• Jim Thompson, Le criminel, The criminal (1953), Fayard noir, 1981

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    En 1953 Jim Thompson écrit et publie 5 romans. C’est donc une époque pour lui de haute productivité. Ce roman, traduit par Jean-Paul Gratias à l’initiative probablement de François Guérif, n’avait pas été retenu par la Série noire de Marcel Duhamel, sans doute à cause de son manque de rebondissements spectaculaires et de cette violence rentrée qui a du mal à s’exprimer.

    Il n’y a pas à proprement parler d’intrigue. Une jeune adolescente a été violée et assassinée, tous les indices renvoient à un autre adolescent, Robert Talbert, adolescent aussi d’une quinzaine d’années. On ne saura d’ailleurs pas exactement ce qui s’est passé et l’ouvrage se referme sur l’incertitude.

    L’histoire se passe dans une petite ville à la périphérie de New-York. C’est l’occasion pour Thompson de dresser le portrait au vitriol de la société américaine dans ce début des années cinquante. Le fonctionnement de la justice est en question, mais aussi le mode de socialisation à l’américaine avec toutes les mesquineries qui peuvent s’y trouver. Ce qui domine ce sont les hypocrisies des comportements. Et au fond, c’est bien cela qui est le plus criminel. Le rôle de la presse aux mains de richissimes propriétaires est également dénoncé.

    C’est aussi un exercice de style pour Thompson. Il fait en effet progresser son récit en introduisant peu à peu les points de vue différents des protagonistes. Chacun énoncera sa vérité à la première personne. Il commence par les parents de Robert qui sont sous le choc de l’arrestation de leur fils.  On se rend compte rapidement que ceux-ci non seulement ne connaissent rien de leur adolescent – ils sont à mille lieux de le comprendre même un minimum. Leur principale défense est de nier la réalité. Ce sont des Américains très moyens qui subissent leur vie sans réagir, aigris par les humiliations qu’ils encaissent au fil de leur vie quotidienne. Et puis peu à peu sont introduits les auxiliaires de la justice, les policiers, le procureur.

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    Jim Thompson fut aussi acteur dans Adieu ma jolie d’après Chandler 

    Le jeune Robert aussi donnera sa version des faits. Et puis apparaît l’avocat récurent de Thompson, le fameux Kossmeyer, qui va défendre brillamment l’adolescent et obtiendra son élargissement. C’est le seul qui met un peu d’ordre finalement.

    Thompson présente le chaos. Celui-ci est partout : que ce soit dans les relations entre les différentes communautés, le racisme est toujours bien présent, ou que ce soit à l’intérieur des couples où l’incompréhension règne. Mais ce chaos est aussi celui des rapports hiérarchiques que ce soit le père Talbert qui est humilié par son patron, ou encore le rédacteur en chef du Star qui est soumis à une pression ignoble de la part du propriétaire qui veut que son journal aille dans le sens d’une condamnation morale de Robert, quels que soient les moyens employés pour en convaincre l’opinion publique.

    Le père de Robert Talbert prend la peine, comme bien d’autres héros de Thompson, de nous expliquer qu’il  n’est responsable de rien, qu’il est l’éternelle victime des circonstances. C’est peut-être un peu facile, mais c’est finalement assez vrai. Ce sont les rapports sociaux dominants qui font ce que nous sommes et qui nous entraînent sur une pente savonnée sans joie et sans avenir.

    D’un point de vue stylistique, il n’y a pas grand-chose à remarquer. Simplement le récit progresse en changeant de locuteur. Le point fort résidera plutôt dans les dialogues, qui comme toujours chez Thompson, sont remarquablement bien écrits.

    Trop noir pour avoir un succès large, l’ouvrage cependant passe plus que bien les années et semble avoir été écrit aujourd’hui. On retrouve le même vide chez les adolescents, les mêmes oppositions avec leurs géniteurs. L’ouvrage n’a pas de fin véritable, en ce sens que le lecteur ne connaitra pas la vérité ultime de ce cauchemar.

     

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