• Les casseurs de gang, Busting, Peter Hyams, 1974

     Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974

    Il ne faut pas se fier ni au titre, ni à l’affiche, il ne s’agit pas d’un film drôle, une plaisanterie de garçon de bains du type « les flics sont des nuls ». C’est un film sérieux qui par le ton, le thème et la manière de filmer tient plus du poliziottesco que d’autre chose. Il est vrai qu’à cette époque, les Etats-Unis importent beaucoup de films de ce genre depuis Rome. C’est le premier long métrage de Peter Hyams, cinéaste éclectique, qui a eu quelques petits succès avec des films comme Outland, un remake de Narrow Margin avec Gene Hackman, ou encore Beyond a Reasonable Doubt, un autre remake du film éponyme de Fritz Lang. Il a donc à voir quelque chose avec le film noir. Ici, il a écrit lui-même le scénario. Il filme souvent assez « propre », mais rarement avec génie. Busting est peut être le film le plus original qu’il ait réalisé. A cette époque Elliott Gould a le vent en poupe, et Robert Blake, sans être une vedette de premier plan est assez sollicité. Le film est produit par Irwin Winkler et Robert Chartoff qui, tous les deux, aimaient travailler dans le film noir, avec une approche un peu plus moderne, avec un grand écran et de la couleur. C’est un film oublié, mais s’il n’a pas vraiment marqué son temps, il est typique de ces années soixante dix où il semblait que tout était possible au cinéma, et principalement de montrer l’autre face de l’Amérique, une Amérique qui ne s’en sort pas, qui s’enfonce dans la crasse et la turpitude.  Ce sont les années Nixon si vous voulez, avec de grosses frustrations, l’étalage de la corruption à tous les étages, une montée de la violence urbaine aussi.   

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974 

    Mike et Patrick vont faire chanter le dentiste 

    Mike et Patrick sont deux flics de la brigade des mœurs. Ils suivent une prostituée, afin de comprendre comment le gang est organisé. Ils font d’abord chanter un dentiste qui consomme les services de Jacqueline. Puis Mike va piéger cette même Jacqueline, exigeant qu’elle leur donne son carnet d’adresse, ce qu’elle fait. Mais elle a des appuis et on demande à nos deux flics de laisser tomber. En outre le fameux carnet a été dérobé dans les locaux de la police. Devant le tribunal Mike ne peut que se récuser. Mais ils ont appris que derrière ce réseau de prostitution se trouve un dénommé Rizzo, homme d’affaires prospère qui trempe semble-t-il aussi dans le trafic de drogue. Ils vont arriver à remonter la filière à partir d’un sexshop. Là ils tombent sur une bande avec qui ils engagent une poursuite et une fusillade dans un supermarché. Suite à cela ils décident de s’attaquer directement à Rizzo qui possède aussi un gymnase où des boxeurs vont s’entraîner. Ils le défient directement, mais celui-ci joue les hommes d’affaires honnêtes.

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974 

    Mike et Patrick ont une manière violente d’interroger Jacqueline 

    Ils soupçonnent Rizzo d’attendre un gros arrivage de drogue. Ils essaient ensuite de remonter la filière en fréquentant une boite d’homosexuels, et par le biais d’une prostituée, mais ils se font piéger et tabasser vigoureusement. Leur chef décide de les changer de services, ils doivent se consacrer à la formation de débutants. Mais le week-end, ils décident de traquer ouvertement Rizzo, pensant qu’ainsi peut-être il commettra une faute. Rizzo est de plus en plus nerveux, d’autant que les flics lui ont brulé sa voiture sous ses yeux. Rizzo va être hospitalisé, officiellement pour un problème cardiaque que les flics auraient provoqué. Mais les deux flics ne le lâchent pas. Ils le suivent à l’hôpital et là ils comprennent qu’il trafique de la drogue à partir de bouquets de fleurs qu’on lui fait parvenir. Ils investissent la chambre, trouvent la drogue empaquetée et une bagarre s’ensuit au terme de laquelle Mike finira par coincer Rizzo. 

