• Légitime violence, Serge Leroy, 1982

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    Le scénario est assez simple, Martin Modot qui a raccompagné ses parents à la gare de Deauville, voit sa famille anéantie quand, au moment d’un hold-up manqué, un des gangsters se met à tirer dans la foule. En vérité le hold-up est simplement un prétexte pour tuer un homme, membre du GDR, une sorte de police parallèle, qui menace de faire des révélations à la presse sur les dessous peu reluisants des politiques de droite. Martin Modot est contacté par Philippe Miller le président d’un groupe d’autodéfense, clairement d’extrême-droite. En essayant de retrouver les assassins de sa famille, Martin Modot va remonter jusqu’à Lucie, la sœur d’Eddie Kasler, propriétaire d’une boîte de nuit, l’organisateur de la tuerie de Deauville. Il va finir par s’allier avec elle, mais il est poursuivi par les tueurs d’Eddie, en outre, il s’aperçoit que le commissaire Brousse est en réalité l’employeur d’Eddie et travaille pour le compte de personnes plus haut placées encore. Eddie sera finalement arrêté, mais, présenté aux journalistes, il sera abattu par Philippe Miller qui dit parler au nom de la justice.

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    Eddie surveille ce qui se passe dans la gare de Deauville

    A travers le drame d’un homme qui a presque tout perdu, le film se veut aussi bien le procès des groupes d’autodéfense qui sont à l’époque le fer de lance des débuts de l’extrême-droite politique, que celui des polices parallèles, telles que le SAC, abondamment utilisées avant 81 par le parti gaulliste. Justement le film est tourné en 1982, au moment de la tuerie d’Auriol va amener à la dissolution du SAC et à la révélation de leurs pratiques particulièrement douteuses. L’idée de départ est plutôt intéressante et l’histoire se veut réaliste en dénonçant des pratiques peu reluisantes qui voit la police manipuler sans complexe aussi bien des truands que des citoyens innocents, et tout ça dans le but de couvrir ses propres turpitudes. Mais on peut dire que c’est raté. La raison première de ce ratage est l’incohérence du scénario, et cette dénonciation grossière et incohérente d’une police aux mains des puissants sombre dans la caricature tant les différents éléments ont du mal à s’emboîter. Cette approche politique est probablement due à Jean-Pierre Manchette et s’inscrit dans la lignée de ce qu’on a nommé « néo-polar ». Ce n’est pas tant le fait que le néo-polar dénonce les turpitudes de la droite et de l’extrême-droite qui gêne, mais la manière dont cela est mené, le peu de réalisme qui lui est attaché.

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    La famille de Martin Modot est détruite

    C’est ainsi que le président de l’association d’autodéfense est présenté comme une vieille canaille libidineuse, comme s’il ne suffisait pas qu’il soit ce qu’il est pour être dénoncé comme néfaste pour la société. Est-on obligé aussi d’en  rajouter dans son concubinage avec la police ? N’est-ce pas déjà assez qu’il représente les valeurs de l’extrême-droite, que probablement il se fasse un nom et de l’argent en exploitant la misère des autres, sans qu’on ait besoin de rajouter des tares sur le plan de ses relations sexuelles ou dans sa volonté de commettre les basses besognes. Du reste l’assassinat d’Eddie perd toute crédibilité, parce que c’est une chose de défendre la légitime défense et une autre de commettre un meurtre de sang-froid.

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    La police cherche à savoir comment l’homme du GDR a été tué

     Du point de vue cinématographique l’ensemble est assez mou, mais il y a quelques scènes assez réussies, la tuerie dans la gare de Deauville ou la longue poursuite dans le métro. D’ailleurs Leroy réussi plutôt bien les scènes d’actions, et s’il est moins à l’aise dans les scènes dialoguées plus statiques, il arrive toujours assez bien à se saisir des décors naturels. Mais ces difficultés entraînent aussi un manque de réalisme psychologique des protagonistes auxquels on ne croit jamais vraiment. En effet on ne comprend pas qu’un homme qui souffre et qui veut se venger finalement reste aussi timide et emprunté que Martin Modot.

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    Les tueurs d’Eddie doivent être tenus

    On a souvent rapproché ce film du  style d’Yves Boisset dans les années soixante-dix. Je suppose qu’on y a vu la même volonté militante et démonstrative à travers l’expression de personnages finalement assez convenus. Le commissaire Brousse joué remarquablement bien par Michel Aumont, est calqué sur les nombreux personnages de flics pourris que Michel Bouquet a incarnés. Et si la volonté de faire un cinéma à la fois populaire et édifiant est la même dans les deux cas, le style cinématographique diffère cependant. Celui de Leroy est plus direct, il ne recherche que très rarement des mouvements compliqués de caméra, et il a un sens de l’action violente qui est plus sûr que chez Boisset.

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    Eddie a mis sa sœur en danger 

    Le film reçut à sa sortie pas mal d’éloges, et connut un succès commercial convenable sans être très important. La distribution est, à posteriori, assez impressionnante. Outre Claude Brasseur qui est la vedette, on retrouve, Véronique Genest, Thierry, Lhermitte, Christophe Lambert, Valérie Kaprisky. Bien entendu, c’était il y a trente ans, et ils n’étaient pas alors des acteurs bien importants. Curieusement tous ces acteurs ne sont pas bons. Claude Brasseur se traîne un peu et ne semble jamais trouver la mesure de son personnage. Véronique Genest est très bien, mais Thierry Lhermitte est très mauvais. Il est vrai que cet acteur a plus de facilités pour jouer les bourgeois que les voyous simplement pour des raisons de physique. C’est un peu comme quand Daniel Auteuil essaie de remplacer Lino Ventura dans le rôle de Gustave Menda.

     

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    Le sinistre Miller aime les jeunes filles

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    Martin voudrait bien que Lucie parle enfin

     

    Au final c’est un film noir décevant qui se disperse à travers un trop grand nombre de personnages et qui se perd dans une intrigue à la fois trop compliquée et trop simplificatrice. Il semble qu’il eut été plus judicieux de se centrer sur le personnage de Martin Modot ou alors de carrément l’oublier. On retiendra cependant que toute la première partie du film tient bien la route et est intéressante par son naturalisme qui nous parle d’une époque aujourd’hui disparue.

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    Martin veut se venger d’Eddie

     

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    Le commissaire Brousse s’est arrangé pour éliminer Eddie

    « Le mataf, Serge Leroy, 1973Les enquêtes de Philip Marlowe, Raymond Chandler, Gallimard, 2013 »
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