• L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968

     L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968

    A l’époque où se tourne L’homme à la Buick, Grangier est considéré comme un produit très sûr, et Fernandel fait encore recette. Le seul vrai ratage c’est le film qu’il a fait avec Mocky en 1966, La bourse ou la vie. Quelle idée ! Certes il fait, comme Gabin d’ailleurs un peu moins d’entrées qu’avant, mais il remplit généralement les salles et multiplie les rôles différents. Il passe de la franche rigolade de Don Camillo en Russie sous la direction de Luigi Comencini et qui sera un gros succès en Italie, à la tragédie du Voyage du père film réalisé par Denys de la Patellière, dans lequel il peut démontrer toute l’étendue de son talent. Mais 1968 est une année très ingrate pour le cinéma commercial traditionnel. En même temps qu’une nouvelle classe d’âge fait irruption sur la scène politique, les critères de la consommation culturelle changent aussi. Et donc le système qui avait si bien fonctionné dans les années cinquante, qui avait su résister convenablement dans les années soixante, se délitait maintenant très rapidement. Grangier, Fernandel, Gabin, et quelques autres allaient disparaître du devant de la scène, c’est seulement avec le temps qu’on allait les réhabiliter, aussi bien pour la nostalgie qu’ils charriaient avec eux, que pour les qualités bien réelles que la critique Nouvelle Vague avait mis sous l’éteignoir. C’est avec la dissipation de cet écran de fumée que fut la Nouvelle Vague qu’on redécouvrit le cinéma français. Le support est un ouvrage signé Michel Lambesc, pseudonyme de Georges Godefroy. L’ouvrage date de 1964, grande époque où la Série noire développait les histoires de voyous dans tous les sens qu’on peut imaginer.

    L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968 

    Armand Favreau est un voyou discret qui ne s’est jamais fait coffrer. Il vient d’acheter une très belle villa à Honfleur. Dans cette ville très paisible, il va rencontrer la belle Michèle de Layrac qui est galeriste. Il passe des diamants en Suisse en se faisant accompagné par des enfants. Mais il est aussi à la tête d’une bande de truands avec qui il monte des holdups. La bande se réunit dans un hôtel parisien qui lui appartient. Il tient son autorité du fait qu’il n’a jamais fait une seule année de prison. Tandis qu’il travaille à ce coup, il entame une liaison avec Michèle de Layrac. Le coup concerne une bijouterie. Ça se passe à peu près bien, sauf que l’un des membres de la bande, le marquis, est blessé. Armand va le cacher dans sa villa. Mais il constate que la police rôde aussi à Honfleur. Les choses se précipitent quand Armand porte son butin chez un receleur. En effet, deux autres membres de la bande le bute, déclenchant une vaste opération de police qui va les faire tomber. Armand s’extraie tant bien que mal de ce piège, mais à Honfleur, la police, en l’occurrence l’inspecteur Farjon, enquête. Armand croit que c’est pour lui. Mais en vérité c’est la belle Michèle de Layrac qui est concernée. Elle est en effet considérée comme ayant assassiné ses deux premiers maris. On comprend que si elle avait jeté son dévolu sur Armand, c’est parce qu’elle le supposait très riche. Le soulagement d’Armand sera de très courte durée quand elle sera arrêtée. En effet, les complices d’Arland qui ont été arrêtés ont parlé. Et donc, alors qu’il s’apprête à reprendre la route de la Suisse pour traficoter les diamants, la police va l’arrêter à son tour. 

    L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968 

    A Honfleur, Armand fait la connaissance de Michèle de Layrac

    Le thème est double : d’abord le truand installé, un peu vieillissant, mais maître de sa vie et de son destin. Un peu comme Max le menteur, le héros de Simonin. S’il a échappé aussi longtemps à la justice, c’est parce qu’il était très malin et prudent. Le second aspect est celui de la double vie : car si Armand s’est mis à l’abri c’est parce qu’il mène une double vie au lieu de s’enferrer dans le milieu proprement dit. C’est un thème qu’on a vu très souvent, par exemple avec Miroir de Raymond Lamy dans lequel Jean Gabin était la vedette. De ce point de vue, Fernandel suit les pas de Gabin, avec qui il est d’ailleurs associé pour la production de ce film, via la Gafer, la société de production qu’ils ont montée. Evidemment le débonnaire Fernandel malgré son grand talent ne peut pas jouer comme Gabin qui est toujours un peu renfrogné. Mais il est introduit une autre dimension, cette femme qui empoisonne ses maris pour leur piquer du pognon. C’est le thème de la veuve noire qui donne un côté sulfureux à l’ensemble. Sans doute cet aspect n’est pas assez bien traité. C’est dommage. On ne sait pas sur quel pied danser, et à la fin si Armand est soulagé ou non d’avoir échappé à son empoisonneuse. On se s’attardera pas sur la morale finale du type l’argent ne fait pas le bonheur et bien mal acquis ne profite jamais.

    L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968

    Armand traficote des diamants avec la Suisse

    Si on passe sur les incohérences scénaristiques, l’histoire de Michèle se télescope avec le rest, le film est plutôt bien mené. Tourné en écran large, il utilise pleinement les décors extérieurs, comme Gilles Grangier aime souvent à le faire. Le côté provincial d’Honfleur est bien utilisé, parce qu’il nous amène vers le drame bourgeois, l’empoisonneuse. L’opposition avec un Paris un peu anonyme est tout à fait intéressante. Elle signifie au fond cette hésitation d’Armand, mais aussi peut être de Michèle, entre une vie bourgeoise et paisible et une vie d’aventures, plus risquée, mais plus passionnante. Il y aura donc un vrai plaisir à mettre en scène la vie ordinaire des petites gens, le bar-tabac où Armand rencontre Michèle, la tombola un peu ridicule organisée par celle-ci. Il y a une très bonne utilisation de la profondeur de champ, notamment dans la scène du hold-up rondement menée qui confirme ce que nous avions remarqué plusieurs fois : Gilles Grangier avait du talent pour les scènes d’action. 

    L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968 

    Armand réunit la bande pour trouver un nouveau coup 

    L’interprétation c’est Fernandel, évidemment. C’était là son avant dernier film. Cet acteur à la très longue carrière avait une présence incroyable, son succès est resté assez constant au fil des années. Il attire la lumière naturellement, et met tous ses partenaires dans l’ombre. Notez qu’il avait déjà joué plusieurs fois des hommes doubles, notamment dans L’ennemi public numéro 1. Danielle Darrieux ne résiste pas à Fernandel. Elle a beaucoup du mal à imposer son rôle, alors elle cabotine un peu trop à mon goût. Mais bon c’était Danielle Darrieux n’est-ce pas. Les seconds rôles sont bien, Marielle, Descrières, Christian Barbier, mais ils sont très en retrait. Albert Dinan qui a fait presque tous les films de Grangier est ici un plombier qui se fait un peu bousculer par Armand. Michael Lonsdale, joue le flic qui enquête sur la veuve noire, il faut aimer ce genre-là, un peu particulier, à côté de lui Marielle est très sobre. 

    L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968 

    Le hold-up réussira 

    Sans être un chef-d’œuvre, le film se voit encore très bien aujourd’hui. Et ne mérite sans doute pas l’oubli dans lequel il est tombé. Sorti dans l’effervescence de 1968, il fera un score à peine honorable, histoire de couvrir ses frais. 

    L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968

    Armand apprend à la Paluche et Maxime qu’ils ont tué leur rerceleur 

    L’homme à la Buick, Gilles Grangier, 1968 

    Michèle est arrêtée par la police

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