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974

    Devant le tribunal, Mike va se rétracter 

    L’histoire est donc relativement simple, deux flics honnêtes et non corruptibles qui traquent un caïd de la drogue et de la prostitution. C’est relativement convenu, comme l’est aussi le côté désabusé des policiers. Mais il y a beaucoup de choses qui surprennent pourtant. D’abord une forme de puritanisme assez troublant pour l’époque. Alors qu’on est dans un monde post-soixante-huitard censé avoir opéré une révolution sexuelle, ces deux flics de la brigade des mœurs semblent bouleversés de voir des jeunes femmes se livrer à la prostitution. On va retrouver cette condamnation de la prostitution dans les films écrits par Pau Schrader, Taxi Driver ou Hard Core. Bien que les producteurs de ce film soient classés à gauche, il semble que ce genre d’attaque sur la dégénérescence des mœurs soit une réaction aux excès de la révolution sexuelle, et donc ici tous ceux qui s’occupent de prostitution sont des salopards et des marchands de drogue. Cependant l’ambiguïté est maintenue quand Rizzo, comme Jacqueline mettent Mike devant ses contradictions. Le complément de cette approche, c’est la corruption des mœurs, Jacqueline comme Rizzo ont de puissants protecteurs qui peuvent contrecarrer l’action de la justice. L’originalité est sans doute ici que le supérieur de nos deux héros les couvre autant qu’il le peut et même les encourage à continuer leur croisade contre le sinistre Rizzo. On remarque que la fin du film, comme le passage de Mike au tribunal, donne une image assez décourageante d’une justice entravée qui ne fonctionne plus. 

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974

    Dans un sexshop, Mike tente de rencontrer des prostituées 

    C’est un univers masculin et crépusculaire qui est ici décrit. Du reste les femmes présentées sont des prostituées et elles restent plutôt effacées, ne jouant aucun rôle dans le déroulement de l’intrigue. Les deux policiers ne semblent pas avoir de vie sentimentale, ni familiale. Contrairement à Rizzo qui a une vie normale – avec femme, enfants, sorties à la pâtisserie du coin – et qui a même des amis qui lui souhaitent son anniversaire. En quelque sorte il est plus normal selon les standards américains que les policiers qui le pourchassent. Mais cet apparent paradoxe n’est que le résultat d’une société en décomposition où les normes semblent avoir été renversées. 

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974

    Les flics poursuivent les gangsters dans un supermarché 

    Le scénario est écrit en deux parties, d’abord en quelque sorte la vie quotidienne des flics des mœurs qui n’a rien d’héroïque. Ensuite, la seconde partie, c’est la prise en chasse de Rizzo. C’est un peu comme si les deux flics tentaient de surmonter leur médiocrité pour s’en prendre à un gangster de gros calibre. C’est dans cette seconde partie que cela bascule dans l’action violente.  Mais dans les deux cas, c’est la manière de filmer la rue qui domine la mise en scène. C’est le point fort du film. On y sent les influences du poliziottesco, mais aussi cette Amérique des années soixante-dix qui n'en finit pas de sombrer dans la crasse. Peter Hyams capte très bien les couleurs de la nuit. La caméra est très mobile, comme si elle regardait l'histoire d'un peu loin, mais sans vouloir en perdre une miette. On va donc jouer sur les perspectives de la rue, donner de la profondeur de champ. Les scènes d'intérieur utilisent sans doute un peu trop le gros plan et le champ-contrechamp. ca casse le rythme qui par ailleurs est très soutenu. Il y a aussi un intéressant travail sur les lumières, jouant sur les ombres et s'efforçant de dévoiler les aspects cachés.  

