• Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976  

    Si ce film ne fut pas une réussite commerciale grandiose, il compte aussi bien pour Losey que pour Delon. Celui-ci avait déjà travaillé avec Losey sur L’assassinat de Trotski. Le projet était un scénario de Franco Solinas que devait tourner Costas Gavras avec Jean-Paul Belmondo dans le rôle principal. Celui-ci s’étant parait-il blessé, le projet fut annulé et Costas Gavras se désista. Delon ayant trouvé le scénario décida de le produire et alla lui-même chercher Losey pour le réaliser. Ce n’était pas la première fois d’ailleurs qu’on assistait à un chassé-croisé entre les deux plus grandes vedettes de l’hexagone. On se souvient que pour L’ainé des Ferchaux Melville voulait le faire avec Alain Delon, mais que ce dernier y renonça. On pourrait dire que c’est autant un film de Losey que d’Alain Delon. Losey appréciait son professionnalisme et il s’est très bien entendu avec lui, aussi bien en tant que producteur, qu’en tant qu’acteur. Il le trouvait très cultivé et très intelligent, ce que disent finalement tous les grands réalisateurs avec qui il a travaillé. Solinas était parti d’une petite annonce qui avait été publiée pendant l’occupation, dans un journal local de Clermont-Ferrand, un nommé Klein justement avertissait les populations qu’il n’était pas juif ! Cette annonce avait été mise à jour par Marcel Ophuls dans son film Le chagrin et la pitié. À sa sortie, le film a été accueilli avec une certaine tiédeur par la critique, Delon fut déçu de l’accueil que le film reçu à Cannes. Il est vrai que cette édition 1976 était très relevée, on y trouvait Taxi Driver de Martin Scorsese qui obtiendra la Palme d’or, Brutti sporchi e cattivi d’Ettore Scola, L’eredita Ferramonti de Mauro Bolognini, ou encore Cria Cuervos de Carlos Saura. Mais Mr Klein est reparti sans rien. Si la Palme d’or pouvait se discuter, donner le prix d’interprétation masculine à Jose Luiz Gomez dans le film très obscur Pascual Duarte, et le Grand prix du jury à La Marquise d’O d’Éric Rohmer c’était franchement de la malveillance. Doit-on y voir la main de Costa Gavras qui avait abandonné le projet et qui était président du jury cette année-là ? Je ne saurais l’affirmer, mais la question mérite évidemment d’être posée. Avec un retour intempestif de l’antisémitisme notamment un antisémitisme de « gauche » et qui plonge ses racines dans les populations musulmanes implantées en Europe, comme si Losey et Delon avaient eu l’intuition que leur film allait devenir capital. Depuis 1976, l’aura de ce film s’est bien améliorée, c’est devenu une sorte de film culte, à croire même que pour certains Alain Delon n’avait jamais rien fait d’intéressant avant ! Cependant, il ne faudrait pas prendre ce film uniquement comme une analyse de Shoah, une sorte d’extension de Nuit et brouillard d’Alain Resnais. C’est ça, bien sûr, mais aussi beaucoup plus que ça. C’est également une quête de l’identité, ce qui est un des thèmes de prédilection de Losey, et un voyage dans une bureaucratie tout à fait kafkaïenne 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Un médecin détermine si une personne est juive ou non 

