• L’étrange Mr. Slade, Man in the Attic, Hugo Fregonese, 1953

    L’étrange Mr. Slade, Man in the Attic, Hugo Fregonese, 1953 

    Tout en s’inspirant du roman de Marie Belloc Lowndes, Fregonese va arriver à un résultat très différent des versions précédentes. Cette fois c’est Mr Slade qui est le centre de toutes les attentions, et l’histoire de la jalousie entre le locataire et le policier qui enquête sur les meurtres ignobles de Jack the ripper est à peine suggérée. Cette version est tournée en 1953. C’est-à-dire à une date où le cycle classique du film noir est en train de s’essouffler. 

    L’étrange Mr. Slade, Man in the Attic, Hugo Fregonese, 1953 

    Mr Slade est amoureux de la chanteuse Lilly 

    Alors que les meurtres paniquent complètement le quartier de Whitechapel, l’étrange Mr Slade vient louer une chambre et un grenier (attic en anglais) pour, dit-il faire, des expériences scientifiques. Malgré la méfiance de Mrs Harley, il va s’installer. Peu après il va faire la connaissance de la belle Lilly, meneuse de revue, et femme déterminée et libre. Il tombe sous son charme. Celle-ci est la nièce des époux Harley. Mais petit à petit les soupçons de plus en plus nombreux pèsent sur Slade qui sort souvent la nuit pour faire des expériences. D’autant que Lilly le surprend un soir en train de brûler son manteau. Warwick un policier autant obstiné qu’ambitieux commence à enquêter sur Slade, mais il découvre que celui-ci est bien un membre éminent de l’université et est très dévoué à la recherche. Warwick fouille la chambre de Slade pour récupérer des objets sur lesquels celui-ci aurait laissé des empreintes. Lilly se fâche avec lui pour cette intrusion de mauvais goût. Warwick est d’autant plus amer que l’examen des empreintes ne donnent strictement rien. L’affaire va pourtant se dénouer d’une manière inattendue. Slade ne supporte pas que Lilly dont il est très amoureux se produise dans des tenues légères qui excitent les hommes. Pris d’un accès de colère, il veut lui trancher la gorge, mais il y renonce parce qu’il l’aime. Il s’enfuit, on comprend qu’il était bien Jack the ripper, la police le poursuit, mais elle ne le rattrapera pas. Il disparaîtra à jamais dans les eaux troubles de la Tamise. 

    L’étrange Mr. Slade, Man in the Attic, Hugo Fregonese, 1953 

    Slade visite le musée noir de Scotland Yard 

    Le scénario est de Barré Lyndon, le même qui avait écrit celui de The lodger pour John Brahm en 1944, les deux films seront très proches dans leur principe. Barré Lyndon est un anglais, et naturellement il va mettre en avant le côté brumeux de Whitechapel et des bords de la Tamise. Et donc Man in the attic sera plus un remake du film de Brahm que ce celui d’Hitchcock, plus proche du roman de Marie Belloc Lowndes. Hugo Fregonese est un réalisateur argentin qui a fait une petite carrière à Hollywood. Il a tourné des westerns, avec Gary Cooper ou Robert Taylor, des films noirs, dont le très bon Seven tunders, film sur la résistance qui se passe à Marseille. Les cinéphiles, engeance assez mal définie cependant, ont surtout retenu Apache drums, western baroque. Il finira sa carrière en tournant des films de genre en Allemagne. Il n’a donc eu que très peu de succès, manifestement il avait du talent, mais sans doute n’a-t-il pas su gérer correctement sa carrière ou bien a-t-il été écarté de projets plus ambitieux. Man in the attic est une commande, la volonté de la 20th Century de refaire un succès avec un film à petit budget, sur un thème à priori passe partout. Par rapport aux deux versions précédentes adaptées de Marie Belloc Lowndes, les changements de point de vue sont très importants. Le suspense porte sur la personnalité de Slade, mais on va rapidement comprendre qu’il est Jack the ripper. Une partie du film passe à nous expliquer pourquoi Slade est devenu un tueur : c’est à cause de sa mère qui était une trainée et qui l’a abandonné, son père sombrant dans l’alcool. Slade va donc avoir des pulsions, des excitations qu’il n’arrive pas à contrôler. On remarque d’ailleurs que plus il se rapproche sentimentalement de Lilly et moins il n’a de contrôle sur lui-même. 

    L’étrange Mr. Slade, Man in the Attic, Hugo Fregonese, 1953 

    Les journaux qui relatent les meurtres de l’éventreur s’arrachent 

    L’autre point de vue est de s’intéresser à Lilly, femme de caractère, libérée, assumant son métier qui est tout de même de jouer sur la séduction en montrant plus ou moins ses avantages, ce qui peut paraître osé dans la société victorienne. Bien qu’elle semble attirée par Slade qui lui apparaît comme un homme spécial, elle joue tout de même avec Warwick, le policier très antipathique, jaloux de Slade qui veut à tout prix coincer ce dernier. A croire qu’elle veut se jeter dans la gueule du loup. Le propos du film est relativement limité, et ce qui va compter, c’est plutôt la mise en scène. Celle-ci est assez soignée. Certes on voit bien que c’est du studio, mais les angles de prise de vue, les travellings, les mouvements de caméra donnent un côté très propre à l’image. Le film louche plus du côté fantastique que du côté film noir. L’impuissance de la police, ou encore le rôle de la presse est à peine suggérée. Des scènes entières ont été piquées au film de John Brahm, comme celle où les policiers à cheval cernent l’immeuble où un meurtre a été commis. 

    L’étrange Mr. Slade, Man in the Attic, Hugo Fregonese, 1953 

    La police cerne le quartier où un nouveau meurtre a été commis 

    L’interprétation est dominée naturellement par Jack Palance qui trouve ici son premier grand premier rôle. Son physique très particulier le prédestine à des rôles effrayants. Mais c’est un très bon acteur. On peut s’en rendre compte encore ici. Il joue de sa haute taille et de son visage taillé à la serpe, mais il manifeste aussi très bien des sentiments partagés entre ses pulsions de mort et son amour pour Lilly. Il sait aussi être ironique quand il affronte son rivale l’inspecteur Warwick. Constance Smith, actrice irlandaise peu connue, est Lilly. Elle apporte pas mal d’énergie au rôle. Elle n’a jamais obtenu quant à elle des rôles très importants, elle a tourné surtout en Angleterre, faisant vers la fin de sa carrière quelques incursions dans en Italie dans le film de genre. Les deux acteurs qui interprètent les logeurs sont pas mal aussi. Notez que dans ce film Daisy est devenue la bonne, un peu craintive, un peu idiote. Warwick est joué par l’insipide Byron Palmer qui est un parfait inconnu d’abord parce qu’il fut surtout un acteur pour la télévision.

    L’étrange Mr. Slade, Man in the Attic, Hugo Fregonese, 1953  

    Slade brûle son manteau 

    L’ensemble laisse un sentiment mitigé. Si la mise en scène est efficace et Jack Palance très intéressant, le film manque d’un propos clairement affirmé. Hésitant en permanence entre l’esthétique du film noir et celle du film fantastique. Il ne parvient pas à convaincre. On peut le voir sans ennui, mais une fois que le visionnage est achevé, il n’en reste pas grand-chose. La belle photo de Leo Tover qui a tourné avec les plus grands, Jean Renoir, Raoul Walsh, etc., ne suffit pas pour sauver l’ensemble de la grisaille. 

    L’étrange Mr. Slade, Man in the Attic, Hugo Fregonese, 1953 

    Slade ne supporte pas que d’autres hommes admirent Lilly

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