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Le destin est au tournant, Drive a crooked road, Richard Quine, 1954
Eddie Shanon est un homme seul. De toute petite taille, il est complexé aussi par une cicatrice qui lui mange la figure. Il a peu de choses dans sa vie, son métier, il est mécanicien, et puis la passion pour les voitures de course. Il participe d'ailleurs à des courses où il est un brillant pilote. C'est justement ce petit talent qui va attirer l'attention d'une équipe de gangsters qui veulent braquer une banque. Ils veulent se servir d'Eddie pour prendre la fuite en voiture et éviter les barrages après le coup. Mais Eddie est un honnête garçon, aussi on lui envoie la belle Barbara pour le séduire. Elle va le convaincre de participer au hold up. Celui-ci se passe très bien, chacun tient son rôle. Mais les problèmes commencent quand Eddie cherche à revoir Barbara. celle-ci est très gênée d'avoir manipulé le petit mécano. Et lorsque Eddie débarque chez les gangsters, elle vend la mèche. Ça se termine très mal : les gangsters vont essayer de tuer Eddie, craignant qu'il parle à la police.
Barbara invite Eddie à la plage de Malibu
C'est une des rares excursions de Richard Quine dans l'univers du film noir. Bien moins réussi cependant que le film qu'il tournera juste après Pushover, il possède d'indéniables qualités. Le scénario, pourtant dû à Blake Edwards, est tout de même un peu paresseux et bourré d'invraisemblances. Notamment la scène où Barbara révèle à Eddie qu'elle l'a trompé depuis le début, n'est guère crédible. Si l'intérêt ne se trouve pas vraiment dans l'intrigue, il est ailleurs. Ce sont les rapports ambigus entre Barbara et Eddie qui donnent un côté à la fois mélancolique et amer. Bien que le film ne dure qu'une heure et vingt minutes, le rythme est lent, tout est centré sur la préparation du hold-up, mais ce n'est pas l'aspect technique qui est ici en jeu, c'est la façon dont Eddie va finir par accepter de conduire la voiture. D'ailleurs, au final il y a très peu de scènes d'action. On ne verra même pas le hold-up.
Elle saura vaincre la timidité d'Eddie
C'est un film à petit budget avec une utilisation importante des extérieurs. La réalisation repose sur le jeu des acteurs, la confrontation permanente entre Eddie et Barbara. Eddie c'est le petit homme qui n'ose pas, Barbara est une belle femme, sûre de son charme et de ses capacités à séduire n'importe qui. Mais au fur et à mesure que l'histoire avance et qu'Eddie a pris la décision de risquer tout pour l'amour de Barbara, les rapports vont s'inverser. C'est Barbara qui perdra la tête, troublée par les réactions d'Eddie. Et c'est d'ailleurs cette perte de sang froid qui va faire sombrer l'histoire dans le drame bien noir. Dianne Foster est Barbara. Elle est très bien, mais c'est surtout Mickey Rooney, souvent abonné à des rôles de comique léger, qui est remarquable. Il livre une très grande prestation, tout en nuances, trimbalant avec fatalité sa petite taille et sa solitude morose. A noter que Mickey Rooney est l'acteur américain qui je crois a eu la plus longue carrière à l'écran, il était né en 1920 et est toujours vivant. Ce devait être un homme avec beaucoup de charisme malgré sa toute petite taille, car il fut marié huit fois, dont une fois avec Ava Gardner
Les autres acteurs sont sans trop d'intérêt, Kevin McCarthy est l'amant de Barbara, beau garçon, athlétique, il est l'inverse d'Eddie. On se souvient de lui surtout parce qu'il était le héros de Invasion of the body snatchers de Don Siegel, le seul où il ait le premier rôle.
Au volant Eddie est un autre homme, et ses deux complices ne sont pas rassurés
L'autre intérêt de ce film noir, c'est l'utilisation des décors. On est en 1954 et le film noir va s'éloigner peu à peu des décors sombres et nuiteux, intégrant progressivement les avancées de la société de consommation. Les voitures de sport, la plage, les maisons près de la mer, loin de proposer un univers paradisiaque, construisent un enfer. Il y a un contraste intéressant entre le monde honnête et travailleur auquel appartient Eddie et le monde hédoniste et jouisseur de Barbara et de ses amis.
Barbara ayant dit la vérité à Eddie, Steve décide de l'éliminer
On remarquera que la structure du récit est un peu la même que dans Pushover, c'est encore une femme manipulatrice que le mâle, quelle que soit sa force de conviction, n'arrive pas à séduire. Le crime est toujours vu comme une fuite en avant dans cette course mortelle à la séduction.
« Les bâtisseurs de l'Empire, Empire rising, Rivages, 2006Robert Parrish, J’ai grandi à Hollywood, Stock, 1981 »
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