    Nous sommes sous l’occupation et le gouvernement de collaboration met en mesure la traque et l’éradication des Juifs, nous voyons donc un service « médical » de la préfecture qui examine les traits physiques des personnes pour définir leur degré de judaïté. De son côté Robert Klein, un marchand de tableaux achète une œuvre d’Adriaen van Ostade à un juif dans le besoin. Il fait une belle affaire. Quand le vendeur s’en va, il trouve dans son courrier un exemplaire d’Informations juives, il est très troublé car il n’est pas juif, il est catholique bien qu’originaire d’Alsace. Il va essayer de comprendre pourquoi on lui envoie ce courrier. Il va commencer par visiter la rédaction de ce bulletin qui s’adresse d’abord à la communauté juive, la personne qu’il rencontre ne semble pas comprendre qu’en tenant un fichier de ses abonnés, elle livre directement les Juifs au gouvernement. Il va ensuite à la préfecture de police pour essayer d’obtenir des renseignements sur son homonyme. Il n’en obtiendra pas. Tandis que les autorités préfectorales commencent à organiser la Grande rafle, Robert Klein reçoit une autre lettre, signée d’une certaine Florence et qui manifestement connait le second Robert Klein. Il arrive finalement à décrypter l’adresse et se rend au domicile de son homonyme. Mais celui-ci a déménagé. Il visite son appartement, un pauvre logis minable, et il va trouver une piste pour se rapprocher de la fameuse Florence. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Un juif aux abois vend un tableau d’Adriaen van Ostade 

    Celle-ci veut d’abord récupérer sa lettre, mais elle ne lui dira rien d’utile, elle semble plus intéressée par autre chose, peut-être des activités clandestines. Néanmoins il est mis sur la piste d’une femme qui a joué dans une revue d’un cabaret antisémite. Il se rend dans ce cabaret et apprend qu’elle est partie travailler dans une usine de munitions qui travaille pour l’Allemagne. Il part à la recherche de ses origines, et avec son avocat il décide de se procurer les actes de naissances de ses grands-parents pour prouver qu’il n’est pas juif. Il va également rencontrer son vieux père qui se défend d’avoir des origines juives lui-aussi. Il retourne ensuite à l’appartement de l’autre Klein. Et grâce au négatif d’une photo, sur laquelle on distingue bien une fille, l’homme ayant le visage masqué, il va se remettre sur la piste de cette relation de son homonyme. Il arrive jusqu’à l’usine, tente d’interroger les ouvrières, mais c’est sans succès. Entretemps la, police vient chez lui pour lui confisquer ses tableaux car maintenant il est soupçonné d’être juif. Jeanine le quitte. Son avocat l’aide à se procurer de l’argent pour éventuellement s’enfuir. Il a finalement retrouvé la fille de la photo dans le train. En téléphonant, il tombe sur l’autre Robert Klein qui accepte de le rencontrer. Mais quand il arrive à son logis, la police est en train de l’embarquer. La Grande rafle a commencé, et Klein est lui-même arrêté. Toujours à la poursuite de son double, il atterrit au Vel ’d’hiv. Au milieu de la foule, la police et son avocat arrivent pour tenter de le tirer d’affaire. Mais lui reste focaliser sur son homonyme et le suit jusque dans le wagon qui le déportera et où il retrouve le vendeur du tableau d’Adriaen van Ostade. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Robert Klein commence son enquête à la préfecture 

    L’œuvre est très dense, c’est certainement l’un des films les plus compliqués de Joseph Losey. Et les thèmes développés sont nombreux. L’histoire proprement dite n’est pas incompréhensible, elle est même assez linéaire, mais ce sont les intentions sous-jacentes ne sont pas toujours faciles à décryptées, à cela il faut ajouter les questions de forme sur lesquelles nous reviendrons. Ancré complètement dans l’époque de l’occupation et de la traque des Juifs, français ou autres, Mr. Klein nous fait comprendre l’essence du film noir. Car c’est bien d’un film noir dont il s’agit. Il faut prendre les choses à l’envers, ce n’est pas un film sur la traque des Juifs, c’est l’histoire d’un homme à la recherche de son identité et cette quête est motivée par la traque honteuse des Juifs par la police française qui s’est déshonorée à cette occasion. Klein, en enquêtant sur son double, enquête sur lui-même, et il devra remonter très loin dans son passé, s’interrogeant sur ses plus lointaines origines. Nous avons là des thèmes récurrents du film noir, qu’est-ce qui fait une identité ? Et bien sûr le double. Le fait qu’il existe deux Robert Klein pose immédiatement la question : quel est le vrai ? Ne sont-ils pas les deux faces de la même réalité ? Robert Klein ne rencontrera probablement pas son double, mais lui-même n’est-il pas divisé ? On a d’un côté un hédoniste sur qui l’occupation allemande n’a pas pesé, au contraire, il a fait des belles affaires. Et de l’autre c’est un homme inquiet qui trouve qu’il est plus important de retrouver son identité que sa liberté, il suivra son double jusque dans la mort. Losey voyait cela comme une sorte de dialectique entre l’individu et le collectif. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    La préfecture de police prépare la Grande Rafle    

