ophuls-1963-a131020444

    [5] http://alexandreclement.eklablog.com/le-voleur-louis-malle-1967-a117875410

    [6] http://alexandreclement.eklablog.com/le-cambrioleur-the-burglar-paul-wendkos-1957-a114844896

    « Le piège, Charles Brabant, 1958Jacques de Saint-Victor, Mafias, l’industrie de la peur, Editions du Rocher, 2008 »
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