• Jim Thompson, Hallali, The Kill-off (1957), Fayard noir, 1981

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    C’est un roman dans la même veine que Le criminel, même s’il fut publié quelques années après. Traduit seulement en 1981 par Jean-Paul Gratias toujours à l’instigation de François Guérif, il n’avait pas intéressé la Série noire. Une des raisons en est le peu d’action, le manque de rebondissements du récit.

    Jim Thompson va mettre en scène une petite ville et ses sales secrets, ses hypocrisies et ses folies qui se cachent derrière les apparences de la politesse et de la civilité. Le point de départ est une vieille femme, Luane, qui a épousé un homme beaucoup plus jeune que lui. Malade, elle passe son temps à médire, à colporter des ragots et à dresser les gens les uns contre les autres. Elle va finir par être assassinée, mais on ne saura pas avec une certitude absolue qui est le coupable. C’est bien cette incertitude qui distingue Hallali d’un roman d’Agatha Christie.

    En rédigeant chaque chapitre à la première personne, mais en changeant à chaque fois de personnage, Thompson finit par dresser le procès accablant de cette petite ville de la côte atlantique. Tous les personnages sont un peu minables, et on retrouve l’avocat Kossmeyer dans un rôle secondaire qui vit finalement de cette atmosphère délétère. Mais une fois de plus, c’est la société dans son ensemble qui est condamnable, car tous les personnages sont mis en mouvement par des forces qui les dépassent. Et dans ce contexte où l’argent et la réussite sociale sont les objectifs affichés de la société, ils ne peuvent être autre chose que ce qu’ils sont, que ce qu’ils font.

    Ça pourrait ressembler à du Dolores Hitchens, sauf que en conduisant le récit à la première personne, comme une sorte de confession, il est beaucoup plus violent et cruel.

    Deux aspects de la société américaine sont plus particulièrement traités, le racisme et la jeunesse. Le racisme est présenté à travers la trajectoire du jeune Bobbie qui a été reconnu par son père, mais pas par sa mère qui est considérée à la maison comme une simple domestique. Bobbie est issu des amours du docteur blanc et de la noire Hattie qui s’efforce d’apparaître dans ses gestes, comme dans son langage comme la parfaite négresse qui vient des Etats du Sud. Bobbie pourrait se faire passer pour blanc tant la couleur de sa peau est claire. Il a une relation avec Myra, la fille du propriétaire d’une boite de nuit en quasi faillite. Il la drogue en volant son médecin de père que par ailleurs, il terrorise. Ce thème d’une jeunesse semi-délinquante, égoïste et mauvaise, on le retrouvera dans plusieurs des ouvrages de Thompson. Mais les relations entre Bobbie, son père et Hattie est le même schéma que celui de The killer inside me, parut quelques années plus tôt.

    Le racisme encore, c’est celui dont est plus ou moins victime Kossmeyer, si personne n’ose s’attaquer à lui, il subit des remarques insidieuses.

    Il n’y a décidemment rien de bon dans cette petite ville balnéaire. Même Pavlov qui est en apparence le plus équilibré du lot, finit par subir la contamination criminelle de la communauté.

    Peut-être cet opus explique mieux que les autres pourquoi Jim Thompson n’a pas connu un succès soutenu : il n’y a pas de rachat possible, et le rêve américain n’est qu’un mensonge qui permet au système de se perpétuer. Trop noir pour qu’on prenne cette prose pour un divertissement. Trop cru aussi, il met à nu l’âme même des individus à l’ère du capitalisme triomphant. Si on se réfère à notre époque, on peut dire que le texte de Thompson n’a pas pris une ride.

    « Jim Thompson, Le criminel, The criminal (1953), Fayard noir, 1981La poursuite impitoyable, The chase, Arthur Penn, 1966 »
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