    Il faut rappeler ici que Mr. Klein est dans la continuité de l’œuvre de Losey. Non seulement dans ce rappel de cette dialectique qui peut virer à la schizophrénie, mais également dans l’individu traqué. Non seulement Robert Klein est ici traqué par des ombres, mais aussi par lui-même, et ensuite directement par la police ce qui l’oblige à partager le malheureux sort des Juifs raflés. Robert Klein n’est en effet pas obligé de partager leur sort. C’est presque consciemment qu’il refuse de s’en sortir, d’abord en provoquant la police par son enquête, puis ensuite en refermant les portes que lui ouvre son avocat. Même à la fin, Pierre arrive avec les actes de naissances et un policier. Comment interpréter ce suicide ? D’abord en avançant qu’il veut partager le malheur d’une communauté traquée et martyrisée, ensuite en refusant de s’identifier à la religion catholique. Losey a toujours été assez préoccupé par la question religieuse. Lui-même élevé dans la religion catholique, il ne se reconnait pas en elle. Mais ici Klein non seulement ne se reconnait pas en elle, mais il la renie au péril de sa vie. C’est le sens de la longue séquence qui se passe dans l’église et qui fait que non seulement Klein est en retard pour la cérémonie, mais qu’il s’y sent complètement décalé.  Dès lors se pose la question de savoir qui est Juif et qui ne l’est pas. Dans la quête de la preuve qu’il ne l’est pas, le marchand de tableau montre que cette identité ressort d’un arbitraire administratif : on ne prouve pas qu’il est juif, on lui demande de prouver qu’il ne l’est pas ! 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Klein essaie de découvrir l’adresse de son homonyme 

    Le marchand de tableaux est un homme seul. Ni juif, ni catholique, isolé à travers ses richesses artistiques. On voit ici le rôle du tableau d’Adriaen van Ostade. Pour bien comprendre cette figure récurrente du film noir depuis ses origines, il faut se souvenir que le tableau représente d’abord l’univers bourgeois, mais aussi les choses mortes, et donc le passé. Ceux qui vivent dans les richesses artistiques vivent avec des morts. Incidemment c’est la démonstration de la supériorité du cinéma, art moderne, sur la peinture. Ici il représente d’abord le portrait du père, puis l’énigme de ce que nous sommes. Klein vit sous le regard glacé du gentilhomme du tableau. Il accepte cette tutelle car elle doit lui donner la clé pour accéder à autre chose. Entouré de ses tableaux, Klein est un homme seul, sa maîtresse le quitte, et la police lui vole ses biens. Seul Pierre l’avocat est d’une grande constance à ses côtés. Robert Klein est enfermé dans son tableau comme il est enfermé avec sa fiche dans les dossiers de la préfecture. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Il descend du train pour rencontrer Florence 

