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Le centenaire de Frédéric Dard à Lyon, Quais du Polar
Cette année, les Quais du polar, sans doute l’événement le plus important en France pour le roman noir, avaient une allure un peu curieuse. D’abord parce qu’il a fallu, à cause du COVID le déplacer et le situer en été au lieu du traditionnel rendez-vous du printemps. Ensuite parce que pour les mêmes raisons, les différentes manifestations étaient éclatées un peu de partout. Et enfin, il s’agissait aussi de célébrer le centenaire de la naissance de Frédéric Dard, écrivain lyonnais, né à Bourgoin-Jallieu et enterré à Saint-Chef. Le Fleuve noir présentait ses nouvelles réalisations, Les nouvelles de moi, mais aussi un recueil numérique des 22 romans lyonnais de Frédéric Dard dont l’importance n’est plus à démontrer. Parallèlement le Fleuve noir a publié un ouvrage d’Odile Baltar qui a obtenu le 1er Prix San-Antonio, créé sous l’égide de Joséphine Dard. C’est un polar assez déjanté qui a été couronné sur manuscrit : Arrête ton cirque ! On nous disait qu’il avait été choisi entre 300 manuscrits qui avaient été envoyés au Fleuve noir.
A côté de cette présentation, on a tenu une sorte de table ronde autour de Frédéric Dard bien entendu. Il y avait Maxime Gillio, président de l’Association des Amis de San-Antonio, Éric Bouhier auteur chez Plon d’un Dictionnaire amoureux de San-Antonio, Joséphine Dard qui parle si bien de son père et moi-même essayant de mettre en avant toute la diversité de l’œuvre de Frédéric Dard au-delà de San-Antonio. La discussion était menée d’une main ferme par Julie Malaure qui avait coordonné le numéro hors-série du Point dédié à Frédéric Dard. Si ce n’est une pluie violente qui vint nous tremper le dos, ce fut un excellent moment avec un public attentif. Parmi les questions qui ont été soulevées, il y avait celle de la pérennité de l’œuvre de Frédéric Dard. Plusieurs problèmes, j’évoquais la question de la langue sanantonienne, ce mélange d’argot, de néologismes et d’expression familières qui faisait de San-Antonio une sorte de chroniqueur de France de la seconde moitié du XXème siècle. Et puis on évoquait aussi les difficultés qu’aurait eu San-Antonio avec les ravages du politiquement correct qui auraient vite fait de le faire classer parmi les ennemis du féminisme, voir même qui feraient de lui une sorte de raciste qui s’ignore. Ce serait se tromper lourdement de laisser croire que Dard, même à travers le personnage de San-Antonio, pouvait être raciste et misogyne. Ce qui nous rappelle que Frédéric Dard a décomplexé la langue française en s’asseyant justement sur cette bienséance, et c’est cette posture irrévérencieuse qui nous ravissait. Pour ma part je crois que Frédéric Dard restera longtemps dans les mémoires en tant que maître du roman, l’égal d’un William Irish, d’un David Goodis ou d’un James M. Cain. Ce n’est pas notre ami Dominique Jeannerod que me contredira sur ce point. Il y a d’ailleurs un renouveau des traductions des romans noirs publiés au Fleuve noir dans la collection « spécial police », en Italie, au Royaume Uni, en Espagne et j’en passe.
Joséphine Dard et Alexandre Clément
Tout ce la ne nous empêche pas évidemment d’apprécier toujours la saga du fameux commissaire, c’est un outil contre la morosité de l’époque et quelque part une leçon de vie en donnant de nouvelles finalités à l’écriture. Si je m’applique à mettre en avant les autres aspects de l’œuvre de Frédéric Dard, c’est simplement que je les considère comme insuffisamment connus ou trop oubliés et qui ajoutent à la grande diversité de son talent.
Le public attentif
Tags : Frédéric Dard, San-Antonio, romans noirs
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