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Le crime c’est notre bussiness, The Split, Gordon Flemyng, 1968
C’est une adaptation encore de Parker, de Richard Stark, pseudonyme de Donald Westlake. Tourné en 1968, le film est plutôt rare et je ne l’avais pas revu depuis sa sortie. Autant dire qu’il n’est pas passé à la postérité. Il a été tourné dans la foulée du grand succès de Point blank.
L’histoire est banale et se déroule en trois temps. Premier temps Parker qui ici est noir et s’appelle McLain monte un hold up. Il réunit une équipe de professionnels pour s’approprier la recette d’un match de football. On a déjà vu ça quelque part, ça rappelle Quand la ville dort ou Ultime razzia. On va avoir droit aux méthodes détournées du rusé McLain pour tester la fiabilité et les nerfs de ses futurs partenaires, mais en même on anticipe des tensions qui existent entre les différents membres de l’équipe, ce qui expliquera bien des choses par la suite. Dans une deuxième temps, le film se concentre sur le hold-up proprement dit, comment chacun à travers cette division du travail exerce son talent au mieux. Dans les films de hold-up, cette étape doit être assez longue pour que le spectateur admire la finesse des artistes en même temps que leur sang froid en raison du risque qu’ils courent d’être découverts. La troisième étape, c’est le grain de sable. Alors que le coup s’est très bien passé, le logeur de la petite ami de McLain intervient pour la violer, mais il la tue et s’approprie le magot. La disparition de l’argent va rendre l’équipe complètement déchaînée contre McLain qui aura bien du mal à s’en sortir à son avantage.
McLain réunit une équipe de professionnels
La réalisation est d’un réalisateur britannique, Gordon Flemyng, qui ne s’est guère illustré en dehors de ce film, si ce n’est pour les amateurs de séries télévisées dans la mise en scène de Chapeau melon et bottes de cuir ou Le Saint. Ce n’est pas complètement désastreux, mais enfin, ce n’est pas remarquable non plus et le rythme ne suit pas. L’action se situant à Los Angeles – comme pour Point blank – Flemyng aurait pu mieux utiliser les décors, notamment le grand stade de football, plein à craquer. Il n’y aura donc pas beaucoup de scènes remarquables, la largeur de l’écran n’est pas toujours bien utilisée d’ailleurs. Mais il est vrai que les réalisateurs anglais – Boorman est un cas à part – ont du mal avec la profondeur de champ et les mouvements de caméra. La scène finale qui se passe dans un quartier d’entrepôts, est très mal éclairée et ne donne pas de dimension particulière au bâti et aux objets qui peuplent ce lieu tout de même particulier.
Au fur et à mesure le gang encaisse l’argent
Plus intéressante est la distribution. Et là on est dans le haut de gamme si je puis dire. Jim Brown, ancien footballeur profesionnel est le second acteur noir, après Sidney Poitier bien sûr, à tenir un rôle qui d’ordinaire est tenu par un blanc. Cet acteur eu, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, un grand succès. Les réalisateurs qui l’utilisaient alors jouant sur l’érotisme de son torse athlétique. Du coup dans la foulée, ses amours avec Ellie, incarnée par la belle Diahann Carroll, prennent une connotation provocatrice. Jim Brown ira encore plus loin un peu plus tard en tournant des scènes très sexuelles avec la torride Raquel Welch. C’était avant la blacksploitation, et c’était une petite révolution. Mais Jim Brown, on s’en rend compte en revoyant ce film plus de quarante années plus tard, n’était pas un très bon acteur, trop raide, trop monolithique, il n’a pas le grain de folie de Lee Marvin lorsque celui-ci incarne un Parker (Walker) mis en mouvement par une nécessité de vengeance et de justice absurde et délirante.
Le tireur sur le toit permet à McLain de fuir avec le magot
Par contre les seconds rôles sont très intéressants. Et on peut regretter que le film n’ait pas plus insisté sur l’aspect choral de cette histoire. Il y a Ernest Borgnine qui à l’ époque n’avait pas encore tourné La horde sauvage et se trouvait un peu dans le creux de la vague. Très bon, débordant d’énergie, ironique, il compense la froideur de Jim Brown. Ensuite on retrouve James Withmore, un vieil habitué des films noirs, puisqu’il tenait déjà le rôle d’un bossu dans Quand la ville dort. Son rôle est cependant minuscule, il est le propriétaire qui veut violer et rançonner Ellie. IL y a encore Donald Sutherland dans le rôle du tireur, spécialiste des armes à feu. C’était un peu le début de sa carrière.
Le propiétaire d’Ellie la tue et récupère l’argent
Mais ce n’est pas tout, Gene Hackman qui s’était fait remarqué dans Bonnie and Clyde, tient le rôle d’un flic, un peu véreux, un peu honnête, qui s’allie contraint et forcé à McLain pour retrouver le magot. Il est très bon. Mais il ne deviendra un acteur de premier plan que quelques années plus tard dans Franch connection, le chef d’œuvre de William Friedkin.
Et puis il y a la trop rare Julie Harris dans le rôle de la commanditaire du hold-up. Décédée l’an dernier dans la plus grande discrétion médiatique, elle avait été la partenaire de James Dean dans East of Eden, et aussi tourné avec Robert Wise dans La maison du Diable. C‘est toujours un plaisir de la retrouver.
McLain va être amené à collaborer avec Drill un flic un peu véreux
Au final le film se voit sans déplaisir. Mais il est aussi possible de se poser la question de savoir pourquoi un auteur comme Westlake – ici sous le nom de Richard Stark – critique de la société capitaliste, met en scène l’efficacité de la division du travail qui est justement un des fondements de l’éradication et du maintien de la société bourgeoise.
McLain aura bien du mal à se sortir du piège que lui tendent ses complices
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