    Ce que nous voyons, ce sont des gens qui vivent dans des mondes parallèles. On l’a dit pour ceux qui se gobergent sous l’occupation qui ne veulent surtout rien changer à ce qu’ils ont été. La police obéit bêtement aux ordres, ou plutôt elle s’abrite derrière son devoir de fonctionnaire pour commettre des actes criminels. Robert s’abrite derrière son statut de marchand d’art pour faire des affaires et plusieurs fois il répétera qu’il est un bon Français qui n’a rien à se reprocher, évidemment le fait qu’il aime à le dire est bien la preuve qu’il n’en croit rien. De l’autre nous avons les résistants, probablement que le Klein que recherche le marchand de tableau en est un, mais aussi Florence. Et puis encore la fille qui a fui le cabaret pour travailler dans une usine de munition. Elle est liée au Robert Klein, et les ouvrières qui l’accompagne sont probablement impliquées elles aussi dans la résistance. L’occupation c’est justement ce moment où les mondes parallèles vont se télescopés : personne ne peut rester indifférent, et c’est aussi ce chemin de la conscience que va réaliser Robert Klein. Est-ce pour cette raison que son double patronymique l’implique vis-à-vis des autorités ? On peut le penser. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Florence essaie de récupérer la lettre de Robert Klein 

    La réalisation est impeccable. Froide, elle a même quelque chose de melvillien. Pour ma part je vois beaucoup de rapport avec Le samouraï, et pas seulement parce qu’il y a Alain Delon de bout en bout à l’écran. D’abord le plus évident, c’est l’usage récurrent que Losey fait de cette grande carte murale pour préparer la traque des Juifs et leur rafle. Mais il y a aussi cette solitude de Robert Klein manifestée par l’attente à la gare, attendant qu’on vienne le chercher. Je rappelle aussi que dans Le samouraï Jeff Costello parcourt de longs couloirs, non seulement ceux du métro, mais aussi ceux du logis de ses commanditaires, couloirs chargés là encore de tableaux. Après tout cette parenté n’est pas si déroutante que cela, Jeff Costello s’éveille lui aussi à la conscience d’avoir été trompé et va vers sa mort en le sachant très bien. Si les policiers de Mr Klein sont bien plus effrayants que le commissaire qui traque Jeff Costello, ils ont cette même maniaquerie obsessionnelle de la traque et de la destruction d’un individu isolé. Ici ce n’est pas seulement Robert Klein qui est un individu isolé, tous les Juifs qui se font ramasser le sont également 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    À la préfecture on travaille à trier les gens 

    La photo de Gerry Fisher est très juste, en ce sens qu’elle utilise savamment des couleurs vives, les robes de Jeanine ou de Florence, le clinquant du cabaret et des tableaux, et des couleurs plus sombres, pastellisées dans la description de l’administration et des rues de l’occupation. Losey disait qu’il ne voulait pas représenter l’occupation d’une manière réaliste, en ne montrant pas trop à l’écran des Allemands. Et en effet il se focalise beaucoup plus sur les fonctionnaires de l’État français qui acceptent de les suppléer. Sans doute est-ce encore plus réaliste que de montrer des rues pavoisées de croix gammées ou encore nommées en allemand. De ce côté-là c’est réussi, un petit bémol cependant, les tissus qui servent à fabriquer les vêtements des différents protagonistes n’ont absolument pas la tenue de l’époque. Ils ne sont pas assez mous ! Mais pour le reste il n’y a rien à dire. On a relever évidemment de nombreux anachronismes, la Grande rafle n’a pas eu lieu en hiver mais au milieu du mois de juillet, à cette époque la SNCF n’existait pas encore et donc son logo non plus. Également quand Klein va voir son père à Strasbourg, rien n’indique que l’Alsace n’est plus en France, mais directement administré par les Allemands. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Robert Klein va voir son vieux père pour comprendre ses origines 