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974 

    Ils ont décidé de s’attaquer directement à Rizzo qui possède un gymnase 

    La ville est un personnage à part. Ce n’est pas tellement que cela se passe à Los Angeles, mais c’est plutôt que la manière de la filmer est comme chercher la quintessence de la vie urbaine, particulièrement la nuit. Les scènes d’action sont excellentes. D’abord bien sûr le clou du film c’est la poursuite des bandits dans le supermarché. C’est filmé en continuité, avec de longs travellings, mais l’incroyable ce sont les figurants parmi lesquels courent les fuyards et qui ne semblent pas être au courant qu’il s’agit d’un film. La deuxième séquence c’est la séquence finale avec de belles courses dans les couloirs de l’hôpital, puis la sortie dans la rue, la poursuite en ambulances et enfin l’arrestation de Rizzo. Celui-ci se moque de Mike en lui disant que de toute façon il ne sera pas condamné. Et nous voyons Mike s’interroger sur le fait de l’abattre ou seulement de l’arrêter. C’est sur ce nouveau paradoxe que se clôt le film, laissant le spectateur imaginer. On revient donc que la question centrale aux Etats-Unis à cette époque, de l’Inspecteur Harry ou des films de vigilante de Charles Bronson, comment rendre une vraie justice quand l’Etat a démissionné et s’est enfermé dans des complications trop importantes vis-à-vis du droit qu’il a produit. 

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974  

    Ils vont tenter d’élaborer un plan 

    Il y a des scènes tout de même un peu bâclées, par exemple quand les deux flics se font tabasser et vont à l’hôpital. Mais on appréciera la visite du gymnase de Rizzo où ses boxeurs s’entrainent, ou encore la pénétration des arrières du sexshop. La visite du club homosexuel est beaucoup plus convenue, certainement assez fausse, mais vers cette époque on mettait volontiers en scène ce genre de commerce comme une image de la perversion. C’est vraiment le genre de scène qu’on ne pourrait plus tourner aujourd’hui.

     Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974 

    Les deux flics se sont fait tabasser 

     

    L’interprétation est centrée sur le couple Elliott Gould-Robert Blake. L’un est grand, dégingandé, toujours près à déconner, l’autre est petit, raide, trop sérieux sans doute. Peter Hyams joue beaucoup de ces différences physiques. C’est cependant Elliott Gould qui, dans le rôle de Mike Keenely a la meilleure part. Il est très bon, cabotinant juste ce qu’il faut derrière de grosses moustaches. Robert Blake dans le rôle de Patrick Farrel est très en retrait, comme s’il sentait qu’Elliott Gould le dominait complètement et lui volait la lumière. Les deux se trouvent constamment à l’écran. Mais il y a quelques bons seconds rôles. Allen Garfield qui incarne Rizzo, et John Laurence dans celui de leur supérieur qui tente de les couvrir. 

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974 

    Ils suivent Rizzo de partout 

    Les femmes sont quasiment absentes comme on l’a dit, seul Cornelia Sharp dans le rôle de Jacqueline tire son épingle du jeu, grâce à son corps. Elle n’a pas fait carrière malgré des atouts certains, on l’a vu dans Serpico de Sidney Lumet ou encore dans l’excellent Crazy Joe de Carlo Lizzani, des films très marquants des années soixante-dix. Et puis elle a disparu !

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974 

    Ils ont mis le feu à la voiture de Rizzo 

    Ce film totalement sous-estimé mérite un peu plus que le détour. Malheureusement il est très difficile d’en trouver une bonne version avec des sous-titres français. La qualité de la mise en scène suffirait à justifier une réédition en Blu ray. Il en existe bien une aux Etats-Unis, mais outre que c’est compliqué à faire venir, elle n’est ni documentée, ni sous-titrée ! 

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974 

    A l’hôpital le garde du corps de Rizzo prend une infirmière en otage 

    Les casseurs de gang,  Busting, Peter Hyams, 1974 

    Mike a enfin coincé Rizzo

     

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