    Comme toujours Losey s’attarde sur les décors, ils sont ici extrêmement bien travaillés et choisis. Ce choix minutieux est toujours et encore l’idée que l’environnement crée l’individu. Ainsi les décors riches et somptueux sont le cadre d’une vie bourgeoise à laquelle on se raccroche, tandis que les décors de l’usine vont tout à fait avec la conscience ouvrière des femmes qui refusent de donner des renseignements à Robert Klein. De même l’appartement du second Robert Klein, celui qu’on ne voit jamais, dégage une misère et une précarité latente qui correspond à une personne qui se cache, probablement parce qu’elle est dans la Résistance. Pour la Grande rafle, on assiste à la préparation minutieuse de l’espace du Vel’ d’hiv, avec des marquages, puis à travers la foule ce moment particulier où des flics français séparent les enfants de leurs parents avec une cruauté complètement aveugle. Le couloir est le thème central de l’image. On voit au début ces malheureux qui attendent leur tour pour se faire répertorier comme juifs. Ils sont dans un couloir qui est déjà celui de la mort. La femme qu’on voit, misérablement dénudée devant un médecin sans âme et sans conscience, s’éloigne après son examen au bras de son mari, pour se fondre dans l’ombre. Ce couloir c’est celui que suit aussi Robert Klein à la poursuite de son homonyme au Vel d’hiv. Losey utilise des travellings avant qui saisissent le mouvement dans ce qu’il entraîne le personnage vers la mort, absorbé par cette multitude qui se presse.  

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Robert Klein retourne à l’adresse de son homonyme 

    Pour filmer l’église, il utilise encore des mouvements de grue qui permettent de donner un sentiment d’écrasement et de domination symbolique sur les individus qui se recueillent. Si on a dit souvent que Losey avait le sens de l’espace, c’est parce que ses mouvements d’appareil changent en fonction de la manière de saisir les personnages. Il utilise très bien le plan large. Mais quand il film Klein à la recherche de l’ouvrière, il procède avec un travelling arrière de façon à agrandir l’espace au fur et à mesure qu’il s’avance, jusqu’à prendre dans l’image la hauteur de l’usine. Il y a de beaux mouvements compliqués de caméra, par exemple quand Klein va rendre visite à son père. Ce dernier arrive par la gauche dans son fauteuil à roulettes, et Klein par la droite, jusqu’à ce qu’ils se rejoignent. Cette scène n’a qu’un seul but, montrer combien le fils est à la recherche de son père. Ils se réunissent bien, leur conversation est amicale, mais ils ne se comprennent pas. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Klein va à l’usine pour rencontrer une amie de Robert Klein 

    Le film est manifestement un des grands rôles de Delon. Il domine évidemment toute la distribution. C’est un film fait pour lui. Et ici il montre toute l’étendue de son art, il ne reste jamais froid comme le samouraï. Il est souriant et détendu dès qu’il est en terrain connu. Si ce film est un des grands Losey, à l’évidence il le doit aussi beaucoup à Delon. Le réalisateur a beaucoup aimé travailler avec lui. Il le tenait semble-t-il pour une personnalité exceptionnelle. On ne lui donnera pas tort sur ce point. Il est très fort aussi quand il s’agit de montrer comment Klein est troublé, dérangé, par les propos du vendeur du tableau. Il n’a pas besoin de beaucoup de chose pour qu’on le lise sur son visage. Je crois qu’il a été habité par ce rôle, et sa déception aura été de ne recevoir aucun prix, ni à Cannes, ni aux Césars. Sans doute est-ce là le divorce d’avec la critique. A côté de lui il n’y a que des très grands acteurs, même dans les plus petits rôles. Sans doute Jeanne Moreau dans le petit rôle de Florence est-elle la plus mauvaise, exagérant le timbre traînant de sa voix, elle paraît assez terne et peu concernée. Mais son rôle est très étroit. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Jeanine annonce à Klein qu’elle s’en va 

    Il faut saluer ici d’abord Juliet Berto dans le rôle très inattendu pour elle de Jeanine la maîtresse de Robert Klein. Elle est excellente, montrant combien elle finit par être ennuyée, comme poussée en dehors, de la folle entreprise de son amant. Ensuite il y a Michel Lonsdale, Pierre, l’avocat et ami dévoué de Robert, il a un des plus longs rôles après Delon et il est très convaincant. Et puis il y a Jean Bouise dans le rôle du Juif qui est forcé de vendre son tableau pour la moitié de sa valeur. Suzanne est la logeuse inquiète du second Mr Klein. On ne dira jamais assez combien cet acteur travaille tout en finesse. Michel Aumont incarne le commissaire de police de la préfecture avec beaucoup de sournoiserie, renvoyant pour partie à François Périer dans celui du commissaire qui traque Jeff Costello. Même les plus petits rôles sont tenus par des acteurs de première catégorie, Massimo Girotti dans celui du mari de Florence, on trouve encore Gérard Jugnot dans le rôle minuscule du photographe qui développe le négatif apporter par Klein. Etienne Chicot interprète un policier tout à fait mauvais, il a beau ne rien faire, on voit qu’il est mauvais. Il faudrait presque tous les citer, Roland Bertin dans le rôle du directeur des Informations juive, ou encore Isabelle Sadoyan qu’on voit dans la scène d’ouverture du film chez le médecin et qui était dans la vie réelle l’épouse de Jean Bouise.  

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Dans le train il retrouve l’amie de Robert Klein 

    Reste à se demander pourquoi ce film n’a pas eu le succès commercial escompté à sa sortie. La première piste est que les critiques de cinéma dans leur ensemble n’aimaient pas Delon, ça s’est amélioré depuis. Mais cette explication m’apparait insuffisante. Une autre raison est que le film montre directement le rôle de la police et de l’État français dans la traque des Juifs. Mais au-delà de ces remarques de bon sens, il y a peut-être que la mise en scène de Losey ait pu dérouter. Mr Klein n’est pas un héros, même pas un héros négatif, et Losey ne voulait surtout pas qu’on puisse plaindre Klein et qu’on s’identifie à lui.  C’est le sens selon lui de la dernière scène quand dans le wagon qui l’emmène on ne sait où, Klein retrouve le vendeur du tableau et se remémore leur conversation lors de la transaction. Depuis bien évidemment le ton a changé.  Mr Klein est considéré comme une sorte de classique. Les nombreuses rééditions de l’œuvre numérisées lui ont donné un grand lustre et il est reconnu comme un grand film de Losey et un grand film de Delon. Je partage très largement cet avis, sauf que souvent ceux qui aiment ce film semblent vouloir réduire la carrière de Delon à celui-ci ! Je crois que pour l’apprécier pleinement, il faut le voir plusieurs fois, on le trouve encore meilleur au fur et à mesure qu’on en répète les visionnages. 

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    La police française a confisqué les tableaux de Klein, sauf celui d’Adriaen van Ostade 

    Il existe de belles éditions de ce film en Blu ray. En 2021 Studio Canal présentait une version collector, avec un superbe ouvrage de près de 200 pages, et deux Blu ray consacré uniquement aux suppléments. Le premier contient une longue interview du regretté Michel Ciment, fin connaisseur de Joseph Losey qu’il a rencontré à plusieurs reprises, une présentation de Jean-Baptiste Thoret et encore une interview d’Henri Lanoë, le monteur du film qui explique comment Losey travaillait, avec très peu de prises. Le deuxième Blu ray est centré sur une approche historique de l’occupation, avec des interviews de Laurent Joly, historien spécialiste de la question, et d’un Dossier de l’écran qui avait été diffusé en mai 1976, lors de la présentation de Me Klein à Cannes. Mais cette édition est assez onéreuse, et il existe sur le marché de simples éditions en Blu ray de très bonne qualité.  

    Monsieur Klein, Joseph Losey, 1976

    Dans le wagon qui l’emporte, Klein retrouve le juif qui lui avait vendu le tableau de Adriaen van Ostade 

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  • Commentaires

    1
    moi
    Samedi 17 Février à 19:44

    La SNCF a été créée en 1938. Je ne sais quel état son logo en 1942.

    2
    Dimanche 18 Février à 16:58

    petite erreur, mais elle change rien au film

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